Les Révoltés du Monde : “Warrior Women”

À Madiana, le prix du Jury Jeunes au festival « Les révoltés du monde »

— par Janine Bailly —

Dans “Warrior Women”, l’histoire de Madonna Thunder Hawk, icône du militantisme amérindien.

« Après des délibérations houleuses et un vote véritablement serré, un documentaire est sorti, Warrior Woman », c’est par ces mots que le Jury Jeune du Festival décline son choix, précisant que l’on parle trop peu des Amérindiens, et que cette femme en lutte a touché les sept adolescents, issus de la section Cinéma du Lycée de Bellevue pour composer ce jury. À noter le bel engagement et le bel enthousiasme dont ils ont fait preuve tout au long de ces quatre jours de cinéma intensif !

Qui est Madonna Thunder Hawk ? 

Fondatrice de l’American Indian Movement, Madonna Thunder Hawk est un personnage charismatique et atypique. Son combat pour la défense des droits des autochtones est aussi celui des droits des femmes et de l’écologie. « Du militantisme amérindien, elle a tout vu, tout vécu. Elle est là, au début des années 40, quand les eaux des rivières de Dakota du Sud sont encore potables et que les enfants Sioux-Lakota galopent à travers les plaines à longueur de journée. Elle est là, quand ces mêmes étendues d’herbe se retrouvent inondées, après la construction d’un barrage sur le fleuve Mississippi. Ou quand des jeunes indigènes commencent à occuper l’île d’Alcatraz pour faire entendre la voix de leurs peuples. » (Télérama)

Madonna Thunder Hawk est de tous les combats, des années 70 jusqu’aux protestations contre le passage d’un oléoduc sur la réserve de Standing Rock : en décembre 2016, les manifestants campaient dans un froid polaire pour tenter de ralentir la construction du “Dakota Access Pipeline”, qui passerait sur des sites sacrés et menacerait les sources d’eau potable des tribus présentes sur le site. « Venues de toute l’Amérique, les Nations indiennes se sont levées. Pour empêcher qu’un pipeline ne dévaste les sépultures de leurs ancêtres. » (Télérama). Suspendu un temps par l’administration Obama, ce projet a été relancé et achevé par Donald Trump. Restent ces mois de luttes – entre août 2016 et février 2017 – menées par des milliers d’activistes qui se sont surnommés « protecteurs de l’eau ».

 À quatre-vingts ans, Madonna Thunder Hawk, toujours active et engagée, dédie sa vie de luttes aux jeunes générations, pour qu’elles puissent vivre leur identité dans la dignité, et  transmettre à leur tour la culture autochtone à leurs descendants. « S’il a eu des contacts avec le mouvement noir-américain des Black Panthers, notre combat était sur nos terres », dit-elle dans le film. Elle revient sur son combat pour la transmission de la culture amérindienne via la création notamment d’une école baptisée « We Will Remember ». Avec pour ambition de donner aux jeunes une éducation alternative, centrée sur les traditions. « On l’a fait tout simplement parce que nos enfants en avaient besoin… Nous faisons face à tous les ravages d’être un peuple colonisé, mais le fait d’avoir des familles fortes fait durer nos traditions, notre culture ». Madonna continuera encore et toujours de s’opposer aux pouvoirs politiques et économiques avides de s’approprier les terres de ses ancêtres. Cet esprit de résistance, elle l’a transmis à sa propre fille, Marcella Gilbert ! Et c’est d’ailleurs souvent par le regard de celle-ci, et par ses récits, que nous découvrons la force et l’humanité de Madonna Thunder Hawk !

Le documentaire “Warrior Women”, de Christina D.King et Elizabeth Castle

« Quand j’étais jeune, je me plaignais que personne ne raconte notre histoire », confie Madonna Thunder Hawk, militante de longue date des droits des Amérindiens. Elle s’est laissée convaincre de faire mieux connaître son combat à travers le documentaire Warrior Women : « Je n’ai pas aimé être au centre de l’attention avec une caméra sur mes pas, mais je me suis habituée. »

La réalisation de ce film a pris sept ans, mais a réellement débuté il y a vingt ans quand Elizabeth Castle a entrepris d’enregistrer des témoignages de femmes sur l’histoire orale des Amérindiens aux États-Unis et au Canada. Le film est finalement né d’une volonté partagée de ne pas laisser ces enregistrements être oubliés dans les bases de données d’une bibliothèque. Les deux réalisatrices ont décidé de ne pas suivre la chronologie historique mais de privilégier « une approche plus viscérale et émotionnelle. »

Synopsis : « Le film relate cinquante ans de combats pour les droits des autochtones et pour la Terre, menés par des femmes puissantes, courageuses et rebelles ; il explore la conjugaison singulière entre activisme politique et le fait d’être mère, et montre comment l’héritage militant se transmet et se transforme de génération en génération dans un contexte agressif, où le gouvernement  réprime violemment la résistance autochtone. Les peuples autochtones, premiers gardiens de la terre, qu’il devient urgent d’écouter… »

Christina D. King, co-réalisatrice : Ce documentaire est donc aussi l’histoire d’un peuple, de femmes, de mères et de filles, dans leur lutte constante pour leurs droits et leurs territoires. Il a la volonté de mettre en avant la lutte des femmes, qui  sont d’autant plus discriminées qu’elles appartiennent à un peuple spolié.…  « Aux États-Unis, nous sommes 560 tribus amérindiennes distinctes à partager l’histoire commune du génocide, d’assignations forcées dans des réserves indiennes et d’une situation de revendications constantes pour nos droits. »

L’avis de  Frédéric Strauss dans Télérama :  « En pays indien, les gens disent : quand vous voulez de belles paroles, invitez les hommes. Mais si vous voulez que quelque chose se passe, allez chercher les femmes. » Elles-mêmes issues de familles amérindiennes, les réalisatrices Christina D. King et Elizabeth A. Castle font entendre ces mots au début de Warrior Women, un documentaire qu’elles consacrent à une femme puissante. Née en 1940 dans une réserve sioux-lakota des États-Unis, elle porte un nom beau comme un coup de tonnerre : Madonna Thunder Hawk n’a jamais cessé de se battre pour son peuple. Parce que la terre de son enfance fut sacrifiée… elle a voulu ensemencer la vie, transmettre aux plus jeunes la culture indienne, à laquelle les enfants de sa génération étaient arrachés, envoyés de force dans des pensionnats et “rééduqués” par des Blancs – Madonna a elle-même été placée, comme sa mère avant elle, dans des pensionnats pour « enfants autochtones ».

En manière de conclusion : Engagé, ce documentaire américain, réalisé en 2018 et sorti sur les écrans de France en 2019, rend hommage aux “guerrières”, aux combattantes de la cause amérindienne, à l’égérie qui aide sans relâche sa culture à survivre. « J’ai pris conscience que peu de personnes avaient la chance d’avoir fait l’expérience de la liberté, et que je suis l’une d’entre elles », déclare Madonna Thunder Hawk. Quant à  Christina D.King, il faut « décoloniser nos esprits et nos âmes… Nous sommes le peuple autochtone ! Et notre lutte est partagée par de nombreuses populations à travers le monde. De plus en plus d’initiatives se mettent en place pour se rencontrer et échanger. Ensemble, nous trouverons notre force pour protéger nos droits. »