Application de la TSA dans les DOM

 

Contexte et description du projet

 

 

L’article proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de finance rectificative pour 2001, refusé par le vote du Sénat, s’est inscrit dans le cadre des propositions actées par le Conseil interministériel de l’outre mer du 6 novembre 2009, suite à la volonté de la Présidence de la République.

 

 

Cet article visait à étendre aux séances de spectacles cinématographiques organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques situées dans les DOM, la taxe sur le prix des entrées (TSA) qui est affectée au Centre national du cinéma et de l’image animée.

 

 

L’assujettissement à cette taxe permettra aux exploitants de bénéficier des aides à l’exploitation accordées par le CNC, notamment les aides automatiques et sélectives (culturelles) à pour la modernisation et la création des établissements.

 

 

Mais elle permettra également aux producteurs et distributeurs ultramarins et métropolitains dont les œuvres sont exploitées dans les DOM de bénéficier des aides automatiques à la production et à la distribution accordées par le CNC au titre de cette exploitation.

 

 

L’ensemble de ces soutiens, pour leur part automatique, est en effet assis sur la TSA encaissées dans les salles.

 

Ce dispositif devait entrer en vigueur au 1er janvier 2012, ce qui permettait aux exploitants concernées et au CNC le temps nécessaire pour la mise en place de ce dispositif.

 

 

La loi de finances rectificative devant être soumise au Parlement d’ici la fin de l’année 2011, il est donc tout à fait envisageable de faire adopter ce dispositif, cette fois –ci, par les deux assemblées parlementaires.

 

 

Dispositif juridique actuel

 

 

 

Objectif de la réforme

 

 

L’objectif de la réforme est de normaliser le régime de soutien au cinéma dans tous les départements d’outre-mer par rapport à la métropole. L’application dans les DOM du même dispositif de TSA qu’en métropole est le moyen nécessaire pour ouvrir à ces territoires l’ensemble des dispositifs de soutien du CNC.

 

 

Cette normalisation, souhaitée tant par l’autorité de la concurrence (pour assainir les relations entre exploitants dans les DOM et notamment dans les DOM des Antilles) que les pouvoirs publics nationaux (Gouvernement, CNC) et les producteurs, est nécessaire tant le cinéma et l’audiovisuel sont marqués par la particularité culturelle régionale.

 

 

En effet, lorsque des œuvres cinématographiques d’auteurs issus des DOM sortent en salles, la plupart des entrées sont réalisées dans les DOM plutôt qu’en métropole, où ces œuvres rencontrent moins leur public.

 

 

Or, le secteur de l’industrie cinématographique dans ces territoires n’est aidé que par le CNC, que sur une base sélective très limitée, via des crédits délégués par le ministère de la culture et suivant une pente descendante.

 

 

Les entrées en salles sur ces territoires, contrairement à la Métropole, ne génèrent pas de droit à soutien automatique pour les exploitants, distributeurs et producteurs de ces œuvres puisque le calcul des soutiens, effectué de manière réglementaire, est proportionnel à la TSA encaissée en salle.

 

 

Impacts directs et indirects

 

 

 

23 établissements de spectacles cinématographiques sont concernés. Les exploitants locaux qui dominent le marché (quasi monopole pour les Antilles Françaises et la Guyane, et duopole pour la Réunion) ne sont traditionnellement pas favorables à la mise en place de la TSA dans les DOM. Cet assujettissement, selon eux, entraînerait une hausse du prix des places avec une baisse de la fréquentation dons un contexte économique sensible ainsi qu’une diminution de leur rentabilité à terme avec une augmentation de leur coût logistique.

 

 

Mais la non application de la TSA entraîne en chaine un manque de transparence pour les films qui sont exploitées dans les territoires. Rappelons que la transparence et le contrôle des recettes salles va de pair avec l’application de la TSA et que le CNC n’aura aucun intérêt à mettre en place une transparence des recettes (coûts de mise en œuvre) sans que les exploitants locaux et les producteurs et les distributeurs puissent obtenir du soutien financier. De même, les exploitants locaux ne bénéficient pas du régime de soutien automatique et sélectif (aide à la création de salles du CNC) pour l’exploitation des salles, ce qui contribue à maintenir la stabilité des situations économiques, y compris monopolistiques, sur place.

 

 

Les exploitants domiens ne sont pas en fait, jusqu’à présent, soumis au contrôle des recettes qui est juridiquement en vigueur et qui impose une billetterie particulière et l’envoi de bordereaux de recettes au CNC. Cette absence de contrôle permet une opacité des recettes des films exploités dans les DOM et les distributeurs, principaux destinataires avec le CNC des bordereaux, préfèrent, en l’absence de données fiables, vendre leurs œuvres au forfait alors que sur la Métropole, le principe pratiqué et posé par la loi est une remontée proportionnelle des recettes (en fonction d’un prix et d’un taux de location). Les exploitants des DOM sont ainsi les interlocuteurs directs des distributeurs métropolitains et cumulent, pour les plus puissants, les activités de distributeurs et d’exploitants sur le marché local (sous location tardive de la copie du film aux exploitants ne faisant pas partie de la sphère du circuit monopolistique distributeur/exploitant).

 

 

D’autres mesures juridiquement applicables mais de fait inappliquées dans les faits jusqu’à présent, devraient être mises en œuvre dans le cadre de la normalisation du soutien public du cinéma (autorisation d’exercice pour les salles, modification de la vente au forfait par une vente du film proportionnelle aux recettes guichets), mais la mise en place progressive du système permettra de faire face à ces nouvelles obligations qui seront appliquées selon un calendrier de monté en charge établi par le CNC.

 

Du coté de l’industrie cinématographique sur place, le prélèvement lié à la TSA sur la recette encaissée par les exploitants peut être estimée à 982 0000 € pour 2012, 1,5M€ pour 2013 et 2,2 M€ pour 2014 si une montée en charge est prévue pour le taux.

 

En contrepartie de ce prélèvement, tout le secteur (exploitant distributeur et producteurs) vont générer des droits automatiques à subvention, qui sera établi en fonction des entrées pour les exploitants et compte tenu également de la part de marché du film français pour les producteurs et les distributeurs. En plus, de ces droits automatiques, le CNC pourra cumuler des soutiens sélectifs qui pourraient être plus élevés pour les DOM du fait des spécificités régionales et de l’éloignement par rapport à la métropole et aux difficultés d’accès aux films.

 

 

Par exemple, pour certains exploitants (les plus petits d’entre eux), 80% du produit de TSA prélevée pourrait leur être réattribuée sous forme de subvention automatique mais ils pourraient bénéficier, au surplus, d’aides sélectives (art et essai, programmation difficile, modernisation de salles) qui au final leur rapporterait plus que le 20% de TSA perdue.

 

 

Ce calcul pour le seul profit de l’exploitant ne tient pas compte des avantages induits pour les distributeurs (fonds de soutien automatique ouvert pour les œuvre distribuées dans les DOM) et pour les producteurs. Les producteurs d’ Euzhan Palcy ont ainsi estimé la perte de fonds de soutien, pour le non calcul de ces droits sur le film « Rue cases nègres » du fait de la non application de la TSA dans les DOM à plus de 600 000 € !!!

 

 

Des situations similaires ont également touchés Guy Deslauriers pour Aliker et d’autres réalisateurs.

 

 

A titre d’exemple, 4 films réalisés par Guy Deslauriers, détenant également une société de production, ont été distribués aux Antilles-Guyane dans des conditions d’absence complète de transparence au regard de ce qui se pratique en Métropole.

 

 

 

  • L’Exil de Béhanzin, pour lequel le producteur du film a traité directement avec les responsables de FILMDIS (en position monopolistique sur les Antilles-Guyane). Un accord au forfait avait été conclu alors qu’en France métropolitaine, l’accord entre producteur et distributeur permet la possibilité d’une rémunération proportionnelle. La cession obligatoire au forfait en Martinique constitue le premier manque de transparence lie distributeur du fait de l’absence d’un contrôle des recettes et de TSA peut se passer de faire remonter les informations sur l’exploitation du film au producteur.

 

 

  • Le Passage du Milieu, pour lequel la société de production de Guy Deslauriers, a, là aussi, passé un accord au forfait avec la société FILMDIS. Ce film était le premier distribué par la société Kreol Productions qui, dans le cadre des négociations menées, touchait du doigt les problèmes de la distribution aux Antilles-Guyane. Kreol Productions s’est trouvée obligée (sinon le film n’était pas distribué) d’accepter une cession au forfait pour un montant de 12 000, 00 € pour l’ensemble des Antilles-Guyane. Cette cession faisait obligation à Kréol Productions de fournir au distributeur, les films annonce et copies d’exploitation du film, ce qui constitue en Métropole une prestation de service rendue par le distributeur dans le cadre de l’achat de droits négocié au producteur.

 

 

  • Biguine, a été distribué il y a 5 ans par FILMDIS1 aux Antilles-Guyane. Tout comme pour le précédent film, il a été imposé un accord de distribution à forfait à Kréol Productions pour 10 000, 00 €, incluant fourniture du matériel d’exploitation. Suite au succès du film, là-bas, il a été demandé par Guy Deslauriers et les producteurs du film que l’accord soit cassé. Après de longues discussions et une audition par la DRCCRF, la société FILMDIS a accepté de revoir les conditions du film. Sans tenir compte du nombre d’entrées, elle a adressé à Kreol deux paiements complémentaires basés sur leurs estimations de spectateurs qu’elle estimait à 36 000 (trente six mille). Les réclamations de Kreol Productions se sont basées sur le fait que nous avions placé un observateur dans le multiplex de Madiana afin d’établir une estimation. Cette dernière est plutôt et raisonnablement de l’ordre de 100 000 (cent mille) spectateurs. L’absence de billetterie et de TSA prouve encore une fois avec l’exemple de ce film à quel point le problème est réel. La distribution de ce film et les grandes tensions qu’il a générées entre FILMDIS et Kréol Productions a au moins eu l’avantage que FILMDIS ait annoncé au sortir de ce différent, qu’elle ne distribuerait plus de films en les achetant à forfait, mais qu’elle fournirait des relevés….

 

Si on se base sur l’hypothèse raisonnable de 100 000 entrées aux Antilles-Guyane, on peut estimer la perte de fonds de soutien pour le Producteur du film à environ : 85 000, 00 euros et pour le Distributeur a environ 95 000, 00 €.

 

 

  • ALIKER, a été distribué dans des conditions un peu différentes que celles de Biguine. En effet, partant de l’engagement que FILMDIS avait pris après la sortie du précédent film, il a été confirmé à Kréol Productions le partage des recettes (sur la base de relevés non contrôlables) à 50 %2. Nous n’avons compris à quoi correspondaient les 50 % qu’en recevant les premiers bordereaux.

 

Pour ALIKER non plus, nous n’avons pas réussi à avoir de chiffres précis. Nous estimons cependant la perte de fonds de soutien pour le Producteur du film à environ : 95 000, 00 euros et pour le Distributeur du film* a environ 105 000, 00 €.

 

 

1 Filmdis impose que l’on passe par sa société (FILMDIS) en sa qualité de distributeur. Ensuite Filmdis met à disposition des ses propres salles (dont le complexe Madiana) les films acquis. Filmdis retient ainsi pour elle-même 65 % des recettes encaissées. A ces 65 % de ponction s’ajoutent divers frais pour environ 10 %. La ponction est donc d’environ 75 %. Les 25 % restant sont répartis à 50 % pour les salles des circuits de Filmdis et 50 % pour le producteur/distributeur.

 

2 Kréol était également distributeur de ses films et n’avait de ce fait pas besoin de passer par la structure FILMDIS ce qui lui a été imposé.