Angoulême : la bande dessinée en révolte contre la reconduction de 9eArt+

— Par Jean Samblé —

Le monde de la bande dessinée est en ébullition. Vingt-deux lauréats du Grand Prix du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême – parmi lesquels Florence Cestac, Riad Sattouf, Jacques Tardi, Art Spiegelman, Lewis Trondheim ou encore Anouk Ricard – ont signé une tribune dans L’Humanité pour dénoncer la reconduction de la société 9eArt+ à la tête de l’événement.
Selon eux, le festival, créé en 1974 et considéré comme l’un des plus prestigieux au monde, est aujourd’hui « en danger de mort ».

Les signataires pointent du doigt une gestion jugée « opaque », des « scandales à répétition », des « erreurs de communication » et un « manque d’ambition » qui, affirment-ils, menacent la réputation internationale du rendez-vous. « Il est grand temps de tourner la page 9eArt+ pour que le Festival retrouve, avec de nouveaux opérateurs, les valeurs qui ont construit sa notoriété », écrivent-ils, avertissant que « sans un changement rapide et profond, l’édition 2026 risque fort d’être la dernière ».

Un secteur en crise de confiance

La décision, annoncée samedi par l’association du Festival d’Angoulême (FIBD), de reconduire 9eArt+ à l’issue d’un appel d’offres très critiqué, a mis le feu aux poudres. La société, délégataire historique depuis 2007, devra cependant s’associer avec la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image pour les éditions à compter de 2028.
Mais cette concession ne suffit pas à calmer la colère du milieu. De nombreux auteurs et autrices, dont Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse, appellent au boycott sous le mot-clé #NOFIBD2026.

Anouk Ricard, lauréate du Grand Prix 2025, a annoncé qu’elle ne participerait pas à la prochaine édition, dénonçant « le mépris des auteur·ices, le manque de transparence et de dialogue ». Elle s’est dite « effarée » par la décision de reconduire un opérateur déjà accusé de « dérives commerciales » et d’avoir licencié une salariée après une plainte pour viol en 2024, une affaire qui avait profondément choqué le milieu.

Pression sur les organisateurs

Le malaise dépasse les frontières du monde artistique. Le Syndicat national de l’édition (SNE) a demandé « une clarification urgente » sur la gouvernance du festival, menaçant de boycotter les prochaines éditions si la situation ne s’éclaircit pas. Le Syndicat des éditeurs alternatifs (SEA) s’est lui aussi opposé à « la reconduction de cette société et de son dirigeant ».

De son côté, le ministère de la Culture a regretté que « les contours des éditions futures restent flous, malgré les efforts des financeurs publics et les attentes des auteurs, des éditeurs et du public ». La Cité internationale de la BD et 9eArt+ ont jusqu’au 20 novembre pour présenter un projet commun, avant que le ministère ne prenne position.

Un tournant pour le festival

À quelques mois d’une édition 2026 programmée du 29 janvier au 1er février, le Festival d’Angoulême traverse l’une des plus graves crises de son histoire.
Ce rendez-vous, symbole mondial de la bande dessinée, se retrouve désormais au cœur d’un conflit qui interroge sur son avenir même.
Entre appels au boycott, défiance du public et pression des institutions, la survie du FIBD semble suspendue à une question simple, mais décisive :
le Festival saura-t-il enfin se réinventer ?

Lire la tribune dans l’Hamanité