Aimé Césaire, un homme qui crie -Poèmes sur sept décennies

Traduction et choix des poèmes par Klaus LAABS

(Editions 2025 chez Matthes et Seitz (Berlin, Allemagne) Spécialistes de l’Afrique et des Caraïbes

Par Fernand Tiburce Fortuné —

Ce n’est pas la première traduction des poèmes d’Aimé Césaire en langue allemande. On en trouve déjà une en 1962, éditée à FRANKFURT et dont le titre n’est guère éloigné du titre originel : « Zurück ins Land der Geburt ». Alors que M. LAABS préfère « Notes, mémos, mémoires sur un retour au Pays ».

Klaus LAABS, né en 1953 à Berlin, est un traducteur littéraire, en particulier des œuvres de la littérature hispanoaméricaine, française et francophone des Caraïbes et d’Afrique. Parmi les auteurs traduits par lui figurent notamment José Lezama Lima, Reinaldo Arenas, Zoé Valdes, Alejandra Pizarnik et Daniel Maximin (de la Guadeloupe)

La couverture représente Césaire par Pablo Picasso.

Voici ce que l’on peut lire dans la présentation allemande :

« Cette édition la plus complète en langue allemande de l’œuvre lyrique d’Aimé Césaire témoigne de son long combat contre le colonialisme et le racisme et doit son incomparable richesse d’images et de langage au retour culturel à l’identité « noire ».

Les poèmes traduits par Klaus Laabs couvrent sept décennies, commençant par son célèbre poème en vers, « Cahier d’un retour au Pays natal », paru en 1930, qu’ André Breton a qualifié de « plus grand monument poétique de notre temps », jusqu’aux poèmes « Les Armes miraculeuses », « Soleil cou coupé », « Corps perdu » et Moi, Laminaire… qui trouvent également leur place dans cette collection représentative, ainsi que la série des « Sept poèmes reniés », paru pour la première fois à titre posthume.

Une conversation poétologique (sic) avec l’écrivain guadeloupéen Daniel Maximin conclut le volume édité par Klaus Laabs ».

Ce volume contient 231 pages de traduction des poèmes cités . Viennent ensuite, 83 pages, et c’est une source incroyablement riche pour tous chercheurs, l’entretien intégral ( 1983 Présence Africaine) de Césaire avec Daniel Maximin à propos de « Moi, Laminaire » ; puis une très longue chronologie qui nous mène du 2 juin 1913 à sa mort en 2008, et qui se prolonge à décembre 2013 , date de l’inauguration, à La Fondation Clément (Le François, Martinique), de l’exposition « Aimé Césaire, Lam, Picasso : Nous nous sommes retrouvés », et se termine en 2019 avec cette évocation :

« À la prison de Tegel à Berlin, le théâtre de la prison met en scène la pièce de Shakespeare , La Tempête, dans l’adaptation que Césaire en a faite pour un théâtre nègre . La dramaturgie en était assurée par HansDieter Schütt. La troupe, de vrais « taulards », ethniquement bigarrés s’est fortement impliquée et a joué avec force et passion dans ce bâtiment historique en briques ».

Enfin, il a des pages, très nombreuse sur la bibliographie et les traductions, parfois inattendues, des oeuvres de Césaire. On y trouve aussi des figures bien connues de notre élite intellectuelle : Lambert-Félix Prudent, p. 322 ; Christian Lapoussinière, p. 320 ; Annick Thebia-Melsan p. 320 ; Roger Thoumson, p. 320 ; Daniel Maximin, p. 318 ; Ernest Moutoussamy, p. 318 ; Edouard Délépine, p. 317 ; Ina Césaire et P. Singanïy, p.316 ; Maryse Condé, p.316 ; Raphael Confiant, p. 316 ; Jacques Coursil, p.329.

J’ai noté avec intérêt un ABCésaire (Sélection) qui occupe 9 pages (325 à 333) et qui donne des explications sur la pensée césairienne, éclaire les néologismes ou les mots savants . il y est aussi question (sauf erreur de ma part) de l’évolution de la traduction ou de la compréhension en allemand du mot Négritude.

Ce livre se veut donc aussi pédagogique et aide le lecteur allemand à entrer dans le monde de Césaire.

Il faut noter pour finir qu’en quatrième de couverture et pour justifier le titre, on trouve l’extrait suivant : … « car la vie n’est pas un spectacle,… car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse »

Et cette citation est suivie de celle, remarquable et bien connue, de Jean- Paul Sartre.

Il faut féliciter M. K. Laabs et son éditeur d’avoir osé revoir cette traduction des œuvres de Aimé Césaire, ajoutant ainsi une pierre de plus à l’universalité et à l’humanisme de sa poésie et de ses combats. Mais on ne peut passer sous silence, et cela est remarquable, que le Fonds Allemand pour l’aide à la traduction (Deutscher Übersetzerfonds) – certainement un organisme fédéral – avec intelligence, avec un sens de l’altérité avéré, avec une intention culturelle évidente, avec une grande perception de l’égalité dans la diversité, a donné son aide et son plein aval à cette belle et difficile entreprise.

Faut-il rappeler, qu’en France on a supprimé Césaire des programmes scolaires.

NB : quand Au bout du petit matin devient,  :« Vorbei des fahle Morgen », notre compatriote Isambert Duriveau, lauréat d’une traduction créole du même ouvrage, forge et revitalise notre langue avec , « A laba di jou !

Fernand Tiburce FORTUNE

Ducos, le 23/10/2025