A propos de la vaccination.

Contre les infox et contre l’obscurantisme!

— La casa del Tango —

Je vous communique le point de vue de deux médecins à propos des déclarations fort contestables tenues à la télévision par une représentante d’un syndicat de personnels de la santé, l’UTS.

Plus fondamentalement, il faudrait tenter de comprendre la résistance à la vaccination en Guadeloupe autant qu’en Martinique et en Guyane et la multiplication des fakenews.

Ce sont à peu près, dans tous ces pays, les mêmes arguments -si on peut appeler cela ainsi- contre la vaccination- : éloge de nos traditions en matière de traitement des maladies et méfiance généralisée vis-à-vis de la médecine occidentale.

La médecine n’est pas une science mais une technique qui utilise des connaissances scientifiques (de la mathématique, de la physique, de la biologie…) et une méthode de vérification expérimentale empruntée aux sciences. Si la proposition d’un médicament ou d’un vaccin fait l’accord de la communauté scientifique au plan international, on a tout intérêt à le prendre. Cette acceptation signifie un accord raisonné produit d’une chaîne argumentative et non d’un accord reposant sur une croyance révélée qui relève en quelque sorte de la foi, qui est au fondement des fake-news.

Ainsi, ceux qui avaient foi en Didier Raoult étaient persuadés que l’hydroxychloroquine était un remède miracle pour traiter le Covid. On a même vu un Elie Domota tenter un procès à l’Etat concernant l’usage de ce médicament contesté. Ma position était la suivante ; si cette hypothèse, formulée d’abord par les Chinois, faisait l’accord des scientifiques au plan international, je le prendrai. C’est une décision qui relève, non pas de la foi, mais d’une délibération rationnelle pesant le pour et le contre. Après l’éloge fait par Trump de l’hydroxychloroquine, le président du Brésil, Bolsonaro, a favorisé surtout dans les quartiers pauvres, l’usage de ce médicament à titre préventif, ce qui causa un certain nombre de morts, car les gens des favelas n’étaient pas suivis par des médecins. De surcroit, l’armée brésilienne comme l’armée indienne de Modi, ont fait un commerce ultra rentable (pour qui ?) d’un tel médicament.

En vérité, en médecine, aucun médicament ne relève d’une certitude absolue mais d’un accord raisonnable. Il en est ainsi pour les vaccins. Un tel accord ne vise pas seulement un intérêt individuel mais surtout un bien commun. Si je me suis fait vacciner, c’est que j’avais observé les résultats de certains pays (Israël, Angleterre, ville de New-York) qui avaient vacciné massivement et obtenu des résultats positifs. Tout vaccin contient des effets négatifs et n’est pas efficace à 100%. Il s’agit d’évaluer le rapport bénéfice/risque. Si la Guadeloupe, pays de moins de 400 000 habitants se fait vacciner à plus de 60%, on pourra reprendre une vie normale. Un pays comme le Brésil qui a fait le choix de laisser circuler le virus est aujourd’hui dans un état sanitaire terrifiant. Laisser circuler le virus c’est favoriser l’éclosion de variants. Est-ce ce que nous voulons pour notre pays ?

Comment comprendre alors cette insistance dans l’opinion guadeloupéenne sur nos traditions en matière de soins ? Comment expliquer qu’un dirigeant syndicaliste, suite à une manifestation, ait pu dire « Nou pa pè viris la, nou ni sa ki fo » ? A l’évidence, l’« herbe à pic » a remplacé l’hydro-chloroquine ! Tout comme les pharmacies de Guadeloupe ont vendu une quantité importante d’hydro-chloroquine, il en est de même pour l’herbe à pic ! Pourtant, le Docteur Joseph a bien précisé que d’une part, la molécule utilisée aujourd’hui dans a recherche d’un médicament contre le virus n’est pas le même que celui déjà utilisé pour celui déjà en vente et que, d’autre part, son hypothèse attend une vérification expérimentale qui sera faite dans le cadre du CNRS.

Ces discours anti-vaccins sont répandus dans le monde entier. On est passé d’une démocratie des partis à une démocratie d’opinion. Si dans les partis et les syndicats se tenaient des réunions avec des pratiques discursives fondées sur l’argumentation on constate aujourd’hui en France un affaiblissement des partis et des syndicats comme la CGT et les syndicats enseignants. Ils ont du mal à contrer de nouvelles formes contraires de construction identitaires notamment des communautés numérisées sur les réseaux sociaux où disparaissent inévitablement les pratiques discursives capables d’éclairer l’opinion publique.

La Guadeloupe n’est pas en dehors de telles évolutions. En effet, autrefois les luttes sociales aussi bien que la revendication politique s’articulaient à la lutte politique pour l’indépendance ou pour l’autonomie. La référence au socialisme maintenait un horizon d’universalité. Or, cet horizon de sens s’est effacé, il n’y a plus grand monde à défendre le projet d’une indépendance nationale. De ce fait, la revendication identitaire se transforme en des radicalisations identitaristes, ce qu’un de mes amis nomme le Gwadaïsme. Les identités deviennent « partielles » et ont du mal à s’intégrer dans l’intérêt généralEn Martinique, des milliers de manifestants bravent les interdictions liées à la protection sanitaire en injuriant le Préfet représentant de la loi de l’Etat. Ce qu’a dénoncé à juste titre l’écrivain Raphael Confiant. En Guadeloupe on accuse les touristes métropolitains d’avoir propagé le virus il est possible que des Guadeloupéens rentrés pour les vacances ,dans des fêtes de familles rassemblant un grand nombre de personnes, en aient été également responsable.

Dans un tel contexte, la Guadeloupe est le département le moins vacciné de France. L’opinion, dérape en tout sens, les réseaux sociaux avec leur lot de fake-news ou d’informations non vérifiées, n’est plus travaillée par la rationalité. L’esprit des ténèbres la gouverne et l’intelligence collective, tant au plan politique que syndical, ne la structure plus. On oublie par exemple que malgré la bonne volonté de nos grands-parents avec leurs traditions ancestrales de soin, la mortalité infantile était très élevée et que c’est pour beaucoup la vaccination qui a fait baisser le taux de mortalité infantile. Tout vaccin, comme tout médicament, a des effets négatifs. Mais si le risque du vaccin est incommensurablement inférieur au risque de la maladie, ce qui est actuellement le cas, alors il faut choisir le vaccin.. Il est donc du devoir de ceux qui prétendent éclairer le peuple d’encourager à la vaccination.