À chacun sa chimère // Shirley Rufin

shirley_rufinA la Fondation Clément
Exposition individuelle
13 mars -19 avril 2015
Case à Léo

9h-18h, sans interruption

  • Soirée – rencontre

mercredi 11 mars 2014 à 19h

en présence de l’artiste et de Dominique Brebion, membre de l’Aica Caraïbes du Sud

  • Dimanche – découverte

29 mars 2015 à 10h

Animé par l’artiste

  • Catalogue de l’exposition

Texte de Dominique Brebion, membre de l’Aica
Caraïbes du Sud
 ; 28p ;  conception graphique :studio Hexode isbn : 978-2-919649-21-1

 Le travail de Shirley Rufin estbasé sur la  perception du corps et plus particulièrement sur la question du tabou de la nudité dans la société post-coloniale de la Martinique. Shirley Rufin utilise l’image photographique comme une passerelle pour manipuler le réel. Par un procédé chimique qui altère l’image, elle décompose et compose des représentations de fragments lisibles et abstraits de corps. Elle entend proposer une image sensible et non pas une image représentative du corps.

Jeune photographe-plasticienne, Shirley utilise la photographie non comme moyen de représentation mais comme matériau artistique. A 30 ans a déjà participé à d’importantes expositions collectives dans la Caraïbe telle que Caribe expandido en 2011,  Horizons insulaires en 2011 aux Canaries, en République Dominicaine, à Cuba et aussi, en 2013, dans le cadre de la BIAC Martinique. Pour la première fois, une exposition individuelle lui est consacrée à la Martinique par la
Fondation Clément.

 

 3 questions à Shirley Rufin

 

Pourquoi avoir choisi la photographie comme matériau artistique ?

Tout au long de son évolution la pratique photographique a permis de rendre compte de faits improbables mais surtout de questionner l’homme face à son environnement voire face à lui-même. En s’élargissant vers le domaine des arts plastiques la photographie est devenue le moyen pour l’artiste de se créer un double «je», et ceci à travers le regard du spectateur. L’éclatement identitaire de l’artiste : auteur, sujet, objet, personne réelle ou figure linguistique, favorise cette fragmentation et amène le regardeur actif à participer à l’accomplissement de l’histoire, à suivre la biographie à mesure qu’elle s’écrit, depuis des décennies. Un genre dans un genre : l’histoire et
l’évolution du portrait, de l’autoportrait posent la question du miroir, des points de vue, de la ressemblance ; il interroge les rapports à l’espace, et au temps. La photographie permet de monter, de composer, d’observer et d’assumer un désir dans l’invention d’un personnage devenant une anecdote.

« Cet outil engendre des moyens de substitutions ».

La photographie plasticienne apporte une sorte de confusion entre la vie et l’art. Le monde est un tableau qui se construit à travers un regard et une réflexion. Il est mis en forme par une démarche  plastique imbibée de vérité, de fictions artistiques, littéraires, cinématographiques, et personnelles.

Je commence mon étude avec un outil proposant une reproductibilité de l’œuvre pour en faire à la fin un monotype que j’oriente dans un processus chimique qui altère, défait, et, détruit mais reconstitue partiellement l’image.

 

  Pourquoi avoir choisi de travailler sur le corps ?

 

Ma démarche a débuté par une enquête « sociologisante » sur ce qui choque et scandalise encore aujourd’hui. Celle-ci a été distribuée et remplie dans des supermarchés, chez des particuliers et dans la rue. Elle m’a permis dès lors de cibler certains critères d’une représentation actuelle du corps.

 Dans ma démarche plastique, l’image photographique est une passerelle pour manipuler le réel. Car je veux proposer une image sensible et non pas une image représentative du corps. Elle devient une perception unique, qui fait sens à partir d’une image polysémique. Elle nous renvoie inconsciemment à nous-même et permet d’envisager un autre langage plastique. Ceci, résultant d’un besoin de le sublimer à partir de ses défauts stéréotypés, ce corps qui nous parait anormal, mais tout de même vu et vécu comme quelque chose de sacré, qui si tôt dévoilé se voit souiller. Si l’on part du principe que la société façonne le corps; un corps sans contexte social donc anonyme, devient une pure utopie. Ainsi ma pratique fait état d’un processus de mise en crise de la perception du corps par une action chimique qui altère, défait, décompose, et, détruit l’image pour conduire à une perte du sujet.Le corps est envisagé dans ma démarche plastique au-delà des critères esthétiques car je ne l’appréhende pas socialisé mais déconditionné. Précisément, ce dernier est à envisagé uniquement dans une présentation physique au monde.
Déchargé de toute essence symbolique liant corps et âme, il est exploité en tant que matière organique et texture. En fait, mon imaginaire plastique se nourrit d’une objectivité photographique, de toutes les possibilités de mon matériau ainsi que d’images mentales et physiques liées à un conditionnement. Je décline une représentation du corps dans son acceptation ou son rejet. C’est une étude expérimentale à travers d’anciennes techniques à l’aspect non-fini. Cela me permet de faire émerger une autre « réalité » corporelle qui nécessite d’un alibi légitimant sa contemplation. Ainsi j’utilise la photographie argentique comme empreinte et non plus comme témoignage d’un état. Car si elle est une cristallisation d’un passage physique dans une acceptation mentale, elle devient une empreinte amorçant la perte d’un référent visuel. Plus précisément la lumière est la base de l’écriture photographique et je l’emploie pour faire émerger des fragments signifiants reposant sur un principe de métonymie. A cet instant, le corps devient une suggestion et non plus un reflet narcissique ou interrogateur. Car il devient une évocation du caché et de l’exhibé. En fait le processus de l’argentique associé à la tradition est une métaphore de la société étudiée.

 

 La nudité est-elle encore tabou en Martinique ?

 

C’est une très bonne question à laquelle je n’ai pas vraiment de réponse car les mœurs évoluent, et la globalisation fait que tout devient quelque peu banal et le culte de l’image n’a pas fini de dicter ses codes et sa diffusion. L’instrumentalisation du corps et de sa perception font que cela devient très aléatoire 

 Fondation d’entreprise de GBH, la Fondation Clément mène des actions de mécénat en faveur des arts et du patrimoine culturel caribéens. Elle soutient la création contemporaine par l’organisation d’expositions. La Fondation est hébergée à l’Habitation Clément, un site patrimonial classé monument historique où est produit le rhum agricole Clément.

Habitation Clément

97240 Le François

Martinique

tél. : 05 96 54 75 51


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