Santé mentale des jeunes : Un quart souffre de dépression, avec des disparités alarmantes, notamment en Outre-mer

— Par Sarha Fauré —

La santé mentale des jeunes Français, en particulier ceux âgés de 15 à 29 ans, constitue aujourd’hui un sujet de préoccupation majeur. Une étude récente, réalisée par la Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram, révèle que près d’un quart des jeunes souffrent de dépression. Ce chiffre alarmant met en lumière une réalité de plus en plus difficile à ignorer : la santé mentale des jeunes se dégrade sous l’effet de multiples facteurs, qu’ils soient sociaux, économiques ou géographiques.

Si le constat est inquiétant sur le territoire métropolitain, il l’est encore davantage dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM), où la situation des jeunes semble plus dramatique. En effet, la prévalence de la dépression est nettement plus élevée en Outre-mer qu’en Hexagone : 39 % des jeunes ultramarins de 15 à 29 ans sont concernés, un chiffre qui explose par exemple à 52 % en Guyane, 44 % en Martinique et 43 % à Mayotte. Ces taux sont bien au-dessus de la moyenne observée en Métropole, où la dépression touche entre 19 % et 28 % des jeunes, selon les régions.

Les fragilités sociales et économiques comme déclencheurs

Les disparités territoriales entre l’Hexagone et les DROM s’expliquent en grande partie par des fragilités sociales et économiques spécifiques à ces territoires. L’isolement géographique, un maillage institutionnel moins dense, des difficultés d’accès aux services publics de santé, d’éducation ou encore de transport, mais aussi une offre culturelle et de loisirs souvent insuffisante, sont autant de facteurs qui contribuent à détériorer la santé mentale des jeunes vivant en Outre-mer.

L’étude met également en évidence une forte dégradation des conditions de vie des jeunes dans ces territoires, exacerbée par des taux de chômage élevés, des opportunités économiques réduites et un accès limité aux structures de soutien psychologique. Le manque d’infrastructures et de ressources dans ces régions amplifie le sentiment d’abandon et d’injustice sociale ressenti par les jeunes, rendant la souffrance mentale encore plus marquée.

Les jeunes ultramarins, notamment ceux résidant dans des régions comme la Guyane, font face à des frustrations particulièrement fortes : des attentes insatisfaites en matière d’éducation et d’insertion professionnelle, une insécurité sociale qui pèse sur leur quotidien, et une invisibilité des problématiques de santé mentale au sein des institutions locales. Ces difficultés sont d’autant plus lourdes pour les jeunes femmes, qui souffrent davantage de dépression que leurs homologues masculins, un phénomène également accentué dans les départements d’Outre-mer.

La dépression, un mal qui ne dit pas son nom

Si les statistiques sur la santé mentale des jeunes sont alarmantes, elles ne disent pas tout. En effet, une grande partie de cette souffrance reste « sous-estimée » par les jeunes eux-mêmes. Seulement 14 % des jeunes déclarent être en mauvaise santé mentale, un chiffre bien inférieur à celui observé avec des outils de mesure comme le PHQ-9, qui indique que 25 % des jeunes présentent des symptômes de dépression. Ces jeunes, souvent confrontés à un sentiment de honte ou de culpabilité, n’osent pas toujours reconnaître leur mal-être, ni consulter un professionnel pour y remédier.

Le constat est d’autant plus préoccupant que les jeunes des territoires ultramarins, confrontés à des réalités socio-économiques particulièrement précaires, sont souvent les moins à même d’accéder aux soins psychologiques. La souffrance mentale dans ces zones semble donc beaucoup plus invisible, car les dispositifs de soutien sont souvent inaccessibles, inadaptés ou insuffisants pour répondre aux besoins d’une population déjà fragilisée par d’autres difficultés sociales.

L’impact des inégalités territoriales

Les fractures territoriales jouent un rôle clé dans la santé mentale des jeunes, non seulement en Métropole mais aussi en Outre-mer. En métropole, les jeunes urbains sont plus touchés par la dépression que ceux des zones rurales, notamment en raison du stress accru lié à la précarité économique et à l’isolement social. Mais dans les DROM, c’est une autre réalité qui s’impose : l’éloignement géographique et l’isolement peuvent, paradoxalement, apporter un certain réconfort familial et communautaire en zone rurale, mais la faiblesse des infrastructures et l’isolement géographique amplifient le sentiment d’abandon et d’impuissance chez les jeunes.

En Outre-mer, la situation est encore plus complexe : les jeunes sont souvent coupés des réseaux de solidarité et d’entraide qui existent en métropole, avec des jeunes qui n’ont parfois même pas la possibilité de quitter leur île ou d’accéder à des formations professionnelles et culturelles diversifiées. L’éloignement de l’Hexagone, couplé à un manque de ressources et d’infrastructures locales adaptées, limite les possibilités de réinsertion sociale et professionnelle, amplifiant ainsi les symptômes de dépression.

L’urgence d’une prise en charge territorialisée et systémique

Face à cette situation, il devient urgent d’adopter une approche territorialisée dans la gestion de la santé mentale des jeunes. Les auteurs de l’étude appellent à une action publique renforcée, à la fois au niveau national et local, pour fournir des solutions adaptées aux réalités géographiques et économiques des territoires. Cette approche devrait prendre en compte la diversité des problématiques locales et s’assurer que les dispositifs de santé mentale soient accessibles à tous, y compris dans les zones rurales et ultramarines.

Les jeunes des DROM, tout comme ceux de Métropole, ont besoin d’un accompagnement plus visible et plus disponible, avec des services adaptés à leurs besoins spécifiques. Cela inclut une meilleure accessibilité aux consultations psychologiques, une prévention du mal-être scolaire et professionnel, ainsi que la mise en place de dispositifs de soutien accessibles en cas de harcèlement, de violence ou de cyberharcèlement.

Les inégalités territoriales ne doivent plus constituer un frein à l’accès à la santé mentale. La création d’un véritable plan national de santé mentale, qui tienne compte des spécificités des territoires ultramarins, est essentielle pour éviter que les jeunes ultramarins continuent à souffrir en silence.

La santé mentale des jeunes est une question de justice sociale. La situation est particulièrement critique en Outre-mer, où la précarité sociale et les manques structurels rendent la souffrance mentale encore plus invisible et difficile à traiter. Un effort national et local plus ambitieux est indispensable pour endiguer cette crise, et surtout, pour offrir aux jeunes de tous horizons les outils nécessaires à leur bien-être psychologique et émotionnel.