Netanyahu : Le monstre de Frankenstein

— Par Robert Lodimus —

« Si Dieu n’existe pas, tout est permis.  

(Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov)»

  C’est vrai que ce sujet épineux incite à la plus haute réserve et à la plus grande précaution. Les agissements politiques des enfants d’Abraham envers les habitants de la Bande de Gaza – il faut le dire clairement – souvent non conformes aux conventions et traités internationaux,  sont toujours au-dessus de tout blâme. Nous ne parlons même pas de sanction. Les Israéliens comptent autour d’eux des alliés puissants. Leurs richesses économiques et financières se déploient à la grandeur de la planète. Les Juifs, établis sur tous les continents, n’arrivent plus à comptabiliser leur  argent,  leurs mobiliers et leurs immobiliers. Et par-dessus tout, comme si cela ne suffisait pas, « l’Éternel » aurait même fait d’eux – selon les Écritures – les premiers et principaux héritiers du « Paradis ». Ils sont donc – contrairement à vous et à moi – les  « enfants légitimes » de la « Création ».

Les États-Unis, le Canada, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, pour ne citer que ceux-là, révèrent Israël comme les Frères de l’Instruction Chrétienne nous apprenaient, enfants,  à vénérer Jean-Marie de La Mennais, encenser  le catholicisme rétrograde et son « mensonge théorisé » – pour reprendre  les termes que Jean-Pierre Rioux(1) a utilisés dans un contexte différent – et à abhorrer les Indiens. Particulièrement Caonabo. 

Ne serions-nous pas en mesure de comprendre la réticence de la Palestine à capituler devant l’arrogance de son « colonisateur »? Les morts innocents ne retourneront pas à la vie. Alors, les problèmes ne devraient-ils pas être réglés  sûrement et durablement : permettre la création de l’État palestinien dont rêvaient Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, selon les accords d’Oslo de 1993, pour que les deux peuples arrivent enfin à jouir des bienfaits d’une cohabitation pacifique et fructueuse ? Avant, Palestiniens et Israéliens ne festoyaient-ils pas ensemble ? Et alors?

  Israël – tous les observateurs le reconnaissent – transforme la Bande de Gaza en terre de souffrance, de famine et de déshumanisation. Une vaste prison sans barbelées où les habitants ne peuvent ni sortir ni manger et boire à leur guise. Le droit d’exister – nous ne disons pas de vivre – leur est enlevé brutalement. La « suprématie » de l’État d’Israël dans le monde contraint les pays du G7 à jouer à l’autruche, pour éviter des représailles de la part de ceux qui se réclament, avec arrogance, « les nouveaux maîtres du monde ». 

En toute franchise, la situation qui prévaut actuellement en Terre Sainte n’est pas celle de la guerre. Mais d’un massacre planifié et orchestré. La guerre se fait à armes égales. Israël ne se défend pas, contrairement à ce que pense Emmanuel Macron. Il tue.

  Malgré les apparences, la communauté internationale cherche à cacher l’ampleur du désastre. L’Organisation des Nations Unies – comme au Rwanda – se contente de lancer des mises en garde à saveur laxiste et hypocrite aux belligérants. En prenant le soin de fustiger – comme elle le fait habituellement – le Hamas pour ses lancements de roquettes et son attaque du 7 octobre 2023 qui a occasionné plus de 1188 morts – selon les estimations du gouvernement de Benyamin Netanyahu – sur le territoire d’Israël.   Les dirigeants occidentaux ne montrent aucune volonté de freiner le compacteur qui aplatit Gaza. Pour le dire comme à l’époque de l’Ancien Testament, la Palestine est déclarée « anathème » par le peuple de Dieu, celui-là même qui a renié Jésus et rejeté sa divinité. Et pire encore, qui lui a préféré le brigand Barrabas !

  Le soleil n’a plus sa clarté étincelante pour les enfants de Gaza depuis le 14 mai 1948, date de la création de l’État d’Israël par la redoutable Golda Meir aidée  d’une pléthore d’activistes politiques juives.  Aujourd’hui, l’astre radieux est devenu carrément triste et pleurard sous les cris de détresse des fillettes et des garçonnets gazaouis, pourtant pleins de vie, remplis d’avenir, qui meurent par centaines sous une pluie de missiles et de balles qui ne s’arrête pas. Ces misérables se font piéger et massacrer pour une poignée de riz, un morceau de pain et un verre d’eau.

  Lorsque les conflits armés internationaux visent directement les enfants et les femmes, l’intention de « démocide » ou d’« ethnocide » – pas simplement de génocide – est clairement exprimée. Nous conservons – malgré le contexte – l’exemple du pogrom juif au cours de la deuxième guerre mondiale qui révolte jusqu’à présent la conscience humaine. C’est toujours choquant et regrettable de voir des enfants ensanglantés expirer dans les bras de leurs parents bouleversés. Jamais la mémoire individuelle et collective n’arrivera à se débarrasser des images  désolantes des Juifs qui partaient vers les camps de concentration et qui allaient finir tristement dans les chambres à gaz des assassins nazis. On en parle aujourd’hui encore. Pourtant nous sommes en août 2025. Il en est de même pour l’extermination des Indiens d’Amérique. La traite des noirs. Les drames d’horreur rédigés par des mains sales et criminelles ont la vie dure. Résistent contre l’usure du temps.

À Gaza, Israël écrit l’histoire sous le mauvais angle. Cette guerre sale nous rappelle le cynisme du Roi David envers Urie qu’il poussa à la mort pour lui ravir sa séduisante épouse Bethsabée.  Netanyahu joue le rôle du méchant : celui du personnage froid, antipathique surnommé incorrectement l’Indien dans « Et pour quelques dollars de Plus », le salaud qui a fait fusiller la mère et le bébé pour se venger du mari et du père. Les cinéphiles n’arrivent pas à oublier les pleurs nourris  du nourrisson et le silence angoissant qui s’en est suivi après la détonation fatidique. L’État hébreu – ce n’est une surprise pour personne –nourrit le rêve scandaleux d’annexer la Bande de Gaza à son territoire. Et même la Cisjordanie. Le plan macabre du sionisme serait de contraindre les Arabes de Palestine à dresser leurs tentes  dans les autres pays musulmans. C’est ainsi qu’Israël compte régler  à moyen ou long terme les problèmes de contestation soulevés par la convoitise de Jérusalem comme sa capitale politique. Y aurait-il des intentions génocidaires derrière les actes de brutalité extrême reprochés à l’armée  de Netanyahu ? Une enquête menée par des experts indépendants le déterminerait facilement. Nous utilisons le conditionnel pour une question de forme et de style.

  Israël tue. Il semble adopter tous les moyens pour empêcher que la population de Gaza se reproduise et se remette en place. Le niveau de violence qui motorise les hostilités ne laisse presque pas de doute : « Partez ou mourez! » Les bombardements des écoles et des hôpitaux où l’on soigne les blessés –  femmes, enfants, vieillards… – renforcent et crédibilisent amplement les soupçons. Même les refuges mis par les organismes internationaux à la disposition de la population inoffensive sont bombardés par le Tsahal. Dimanche 10 août 2025, six journalistes palestiniens ont été tués par des tirs israéliens. Relativement à cette tragédie douloureuse, le journal français Libération écrit le lundi 11 août 2025: 

« La frappe israélienne du dimanche 10 août qui visait délibérément le journaliste palestinien Anas al-Sharif a été vivement condamné par l’ONU et Reporters sans frontières. Israël assure que l’employé d’Al Jazzera était un « terroriste » du Hamas, ce que réfutent les associations de défense de la presse. »

La Bande de Gaza explose sous les bombes, la famine et la maladie. Les maisons  deviennent des bouteilles en verre et volent en éclats avec leurs occupants. La mort surprend les habitants dans leur sommeil. Les femmes et les enfants totalisent 70% des victimes. Une fois de plus, le cœur des puissants de ce monde bat au rythme de la «complicité criminelle ». Les organismes des droits humains commencent déjà à agiter la question de « crime contre l’humanité ». Cependant, quel est le tribunal qui pourra se déclarer compétent à juger l’empereur Benyamin Netanyahu et ses complices pour les meurtres perpétrés à Gaza ? Et pourtant : « Dieu est mort ! » N’est-ce pas Friedrich Nietzsche qui l’a dit ? Aujourd’hui,  rares sont les individus qui acceptent d’être opprimés, asservis au nom de la sacro-sainte « religion ». Et c’est vrai pour les populations de plusieurs pays !

  Comment une nation qui a elle-même subi la cruauté de l’histoire peut-elle se permettre, à son tour, de reproduire les comportements de ses « bourreaux »?

  Et qui pis est, «  David » vante ouvertement les supports indéfectibles de «Gengis Khan  » à sa «cause ». Certains diraient qu’un descendant d’esclave aurait donc accepté finalement de prononcer la condamnation à mort  de Spartacus?

 Chose totalement rare, nous avons vu des journalistes qui ont laissé éclater une charge émotive en pleine séance de travail. Et c’est humain… Ils ont pleuré publiquement devant la caméra. Incapables de poursuivre la lecture du texte de reportage. Pourtant, les reporters de guerre sont formés pour contrôler leurs émotions. Mais ce qui dérange véritablement à Gaza, ce sont les corps inanimés des gosses : souples,  joyeux et criards quelques minutes avant l’explosion du missile fatal;  silencieux, ensanglantés, raidissants quelques secondes après la tragédie irréparable. Ils sont demeurés exposés dans les décors de l’horreur, jusqu’à ce que leurs dépouilles soient récupérées et portées en terre par les adultes impuissants, bouillonnant de douleur, de colère et de révolte.

  Et cette réflexion poignante d’un garçon  blessé par les soldats de Tsahal (2) à sa mère bouleversée: « Je voulais devenir médecin, mais je veux maintenant apprendre à fabriquer des roquettes  pour lancer sur les Israéliens. »

Le secrétaire d’État de Barak Obama, John Kerry, filmé et diffusé à son insu, avait explosé comme les bombes qui pilonnent jusqu’à présent la Bande de Gaza: « C’est un jeu de massacre…! » Ce Haut fonctionnaire, Chef de la diplomatie de la Maison Blanche, n’avait fait que répéter tout haut – même s’il parlait en privé – ce que d’autres États, pourtant alliés du redoutable « cracheur de feu », pensaient tout bas? Car chacun le sait : quiconque se mettrait en travers du chemin des Juifs en paierait le prix. Comme Salomon, fils de David et de Bethsabée, ils détiennent et monopolisent  […] « savoirs ». Leurs noms résonnent dans l’univers comme les « trompettes de Jéricho » : Emmanuel Mendes Da Costa,  Baruch Spinoza, Sigmund Freud, Raymond Aron, Émile Durkheim, Claude Lévi-Strauss, Jean Ferrat, Georges Moustaki, Marcel Proust, Karl Marx, Albert Einstein… Nous ne voulons pas vous étourdir.

 Un épicier palestinien confiait à une journaliste de France 2 : « Quand on part travailler le matin, on apporte son cercueil avec soi ! » Que voulez-vous, son commerce de vente des produits de première nécessité est indispensable pour assurer la survie du reste des habitants éprouvés. Bien entendu, avant que la mort violente ait fini de les faucher, peut-être, jusqu’au dernier. Depuis l’installation d’Israël dans la région, les Palestiniens – notamment les Gazaouis – marchent à grands pas vers le cimetière. Ce conflit insensé n’épargne même pas les plus justes : bébés, fillettes, garçonnets… Les missiles ne sont pas aveugles. Mais plutôt Impitoyables. Car ils portent des verres de correction… Même la nuit, ils voient. Clair.

  Il est bon de rappeler qu’en temps normal, la Bande de Gaza était toujours confrontée à des difficultés socioéconomiques majeures, à cause du blocus établi et maintenu par l’État d’Israël depuis juin 2007. Cette mesure exceptionnellement répressive coïncide avec l’écrasante victoire du Hamas aux élections législatives de 2006. Plusieurs fois, des citoyennes et citoyens progressistes ont tenté de violer l’embargo injuste pour se porter au secours de la population démunie de tout; leurs navires sont arraisonnés et saisis arbitrairement; et les cargaisons de vivres et de médicaments destinés aux malades sont sauvagement détruites par la marine israélienne. Et eux, les bons Samaritains, malmenés. Puis incarcérés.

Selon les informations qui filtrent des milieux de la politique internationale, les incursions de l’armée israélienne en territoire palestinien cachaient des « intentions » malsaines, dissimulaient des « objectifs » de « lucratisme », qui tiendraient lieu de « sadicité ».  S’agirait-il effectivement d’opération agressive et provoquée, pour « tester » de nouvelles armes de guerre destinées au marché mondial de l’armement ? Ce serait, à notre avis, le comble de la « malfaisance » du « loup » de la fable de Jean de La Fontaine.  Des intellectuels belges avaient mis en garde leur gouvernement contre l’achat des derniers drones israéliens qui, selon eux-mêmes, sont couverts de « sang innocent ». Comble de contradictions, Bruxelles manifestait quand même l’intention de commander au moins 6 de ces engins sophistiqués et destructeurs.

Dans toutes les capitales du monde, les voix des civils s’élèvent contre les dirigeants israéliens. Beaucoup de personnalités qui composent la diaspora juive condamnent elles aussi l’agression démesurée  de l’État hébreu contre Gaza et les crimes qu’il perpètre et multiplie au sein de la population maltraitée et humiliée. Déjà pas loin de 60 200 morts – majoritairement des femmes et des gamins – parmi les Gazaouis. Et 2864, disent les mêmes sources – dont 454 militaires – du coté de l’État dirigé par Netanyahu.

Le mois de juillet 2014 restera aussi – à jamais – lourd de remords pour Israël. Si toutefois les dirigeants de ce pays ont conservé un brin  d’état d’âme ! Et gardé une goutte de « conscience »! Comment oublier ces visages sereins des enfants déchiquetés dans leur jeu, égorgés et mutilés mortellement dans leur sommeil ? Ces femmes, mères de famille, éventrées, démembrées et décapitées par la « volonté obsessionnelle » et la « force disproportionnée » mises au service de la  démence d’une colonisation absurde ?

  L’histoire rendra, peut-être, un jour son verdict de culpabilité contre Netanyahu pour « crimes de guerre » à Gaza. Dans son cas, il pourra même y avoir un « Tribunal cadavérique », à l’instar du « Concile cadavérique » qui a prononcé la « damnatio memoriae » contre le pape Formose, dont le corps a été exhumé à la demande du pape Étienne VI. Ce procès visait à dépouiller le défunt de ses actes et de ses insignes pontificaux pour conduite répréhensible.

Le Conseil de sécurité de l’ONU se montre embarrassé. Les États-Unis, le Canada, la France… évoquent en coulisse les agissements blâmables du Premier ministre Benjamin Netanyahu envers un peuple vulnérable et désarmé. John Kerry lui-même, à son époque disait qu’« Israël se livrait à un jeu de massacre ».

Le temps ne pourra jamais exercer sa « dictature de l’oubli » sur une « tragédie » si déplorable et tellement déplorée, qui transcende toutes les qualifications péjoratives et monstrueuses.

 

Robert Lodimus

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Références

1.- Préfacier de l’ouvrage Lire Jaurès.     

2.- Armée de défense d’Israël.