La Guadeloupe, pôle émergent d’un tourisme de bien-être et de santé

Pourquoi la Guadeloupe doit dorénavant miser sur le tourisme de santé et de bien-être ?
— Par Jean-Marie Nol —

Le tourisme de bien-être se définit comme un type de voyage mettant l’accent sur l’amélioration ou le maintien de la santé et du bien-être du voyageur. Cela peut prendre la forme d’activités et d’expériences contribuant à la santé physique, mentale et émotionnelle des touristes.Les risques psychosociaux sont devenus un problème central lorsque la vie collective dans les entreprises s’est dégradée. Au travail, comme dans la vie, on ne tient pas debout sans l’existence de lieux naturels et d’espaces de santé médical pour se régénérer au soleil et à la mer.Dans un monde en quête de sens, d’équilibre et de répit face à la frénésie contemporaine, la Guadeloupe a une opportunité historique à saisir : devenir un pôle de référence du tourisme de santé et de bien-être dans la région Caraïbe . Cette île, joyau de biodiversité et de richesses culturelles créoles, se trouve à la croisée des chemins de la refondation de son modèle touristique actuel, entre une crise globale de la santé mentale et un besoin croissant d’évasion thérapeutique. Alors que le mal-être psychique s’impose comme un fléau silencieux dans les sociétés occidentales et ailleurs localement , notre territoire pourrait incarner une réponse humaine, écologique et innovante à ce défi du soin des maladies psychologiques.
Le monde professionnel, gangrené par l’hyperproductivité, l’isolement, la pression permanente et la précarité, produit aujourd’hui des effets délétères sur les esprits. Burn-out, dépressions, troubles anxieux, addictions, suicides…Les enjeux de santé mentale sont trop graves pour être ignorés. La détresse psychologique touche tous les niveaux hiérarchiques, y compris les manageurs, souvent invisibles dans les politiques de prévention, alors qu’ils sont en première ligne des tensions organisationnelles. 52 % d’entre eux déclarent ressentir une détresse psychique, un chiffre alarmant qui renvoie à la nécessité d’approches globales et préventives. Face à l’inefficacité des réponses ponctuelles (séances isolées de yoga ou de sophrologie), le tourisme de bien-être propose un cadre structuré, immersif et dépaysant, propre à initier une transformation en profondeur. En effet, les pathologies mentales explosent, s’imposant comme la troisième cause de maladies dans le monde après les cancers et les troubles cardio-vasculaires. En France, les chiffres sont alarmants : le pays détient le record européen des syndromes dépressifs, avec un usage massif de psychotropes. Une personne sur quatre sera concernée au cours de sa vie, selon l’OMS. Et cette réalité, déjà dramatique, s’aggrave avec les mutations technologiques : l’intelligence artificielle, la robotisation et l’automatisation des emplois ne sont pas seulement des enjeux économiques, mais aussi des sources nouvelles de souffrance psychique. Perte d’emploi, isolement, pression accrue, sentiment d’injustice sociale… autant de facteurs anxiogènes qui dessinent une société de plus en plus fragile dans un proche avenir.
En France, ce phénomène a pris une ampleur inquiétante : le pays détient le record européen des syndromes dépressifs, avec 11 % de la population touchée, contre une moyenne de 6 % en Europe. La consommation de psychotropes y est également la plus élevée d’Europe, et les troubles psychiques sont devenus la première cause d’années vécues avec une invalidité. Derrière ces chiffres, se dessine une réalité professionnelle et sociale délétère : cadences accrues, pression permanente, insécurité de l’emploi, individualisation des performances, isolement au travail… Les conditions contemporaines de travail épuisent les corps autant qu’elles fragilisent les esprits. Ce contexte a été encore aggravé par la pandémie de Covid-19, qui a non seulement renforcé le stress collectif mais a aussi banalisé l’isolement social et la perte de repères. Tout cela risque fort de s’accentuer à l’avenir avec le développement rapide et impressionnant de l’intelligence artificielle au sein de la société française moderne .
L’intelligence artificielle, la robotisation et l’automatisation des emplois risquent d’entraîner une augmentation des maladies mentales et psychologiques pour plusieurs raisons :

-. Perte d’emploi et précarité : L’automatisation pourrait entraîner la suppression de nombreux emplois, provoquant une perte d’identité professionnelle et une précarité financière pour les personnes concernées.

-. Changement de rôle et adaptation : Les travailleurs devront s’adapter à de nouveaux rôles et compétences, ce qui peut générer du stress et de l’anxiété.

-. Isolement social : L’automatisation pourrait réduire les interactions sociales au travail, entraînant un sentiment d’isolement et de solitude.

-. Modification des rythmes de travail : Les rythmes de travail pourraient être modifiés, avec des attentes accrues en termes de productivité et d’efficacité, ce qui peut entraîner une pression supplémentaire sur les travailleurs.

-. Inégalités et sentiment d’injustice : Les bénéfices de l’automatisation pourraient être inégalement répartis, créant un sentiment d’injustice et de frustration chez ceux qui ne profitent pas de ces changements.

-. Impact sur la santé mentale : Le stress, l’anxiété et la pression liés à ces changements pourraient entraîner une augmentation des problèmes de santé mentale, tels que la dépression, l’anxiété et le burn-out.
Dans ce contexte de mal être général , le tourisme de bien-être émerge comme un antidote nécessaire. Il ne s’agit plus de vacances hédonistes, type See Sun Sex, mais d’un véritable parcours de soins intégratif, alliant santé physique, mentale et émotionnelle. Yoga, méditation, nutrition, thalassothérapie, balnéothérapie, déconnexion digitale, immersion en nature : autant d’activités qui répondent aux besoins profonds d’une population française en quête de régénération. Ce secteur est en plein essor dans le monde, avec une croissance soutenue et une clientèle de plus en plus internationale. En France, la thalassothérapie attire chaque année 500 000 curistes pour un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros. Pourtant, la majorité de cette clientèle reste nationale, laissant entrevoir un potentiel de développement énorme, notamment en Guadeloupe .

La Guadeloupe, avec ses paysages , ses rivières , son climat tropical apaisant, ses sources thermales à Dolé ou Ravine Chaude, ses plages riches en oligo-éléments, son art de vivre tourné vers la convivialité , possède tous les atouts pour devenir un sanctuaire du lâcher-prise. L’eau de mer, partout dans le monde, possède une composition similaire en termes de sels minéraux et d’oligo-éléments.

La Guadeloupe se distingue par certaines caractéristiques naturelles propices au bien-être. Par exemple, la plage de Babin est réputée pour ses bains de boue argileuse, utilisés localement pour soulager les rhumatismes et les affections cutanées . De plus, l’archipel abrite des sources thermales, notamment à Bouillante, riches en minéraux et oligo-éléments, offrant des bienfaits thérapeutiques . Ainsi, l’ensemble des ressources naturelles de l’île, telles que ses sources thermales et ses bains de boue, contribuent à en faire une destination favorable au tourisme de santé et de bien-être.La Guadeloupe dispose d’un potentiel exceptionnel pour développer un tourisme de santé et de bien-être, en s’appuyant sur ses ressources naturelles, culturelles et humaines. Voici une sélection de lieux et d’activités à valoriser pour structurer une offre cohérente et durable : La Guadeloupe est riche en sources d’eau chaude d’origine volcanique, aux vertus reconnues pour la détente et la santé notamment les thermes de Ravine Chaude au Lamentin situées à 110 m d’altitude, au milieu d’une végétation tropicale luxuriante et avec la montagne en toile de fond. L’eau, riche en minéraux, fer et calcium, parvient à la station à une température naturelle de 33 °C. Les sources viennent directement des hauteurs de la Lézarde, près du volcan de la Soufrière. La piscine comprend également un hammam et un sauna. Il est possible de déjeuner sur place. Attenant à la piscine se trouve le centre de thermalisme et de balnéothérapie René Toribio, avec possibilité d’hébergement.et par ailleurs plusieurs autres sites :
• Bains Jaunes (Saint-Claude) : situés à 950 m d’altitude au pied de la Soufrière, ces bains soufrés sont prisés des randonneurs pour leurs propriétés relaxantes.
• Bain des Amours (Gourbeyre) : un bassin en forme de cœur, aménagé dans un cadre forestier, offrant une eau à environ 35°C.
• Bain chaud de Thomas (Bouillante) : source en bord de mer, où l’eau chaude se mêle aux vagues, créant une expérience unique.
• Source de Dolé (Gourbeyre) : site aménagé avec un bassin en bois, idéal pour une immersion en pleine nature.
• Thermes de Sofaïa (Sainte-Rose) : source d’eau soufrée réputée pour ses bienfaits sur la peau.

Le cadre naturel de la Guadeloupe se prête à des activités de ressourcement :
• Yoga et méditation en plein air : des séances sont proposées sur des plages ou en forêt, favorisant la relaxation et la connexion avec la nature.
• Massages en extérieur : des massages relaxants sont offerts en bord de mer ou en forêt, utilisant des huiles locales pour une expérience sensorielle complète.
• Rituels bien-être traditionnels : incluant des bains de feuilles et des soins à l’argile, inspirés des pratiques ancestrales.
Les hébergements dédiés au bien-être en Guadeloupe.

Plusieurs établissements intègrent des services orientés vers le bien-être :
• Tendacayou Ecolodge & Spa (Deshaies) : propose des cabanes dans les arbres, un spa et des soins en pleine nature.
• Le Relais du Moulin (Sainte-Anne) : offre un spa Sothys, des séances de yoga et des soins personnalisés.
• La Toubana Hôtel & Spa (Sainte-Anne) : établissement de luxe avec spa, soins inspirés des traditions locales et plage privée.

Pour renforcer cette offre, la Guadeloupe pourrait envisager :
• Création de centres de thalassothérapie : en exploitant les ressources marines locales.
• Mise en place de retraites bien-être : combinant yoga, méditation, nutrition et soins naturels, randonnées pédestres ou à cheval.
• Développement de formations : pour former des professionnels locaux aux métiers du bien-être.
• Promotion du tourisme de santé : en ciblant les marchés européens et nord-américains à la recherche de destinations de ressourcement.

En capitalisant sur ses atouts naturels et culturels, la Guadeloupe a l’opportunité de devenir une destination phare du tourisme de santé et de bien-être dans la Caraïbe.
Au-delà de ses ressources naturelles, c’est aussi sa situation géographique et politique qui en fait un choix stratégique : proche du Canada francophone, intégrée à l’Union européenne, stable sur le plan institutionnel, elle peut offrir des soins certifiés et sécurisés à une clientèle hexagonale et nord-américaine.

Faire de la Guadeloupe un acteur de référence du tourisme de bien-être et de santé ne relève pas d’un rêve utopique, mais d’une ambition réaliste et porteuse d’avenir. Cela suppose de structurer une filière autour de plusieurs axes : centres de thalassothérapie exploitant les richesses marines des Caraïbes à l’instar déjà de la ville du Moule , hôtels bien-être combinant soins corporels et alimentation santé, éco-gîtes proposant des retraites de développement personnel, parcours thérapeutiques en forêt tropicale, intégration de professionnels de santé mentale dans les dispositifs touristiques. Une approche holistique et encadrée garantirait la qualité et l’éthique de cette offre touristique nouvelle.

L’effet de levier serait considérable. L’économie locale en serait dynamisée : l’agriculture biologique pourrait s’intégrer à l’approvisionnement des établissements, l’artisanat local bénéficierait de débouchés valorisants, les jeunes trouveraient de nouvelles formations et professions dans les métiers du soin et du bien-être. Les secteurs du transport, de la logistique et de la communication touristique profiteraient aussi de cette dynamique, dans une logique de développement durable et de valorisation du territoire.

Plus largement, ce choix stratégique permettrait à la Guadeloupe de redéfinir son modèle touristique, en rupture avec le tourisme de masse peu rémunérateur et à l’impasse du tourisme haut de gamme, souvent utopique, car inadapté aux ressources de notre île . Miser sur la qualité de vie, la santé, l’authenticité et la lenteur de vivre , c’est répondre aux aspirations d’un monde en mutation. C’est aussi se positionner en acteur pionnier d’une écologie du bien-être, qui réconcilie l’humain et la nature dans un projet de société régénératif.

Le tourisme de bien-être n’est plus un luxe mais une niche . Il est devenu une nécessité économique, sociale et écologique. Et la Guadeloupe, si elle en prend pleinement conscience et se donne les moyens d’agir, peut devenir bien plus qu’une destination : une terre de renaissance, un archipel du soin pour les corps fatigués et les esprits épuisés. Un havre de paix pour les voyageurs en quête de guérison. Un modèle de développement pour la Guadeloupe de demain.

Jean marie Nol économiste