— Par Sabrina Solar —
Sept associations de consommateurs, de santé publique et de défense de l’environnement tirent la sonnette d’alarme : dans les rayons des grandes enseignes françaises, les promotions alimentaires favoriseraient massivement des produits nocifs pour la santé. Après avoir analysé près de 5 000 offres promotionnelles dans cinq grandes chaînes (Carrefour, Intermarché, E. Leclerc, Lidl et Coopérative U) entre février et mars 2025, leur constat est sans appel : 66 % des promotions concernent des produits trop gras, trop sucrés ou trop salés, tandis que seulement 12 % portent sur des aliments recommandés pour une alimentation saine, comme les fruits, légumes ou légumineuses.
Des pratiques en contradiction avec les engagements
Alors que ces distributeurs se positionnent régulièrement comme promoteurs du « bien manger », leurs stratégies tarifaires vont, selon les associations, à rebours des engagements affichés. « Ces promotions ne permettent pas de faire des économies sur des produits bons pour la santé, mais encouragent au contraire la surconsommation de malbouffe », déplore Audrey Morice, porte-parole de Foodwatch. Elle dénonce un « marché à deux vitesses », où les aliments les plus accessibles financièrement sont aussi les moins bons pour la santé.
Les offres du type « 2+1 gratuit » ou « lots familiaux » visent surtout des produits transformés à forte teneur en sucre, sel ou matières grasses, comme la charcuterie, les plats préparés ou les boissons sucrées. Ces pratiques commerciales sont jugées préoccupantes par les associations, d’autant plus que 40 % des promotions incitent à acheter en grande quantité des produits qu’il conviendrait de limiter, selon les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS).
Les enseignes se défendent
Face aux critiques, certaines enseignes comme Carrefour ou Intermarché ont tenu à réagir. Carrefour affirme que 30 % de ses promotions portent sur des produits sains, citant les fruits, légumes, soupes ou produits sans nitrites. Intermarché, de son côté, met en avant ses remises de 10 % tous les week-ends sur les fruits et légumes. D’autres enseignes, comme Lidl ou Système U, ont choisi de ne pas commenter l’enquête. Les associations, quant à elles, jugent ces arguments insuffisants au regard des résultats globaux observés.
Une demande claire : 50 % de promotions sur des produits sains
Pour répondre à cette situation jugée « inacceptable », les associations demandent un changement radical dans la politique promotionnelle des grandes surfaces. Elles exigent qu’au moins la moitié des promotions concernent des produits bénéfiques pour la santé et respectueux de l’environnement : fruits et légumes frais, céréales complètes, légumineuses, huiles de qualité ou produits biologiques non ultra-transformés. Une demande en phase avec les attentes des consommateurs, puisque selon un sondage du Réseau Action Climat, 88 % des Français souhaitent que les supermarchés favorisent les produits sains dans leurs offres promotionnelles.
Vers une alimentation plus équitable et durable
Au-delà des pratiques commerciales, les associations plaident pour une réforme globale de l’offre alimentaire : transparence sur les marges, meilleure répartition de la valeur entre distributeurs, industriels et agriculteurs, modération des marges sur les produits sains et soutien financier aux ménages pour favoriser l’accès à une alimentation de qualité.
En lançant une pétition nationale, ces organisations espèrent faire pression sur les enseignes pour qu’elles revoient leurs stratégies tarifaires, dans un contexte où l’alimentation est l’un des premiers facteurs de risque évitables de maladies chroniques telles que le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires.
« Il ne s’agit pas seulement d’économies à la caisse, mais d’un choix de société : voulons-nous brader la santé des Français pour quelques centimes ? », concluent les associations.