Guyane : l’ombre du bagne

Bagne ou prison de haute sécurité en Guyane : un débat idéologique biaisé révélateur d’émotions, de stratégies politiques et d’un malaise persistant sur la question statutaire !

Par Jean-Marie Nol —

L’annonce de la construction d’une prison de haute sécurité en Guyane a suscité une vive émotion dans l’opinion publique, principalement en raison des propos tenus par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. En évoquant une structure destinée à accueillir des criminels Antillo-guyanais mais également des « gros narco-trafiquants » et des « jihadistes radicalisés », le ministre a jeté de l’huile sur un feu déjà latent et qui couve sous  la question statutaire de la Guyane , déclenchant un tollé parmi de nombreux habitants d’outre-mer. Mais au-delà des réactions immédiates et passionnées, il convient de prendre du recul et de questionner la nature même de cette affaire : s’agit-il réellement d’un scandale sécuritaire ou bien d’une manipulation politique savamment orchestrée pour faire les loups sortir du bois ?

Il faut d’abord reconnaître que la question de la sécurité en Guyane, comme dans d’autres territoires ultramarins, est bien réelle. Le trafic de drogue, la violence endémique, l’insécurité migratoire, l’orpaillage illégal et les réseaux criminels minent depuis des années la stabilité sociale de la région Guyane qui s’avère être le département le plus criminogène de France . Les élus locaux, dans leur grande majorité, ont eux-mêmes appelé de leurs vœux un renforcement des moyens de lutte contre la criminalité, y compris par la construction d’un établissement pénitentiaire adapté à la gravité des délits rencontrés. C’est là un fait connu de tous. La nécessité d’une prison de haute sécurité ne fait donc, en soi, guère débat.

Ce qui pose problème, c’est davantage la manière dont cette décision a été présentée à l’opinion publique. En insistant sur la dangerosité des profils appelés à y être incarcérés, Gérald Darmanin a choisi une stratégie rhétorique marquée, voire provocatrice. Une telle communication ne peut être anodine, surtout venant d’un ministre réputé pour sa grande intelligence et son expérience , et de surcroît reconnu pour sa finesse politique. Était-ce une erreur de jugement ou une action délibérée destinée à tester les réactions, voire à déplacer le centre de gravité du débat ?

Ceux qui dénoncent aujourd’hui la stigmatisation des territoires d’outre-mer devraient peut-être envisager une autre lecture. Et si cette déclaration fracassante n’était rien d’autre qu’un levier destiné à manipuler l’opinion, à exacerber les tensions et à faire sortir du bois les résistances ? En brandissant des figures archétypales de la menace —narco- trafiquants et jihadistes — dans un contexte déjà inflammable, le ministre savait pertinemment qu’il déclencherait une levée de boucliers. Cela ne relève pas d’une maladresse, mais plutôt d’une stratégie communicationnelle construite pour détourner le débat d’une question technique vers une controverse émotionnelle à visée éminemment politique à savoir l’évolution statutaire .

Le piège tendu aux guyanais est d’autant plus efficace que la réaction de certains observateurs, figures politiques ou militants, a été immédiate, virulente, souvent guidée par l’émotion plus que par la réflexion. En criant à la discrimination ou à l’injustice coloniale , sans analyser froidement les faits, ces voix ont donné corps à une polémique qui ne dit peut-être pas son vrai nom. Le risque, dans ce genre de situation, est de se retrouver prisonnier d’un jeu de dupes, où l’indignation légitime masque des enjeux plus profonds.

Il est crucial, dès lors, de refuser les réflexes pavloviens et d’analyser cette annonce pour ce qu’elle est réellement : un acte politique aux multiples lectures, mais aussi un révélateur du rapport de force complexe entre l’État et ses territoires ultramarins. Car au fond, la question centrale reste entière : comment concilier les exigences de sécurité, les réalités sociales locales, et le respect de la dignité de populations trop souvent reléguées pour certains aux marges du débat national ?

Il ne s’agit pas ici de minimiser les inquiétudes ni de nier les maladresses institutionnelles. Mais de rappeler qu’une société mature ne peut se construire sur des réactions émotionnelles systématiques. Elle se fonde sur l’analyse, la confrontation d’idées, la lucidité face aux jeux de pouvoir. Et dans le cas présent, si la prison de haute sécurité en Guyane est un enjeu réel, la manière dont on en parle — et dont on y réagit — en dit peut-être encore plus sur les fragilités idéologiques et démocratiques que sur les politiques pénitentiaires en elles-mêmes.

Il est donc temps de cesser les jérémiades stériles et de se poser les vraies questions. Pourquoi cette communication en forme de provocation en traitant volontairement d’idiot un journaliste ? Pourquoi maintenant cette supposition de manipulation politique ? Et surtout, à qui profite ce tumulte en sachant surtout que nos peuples ont  toujours sous – estimé ou sur-estimé les rapports de force ,  exactement à l’image du Hamas , et on voit aujourd’hui mieux le piège tendu aux Palestiniens par les Israéliens et nul doute que la Palestine sera purement annexée dans l’indifférence générale des pays arabes et du monde occidental malgré les cris d’orfraies  jamais suivis d’actions concrètes pour stopper le massacre et le genocide en cours à Gaza.? En répondant à ces interrogations, on pourra enfin sortir de l’émotion pour entrer dans l’intelligence collective, celle qui permet de faire des choix éclairés pour l’avenir des territoires ultramarins.

Car au-delà des polémiques, la construction d’une prison de haute sécurité en Guyane s’impose comme une nécessité stratégique et opérationnelle. La Guyane est aujourd’hui un véritable carrefour du narco-trafic international. Sa position géographique en fait un point de départ privilégié pour les filières d’immigration et surtout de drogue à destination des Antilles et de la France hexagonale. Dans ce contexte, la présence d’infrastructures pénitentiaires modernes et adaptées est un impératif pour contenir, juguler et démanteler efficacement les réseaux criminels. Elle est aussi une réponse à la surpopulation carcérale actuelle en Guyane, et à l’inadaptation des structures existantes, qui rendent inefficace la réponse pénale et fragilisent le travail des forces de l’ordre et de la justice.

Il ne faut pas oublier que la Guyane détient un triste record : celui du département le plus criminogène de France. Ce simple fait suffirait à justifier la mise en place d’une structure pénitentiaire d’envergure, apte à accueillir des profils à haut risque tout en sécurisant la région. Refuser ou bloquer ce projet, c’est non seulement retarder une réponse concrète à un problème structurel, mais aussi prendre le risque de voir la situation sécuritaire basculer dans le pourissement et se dégrader encore davantage. Ce serait laisser le champ libre à des organisations criminelles de plus en plus organisées et violentes, et envoyer un message désastreux aux populations locales, qui réclament des actes forts.

Ne pas construire cette prison, c’est faire le choix de l’inaction face à une réalité pourtant criante. C’est exposer les Guyanais à plus d’insécurité, mettre en difficulté les magistrats, les policiers, les gendarmes, et aggraver l’engorgement judiciaire. C’est surtout rater une occasion d’affirmer que l’État dont la justice est la compétence régalienne est capable d’investir durablement pour garantir la sécurité, la justice et la dignité dans l’un de ses territoires les plus vulnérables.

Il est donc grand temps que ce projet de prison et de cité judiciaire voie le jour, non pas comme une réponse brutale, mais comme un outil parmi d’autres d’une politique sécuritaire globale, cohérente et responsable de lutte contre la criminalité en Guyane et aux Antilles . Pour ce faire, il faudrait cesser de pratiquer la politique de l’autruche dans laquelle les gens tombent à pieds joints dans le piège. Selon moi , il convient de faire un peu plus preuve de raison au lieu de toujours verser dans l’émotionnel et l’on verra un jour peut-être de quoi il en retourne. Le ministre Gérald Darmanin est réputé pour sa grande intelligence et sa grande habileté manœuvrière , alors pense-on vraiment qu’il aurait annoncé la couleur en parlant de places réservées à 60 gros narco-trafficants et surtout de 15 jihadistes radicalisés alors qu’il aurait pû se contenter de parler de prison de haute sécurité sans autre forme de procès et sans aucun autre détail, sachant que ce nouveau centre pénitentiaire était déjà réclamé par l’ensemble des élus locaux. Pense –t-on raisonnable vraiment que ce haut responsable ignorait la levée de boucliers ,que son projet qui renvoie à la mémoire du bagne , allait déclencher. Soyons sérieux dans notre approche rationnelle des problématiques sécuritaires, car derrière tout le fracas de ce théâtre d’ombres chinoises, c’est indubitablement d’après moi, la question de l’évolution statutaire de la Guyane qui se cache en filigrane dans cette non affaire de prison !

 » Gran parad, ti kou baton « 

Traduction littérale : Grande menace pour petits coups de bâton.

Moralité : Beaucoup de bruit pour rien.

Jean Marie Nol économiste et chroniqueur