Commissaire d’exposition, conservatrice, productrice culturelle
Koyo Kouoh, figure influente de l’art contemporain africain et diasporique, est décédée le 10 mai 2025 à Bâle (Suisse), à l’âge de 57 ans. Directrice exécutive et conservatrice en chef du Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) au Cap depuis 2019, elle avait été désignée en 2024 commissaire de la 61e Biennale d’art de Venise, prévue en 2026 — devenant ainsi la première femme africaine à occuper ce poste.
Née à Douala (Cameroun) le 24 décembre 1967, Koyo Kouoh a grandi entre le Cameroun et la Suisse, où sa famille s’est installée dans son adolescence. Encouragée à suivre une formation en économie, elle a débuté sa carrière dans le secteur bancaire avant de se tourner progressivement vers la culture, d’abord par le biais de la littérature et du cinéma. C’est à Dakar, où elle s’installe en 1996 après un premier voyage pour interviewer le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, qu’elle engage pleinement sa trajectoire dans le champ artistique.
Entre 1998 et 2002, elle coordonne le programme culturel de l’Institut de Gorée, tout en participant dès le début des années 2000 à plusieurs initiatives structurantes pour la scène artistique africaine, notamment les Rencontres africaines de la photographie de Bamako et la Biennale de Dakar. En 2011, elle fonde à Dakar RAW Material Company, un centre d’art contemporain indépendant, combinant espace d’exposition, résidence d’artistes et lieu de réflexion critique. Ce projet, qu’elle a dirigé jusqu’en 2019, a contribué à faire émerger une nouvelle génération de commissaires et de chercheurs sur le continent.
Koyo Kouoh a également participé à de nombreuses manifestations internationales, en tant que commissaire invitée ou co-commissaire : documenta 12 (2007) et 13 (2012) à Cassel, 1:54 Contemporary African Art Fair à Londres, ou encore l’exposition Géo-graphics à Bruxelles en 2010. Elle a signé ou dirigé plusieurs publications importantes sur l’art contemporain africain, comme Chronique d’une révolte, Body Talk ou Communautés imaginées.
En 2019, elle est nommée à la tête du Zeitz MOCAA, considéré comme le plus grand musée d’art contemporain du continent africain. Elle y conduit une réforme ambitieuse de la gouvernance, de la programmation et de l’orientation artistique, privilégiant les expositions monographiques et les approches critiques du panafricanisme et de la diaspora. En parallèle, elle continue de développer des projets curatoriaux hors d’Afrique du Sud, notamment l’exposition When We See Us — une rétrospective d’un siècle de peinture figurative africaine — présentée en 2022-2023 au Kunstmuseum de Bâle, puis au Bozar à Bruxelles.
Sa nomination à la Biennale de Venise, annoncée en décembre 2024, avait été saluée comme un tournant symbolique, vingt ans après celle d’Okwui Enwezor. Elle devait y dévoiler, le 20 mai 2025, le titre et la thématique de l’édition 2026. Son décès soudain, quelques jours avant cette présentation attendue, a suscité de nombreuses réactions dans le monde artistique international, tant institutionnel qu’indépendant.
Tout au long de sa carrière, Koyo Kouoh s’est attachée à déconstruire les regards dominants sur l’Afrique, en défendant une approche exigeante, documentée et profondément ancrée dans les contextes locaux. Elle affirmait ne pas vouloir intégrer une table dressée par d’autres, mais « dresser [sa] propre table » et inviter les autres à y prendre place. Sa pratique curatoriale, marquée par une attention constante aux conditions de production, à la voix des artistes et aux récits invisibilisés, aura laissé une empreinte durable.
Elle laisse derrière elle une œuvre intellectuelle et institutionnelle importante, ainsi qu’un réseau dense d’artistes, de curateurs et de penseurs qu’elle a soutenus ou inspirés.