« Soundtrack to a Coup d’État », un film documentaire de Johan Grimonprez

Vendredi 14 mars – dès 18h en avant-première à Tropiques-Atrium
Soirée événement cinéma
18h-21h : Dimixology et ses cocktails signature
19h : prestation live Jazz du saxophoniste Jean-Philippe Meyniac
19h30 : avant-première de Soundtrack to a Coup d’État
Tarif : 10 euros Contact : 0596 70 79 29
Belgique, France, Pays-Bas | 2h30 | 2023
Synopsis
En 1960, les Nations unies sont secouées par un bouleversement politique majeur : l’Afrique du Sud se fait entendre avec force, et les musiciens Abbey Lincoln et Max Roach, en plein cœur de l’action, perturbent les discussions du Conseil de sécurité. En parallèle, les États-Unis envoient leur ambassadeur du jazz, Louis Armstrong, au Congo pour détourner l’attention de leur coup d’État post-colonial.

Sous l’ombre de l’indépendance du Congo, ce film tisse ensemble les luttes de décolonisation en Afrique, le mouvement des droits civiques aux États-Unis et la guerre froide, en utilisant l’arme la plus originale des États-Unis : le jazz.

En 1960, seize nouveaux pays africains indépendants rejoignent les Nations Unies, déclenchant un séisme politique qui modifie l’équilibre des forces à l’ONU en faveur du Sud. Le Congo devient alors le théâtre central de cette lutte pour le pouvoir. Nikita Khrouchtchev, en pleine assemblée, martèle son pupitre avec sa chaussure pour dénoncer le néocolonialisme et l’exploitation des ressources congolaises. Louis Armstrong, surnommé « l’ambassadeur du jazz », est envoyé par le gouvernement américain dans le pays pour masquer le coup d’État en cours. Pendant ce temps, Malcolm X, qui a mobilisé les nations arabes et africaines en faveur des droits civiques, accuse les États-Unis devant l’ONU. Le bloc afro-asiatique parvient alors à faire adopter une résolution pour une décolonisation totale et immédiate dans le monde entier. Lorsque l’assassinat de Patrice Lumumba est annoncé, des musiciens de jazz afro-américains viennent perturber une réunion cruciale du Conseil de sécurité de l’ONU, centrée sur le sort du Congo.

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« Jazz et politique s’entremêlent dans le nouveau film de l’artiste Johan Grimonprez (auteur de Dial H-I-S-T-O-R-Y, 1997), qui documente un épisode international complexe et trouble de la guerre froide et de la décolonisation. À travers un montage galvanisant d’archives nombreuses, ce récit particulièrement dense et fouillé raconte notamment comment des musiciens tels que Louis Armstrong ou Nina Simone furent envoyés à travers le monde par des façades de la CIA pour distraire l’opinion publique des manœuvres secrètes pour contrecarrer l’union des nations africaines nouvellement indépendantes. Il raconte comment une force de paix telle que l’Organisation des Nations Unies est devenue un agent de déstabilisation après l’entrée de seize nations africaines qui rééquilibrait le rapport de forces en faveur de l’idée d’États Unis d’Afrique autour de la figure de Patrice Lumumba. La recherche de Grimonprez s’ancre dans l’accord secret passé entre Churchill, Eisenhower et l’état belge sur une option sur tout l’uranium découvert dans les mines congolaises, nécessaires au maintien de la dissuasion nucléaire américaine. Concrétisée trois jours avant l’indépendance du Congo par la privatisation de l’Union minière du Haut-Katanga, elle a mené à l’assassinat de Lumumba. Cette histoire de la remise en cause de l’autodétermination africaine est racontée du point de vue d’Andrée Blouin, militante des droits des femmes et politicienne de la République centrafricaine, du diplomate irlandais Conor Cruise O’Brien, de l’écrivain belgo-congolais In Koli Jean Bofane et de Nikita Khrouchtchev. »
(Antoine Thirion – Cinéma du réel)

 

Jazz, décolonisation et ingérences internationales. Disponible sur Arte.tv jusqu’au 29/06/2025

Bande-son pour un coup d’État, réalisé par Johan Grimonprez en 2024, est un documentaire qui revient sur un épisode historique peu connu de la guerre froide, au croisement des luttes pour l’indépendance en Afrique et du mouvement des droits civiques aux États-Unis. Le film prend pour point de départ une manifestation survenue en février 1961 au Conseil de sécurité de l’ONU, où les musiciens Abbey Lincoln et Max Roach, accompagnés de plusieurs dizaines de militants afro-américains, interrompent une séance pour dénoncer l’assassinat de Patrice Lumumba, premier ministre du Congo nouvellement indépendant.

À travers un montage alternant archives diplomatiques, captations de concerts, extraits littéraires et témoignages audio, Grimonprez reconstitue les enjeux politiques, économiques et culturels qui ont entouré cet événement. Le documentaire retrace notamment les mois qui ont suivi l’indépendance du Congo le 30 juin 1960, marqués par des tensions croissantes entre les puissances coloniales et les nouvelles nations africaines, dans un contexte de bascule géopolitique aux Nations unies. L’entrée simultanée de seize pays africains à l’ONU remet en cause l’équilibre des votes, jusque-là dominé par les pays occidentaux.

Le film montre comment les États-Unis et la Belgique, inquiets de perdre le contrôle des ressources stratégiques du Congo, notamment son uranium, ont soutenu, avec l’aide de certains acteurs locaux (Mobutu, Tshombé, Kasa-Vubu), un coup d’État contre Lumumba, avec la complicité passive ou active de l’ONU. En parallèle, le gouvernement américain met en place une stratégie d’influence culturelle. Il organise notamment une tournée africaine de Louis Armstrong, surnommé « ambassadeur du jazz », pour occuper le terrain diplomatique et détourner l’attention du public africain de l’instabilité politique congolaise. Armstrong, comme d’autres musiciens afro-américains de l’époque, se retrouve instrumentalisé à des fins de soft power, alors même que les États-Unis pratiquent toujours la ségrégation sur leur propre territoire.

Le documentaire donne aussi la parole à différents témoins ou figures historiques, parmi lesquels la militante centrafricaine Andrée Blouin, le diplomate irlandais Conor Cruise O’Brien, le leader soviétique Nikita Khrouchtchev et l’écrivain congolais In Koli Jean Bofane. Ce dernier établit un lien entre le passé colonial du Congo et les conflits qui continuent de marquer le pays.

Sur le plan formel, le film s’écarte d’une narration linéaire. Il privilégie une structure associative et une esthétique marquée : citations sur fond noir, séquences montées avec ironie, jeux d’alternance entre textes, sons et images. La bande-son, composée d’enregistrements de jazz des années 1960 (Abbey Lincoln, Max Roach, Nina Simone, Duke Ellington, Melba Liston, Dizzy Gillespie), occupe une place centrale dans la construction du récit, soulignant la proximité entre l’engagement politique et la création musicale à cette époque.

Bande-son pour un coup d’État a été présenté en première mondiale au Festival du film de Sundance en janvier 2024. Il a remporté le Prix André Cavens décerné par l’Union de la critique de cinéma et a été nommé à l’Oscar du meilleur documentaire. Grimonprez y poursuit un travail cinématographique situé à la croisée du documentaire historique, de l’essai politique et de la réflexion sur les médias.

Hélène Lemoine