Mois : juin 2017

Pourquoi former et transmettre autrement … aux Antilles ?

— Par Jean-Marie Nol, économiste financier —

La société issue de la départementalisation, quoique rigide, était protectrice, parce qu’elle faisait entrer chacun dans un système social, de la production de masse de l’ère colonial à la consommation de masse. Le miracle de la société de consommation que sous tendait l’État providence était la promesse égalitaire de la départementalisation . Et s’il est pratique pour une société démocratique de pouvoir compter sur le progrès matériel, il est plus important encore de pouvoir développer les compétences et l’employabilité des jeunes et des salariés .
Demain, un grand nombre de travailleurs seront laissés au bord du chemin, du fait de la numérisation. Il s’agit de ceux qui se situent au milieu de la hiérarchie sociale.Les conséquences sociales, et on le voit aujourd’hui politiques, de ces transformations sont radicales. Les classes moyennes se sentent déclassées ; elles n’ont capté qu’une part infime de la valeur créée ces dernières années. Qui plus est, le blocage de l’ascenseur social ne permet pas une projection sur les générations qui suivent. Cette frustration économique et sociale se transforme en une dénonciation de l’impuissance du politique et en un rejet profond, radical, du « système » qui se manifeste par une abstention massive aux élections . 

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Les Buv’Art et « La Folie Guitry », Courtes Lignes et « Le Repas des fauves »

— par Janine Bailly —

Traditionnellement, le dernier mois du printemps voit fleurir les représentations dites “de fin d’année”, celles des plus petits comme celles des plus grands leurs aînés qui ouvrent le chemin, témoignages de ces semaines studieuses où l’on s’est retrouvé pour, en amateurs débutants ou éclairés, mettre au point un spectacle digne de la scène. Saluons l’audace de celles et ceux qui, osant se confronter au regard d’un public, font ainsi vivre au plus près de nous les arts, musique, danse, ou théâtre, et ce parfois en dépit du trac qui soudain, au moment du jeu, vient les surprendre et leur nouer le ventre.

D’une belle assurance font preuve les comédiens de la compagnie Courtes Lignes, venue comme chaque année de Guadeloupe participer au Festival du théâtre amateur de Fort-de-France, avec cette fois une pièce qui en 2011 recueillit trois Molière : Le repas des Fauves, de Vahé Katcha, écrivain d’origine arménienne qui, en 1960, alors que s’éloignait en France le spectre de l’occupation allemande, put parler, avec aisance et un humour de bon aloi, de cette période difficile, et de la Résistance.

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L’œuvre de Césaire à l’espace Niemeyer

— Par Fara C —
Débat et concert Debout dans les cordages, avec le duo Zone libre et le rappeur Marc Nammour.

Dans le cadre du cycle Des lendemains qui chantent, fêtant les 80 ans du Front populaire et conjuguant patrimoines musicaux, poésie et histoire, l’espace Niemeyer accueille un débat-lecture présenté par Zebrock et célébrant l’œuvre d’Aimé Césaire, essentiel initiateur du concept de la négritude. En prologue du concert-poésie Debout dans les cordages, initié en 2013 par Serge Teyssot-Gay (guitariste, cofondateur de Noir Désir), un débat (« À quoi la poésie et la chanson nous engagent-elles ? »), animé par Rosa Moussaoui, journaliste à l’Humanité, convie Bertrand Dicale, spécialiste de la chanson, Francis Combes, poète-éditeur, et le rappeur de la Canaille, Marc Nammour.

Avec Debout dans les cordages, Serge Teyssot-Gay, Marc Nammour et le batteur Cyril Bilbeaud s’emparent avec brio de Cahier d’un retour au pays natal, de Césaire. « Ce texte, publié en 1939, est plus que jamais nécessaire en ces temps troubles où on nous impose de rentrer dans des moules, nous confie Serge Teyssot-Gay. C’est une parole émancipatrice et universelle dans son appel à sortir des carcans.

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« Nous sommes plus grands que nous » : le texte-manifeste du festival Étonnants Voyageurs

— Par collectif —
Le festival international du livre et du film Étonnants Voyageurs se tient à Saint-Malo du 3 au 5 juin 2017. Depuis 1990 il explore les littératures d’Orient, d’Amérique latine, d’Afrique. Chaque année, deux cents écrivains de différents pays se retrouvent à Saint-Malo pour trois jours de rencontres, débats, lectures, cafés littéraires, dans 25 lieux de la ville.

Le texte-manifeste du festival:

Chaque jour nous le rappelle, s’il en était besoin : il n’est pas de question plus urgente, ici, au plus près de nous, comme à l’échelle du monde, que celle de la démocratie. Partout menacée, comme si nous avions perdu ce qui lui donnait sens, et qu’il s’agit de retrouver, pour la défendre. Parce qu’elle engage une idée de l’être humain et de sa liberté.

Pourquoi les fanatiques, s’acharnent-ils à détruire, à Palmyre et ailleurs, les manifestations du génie créateur de l’être humain? Parce qu’elles témoignent d’une dimension, en nous, qu’ils veulent à toute force nier et dans laquelle la plus immense diversité exprime une immense unité. Retrouver l’élan démocratique, aujourd’hui, exige de retrouver le sens de cette grandeur.

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Parutions : nouveautés du 3 juin 2017

Cognitis enim pilatorum caesorumque funeribus nemo deinde ad has stationes appulit navem, sed ut Scironis praerupta letalia declinantes litoribus Cypriis contigui navigabant, quae Isauriae scopulis sunt controversa.

Huic Arabia est conserta, ex alio latere Nabataeis contigua; opima varietate conmerciorum castrisque oppleta validis et castellis, quae ad repellendos gentium vicinarum excursus sollicitudo pervigil veterum per oportunos saltus erexit et cautos. haec quoque civitates habet inter oppida quaedam ingentes Bostram et Gerasam atque Philadelphiam murorum firmitate cautissimas. hanc provinciae inposito nomine rectoreque adtributo obtemperare legibus nostris Traianus conpulit imperator incolarum tumore saepe contunso cum glorioso marte Mediam urgeret et Parthos.

Post hoc impie perpetratum quod in aliis quoque iam timebatur, tamquam licentia crudelitati indulta per suspicionum nebulas aestimati quidam noxii damnabantur. quorum pars necati, alii puniti bonorum multatione actique laribus suis extorres nullo sibi relicto praeter querelas et lacrimas, stipe conlaticia victitabant, et civili iustoque imperio ad voluntatem converso cruentam, claudebantur opulentae domus et clarae.

Tantum autem cuique tribuendum, primum quantum ipse efficere possis, deinde etiam quantum ille quem diligas atque adiuves, sustinere. Non enim neque tu possis, quamvis excellas, omnes tuos ad honores amplissimos perducere, ut Scipio P.

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« Traité de bave et d’éternité », un film d’Isidore Isou

 Mardi 6 juin 2017 à 20h au  14°N 61°W

espace d’art contemporain
Place de l’Enregistrement
97200 Fort de France

Traité de bave et d’éternité est le premier film ciselant du cinéma lettriste, écrit et réalisé par Isidore Isou en 1951. Ce film a notamment fait scandale à Cannes en 1951 et a reçu le prix des Spectateurs d’Avant-Garde.

Un spectateur en parle :

Le manifeste d’ouverture, le premier quart du film, est un chef d’œuvre en soi. Un « work in progress » théorique et appliqué parfaitement cohérent, et d’une actualité saisissante, aussi bien du point de vue du cinéma expérimental que de l’art moderne en général (on pense au collage, au sampling… à tous les procédés inventés ces dernières décennies). Dans la suite émerge surtout la séquence de poésie lettriste, et des jeux d’images gravées directement sur pellicules qui l’accompagne (qui ont dû inspirer J.-P. Bouyxou dans son « Graphyty »). On tombe autrement dans les faiblesses d’un art conceptuel, où la théorie esthétique prend le pas sur l’accomplissement de l’œuvre, et aussi dans pas mal d’auto-exaltation. Mais même avec ces derniers aspects, le film est indispensable à une cinéphilie sérieuse

Le film
Montage

Ce film est basé sur le principe du montage discrépant qui consiste, selon Isou, en une disjonction totale entre le son et l’image, traités de manière autonome sans aucune relation signifiante.

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« Le repas des fauves », par la Cie Courtes Lignes : utilitarisme ou déontologisme?

— Par Roland Sabra —
« Le repas des fauves » de Vahé Katcha et adapté au théâtre par Julien Sibre est construit autour d’un débat éthique vieux comme le monde. Le succès populaire de la pièce atteste de la permanence d’un questionnement autour d’éthique déontologique et éthique conséquentialiste.
1942 en France, une ville de province, un dîner de la bourgeoisie locale. Pour l’anniversaire de Sophie, Victor, son mari a réuni le cercle des intimes. Malgré l’Occupation et les restrictions la soirée s’annonce festive. Combines, marché noir, petits arrangements, compromission et collaboration ont été les pourvoyeurs de la fête. Au milieu des échanges et des mondanités, au piede l’immeuble un attentat tue deux officiers allemands. Kaubach, le chef de la Gestapo exige deux otages par appartement. Parce qu’il fréquente la librairie de Victor, et par « courtoisie », il accorde deux heures aux sept convives pour designer deux d’entre eux . Outre le couple mari et femme il y a là Jean-Paul, le médecin, Pierre, aveugle et réformé depuis qu’il est rentré du front, André, qui vend sans complexe de l’acier aux Allemands, Françoise, une veuve attirée par la Résistance, et Vincent, maître de philosophie désabusé.

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Michel Rovélas | Or et Peaux, Nouvelles Mythologies

2 juin – 26 juillet 2017 Fondation Clément

Conférence de Michel Rovélas

Dimanche 4 juin Juin 2017 à 10H

Ce dimanche,

La Fondation Clément vous invite à découvrir l’exposition Or et peaux, nouvelles mythologies à travers une conférence de l’artiste.

« Depuis tantôt déjà sur les bancs des écoles de Guadeloupe et d’ailleurs, en Blanc, Noir, Rouge et Jaune, dans des expositions en Caraïbes, en Martinique, à Santo Domingo, Porto-Rico, ou Haïti, en plein Paris, Marseille, Strasbourg, Barcelone, Valence ou Madrid, New York, Taiwan, Portugal, Corée du sud et dans le regard plein d’étoiles des Marie Galantais, des Guadeloupéens, j’ai donné à voir ce qui fit tressaillir mon esprit, partout où l’homme était la proie de l’homme; j’ai cherché l’essence droite de l’Homme, sa plénitude, celle de la Femme, pour la consolider de toutes les couleurs de L’Humain. »

Michel Rovelas

« Il y a le ciel, il y a la terre et, il y a ce peuple Rouge, Noir, Jaune, Blanc, labouré par l’histoire, dont l’écume, nourrie mon âme. C’est ce que je trace avec les transpirations de mon cœur et la ferveur de mon sang, Noir, Rouge, Blanc, Jaune, parmi la navigation paisible des nuages, et les infatigables sabots d’acier des minotaures.

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Climat : les États-Unis font défection

— Par Marie-Noëlle Bertrand —
Donald Trump a confirmé cette nuit qu’il désengageait son pays de l’accord de Paris, adopté en décembre 2015 lors de la COP21.

Six mois qu’il laissait durer le supsense, et sa réponse est sans surprise : Donald Trump a confirmé dans la nuit la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Adopté lors de la COP21 en 2015, celui-ci engage la communauté internationale à limiter la hausse des températures globale à moins de 2°C, voir à 1,5°C. Le retrait officiel de la première économie mondiale, deuxième plus gros émetteur de CO2 derrière la Chine, premier en terme d’émissions par nombre d’habitant, finit de plomber une dynamique que les Etats-Unis avaient déjà bien contribué à miner.
Trump avait juré de faire la peau à l’accord de Paris

Lire aussi : « Il faut condamner les États-Unis pour ce qu’ils sont, c’est à dire un Etat voyou »

« L’heure est venue de quitter l’accord de Paris », a lancé le président américain jeudi dans les jardins de la Maison Blanche dans un long discours – parfois confus, rapporte l’AFP -, au cours duquel il a par moment retrouvé les accents de sa campagne électorale.

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Watabwi, un album unique et essentiel

Watabwi, le groupe de souffleurs de conques marines sort son premier CDlivret. Un album envoûtant et exaltant conçu comme un voyage sonore autour de la conque de lambi, ce coquillage qui fut au coeur des pratiques culturelles
martiniquaises. Fruit d’années de travail et de recherche, disque patrimonial, Watabwi est un CD-livret qui s’écoute, qui se lit… et qui se danse.
Bon voyage!
Et au début était la conque…
Cadeau de la mer aux Hommes, la conque marine est l’un des plus vieux instruments de musique de l’humanité. Elle est soufflée par les aborigènes d’Australie depuis plus de 45 000 ans. On la retrouve dans l’antiquité grecque, égyptienne ou maya, dans le Pacifique, en Inde… La belle nacrée annonce les victoires, rassemble les hommes. Elle est aussi la voix et l’attribut des Dieux, l’instrument indispensable de nombreux rituels.
Aux Antilles, la pêche au lambi (strombus gigas) est pratiquée depuis plus de 6000 ans. Ce précieux coquillage est utilisé par les peuples premiers de cette région du monde comme source de protéines animales. La conque sert de
récipient, elle entre dans la fabrication de lames d’outils, de hameçons, de bijoux, et elle est un instrument sonore de communication.

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Adieu, Émile Désormeaux, mon Ami.

— Par Yves-Léopold Monthieux —
Ce samedi de week-end de la Fête des Mères, il est seize heures trente, dix-sept heures. Je me retrouve au quartier Grand-Case chez mes amis Patrice et Sylvia, dans leur jardin. Nous sommes tout à coup attirés par deux silhouettes qui avancent plutôt gaillardement sur la voie intérieure du quartier, peu passante. Plus surprenant, je suis interpellé par les gestes appuyés de la main en notre direction, de l’un d’entre eux, souriant, en qui je crois reconnaître Émile Désormeaux.
C’est bien lui. Émile habite non loin. Je le sais malade.
Dans un instant d’inconscience je suis épaté qu’il me reconnaisse, surtout à une telle distance. Je me précipite vers lui, l’entoure de mes bras. Puis, ramené à la réalité, je lui fais une bise sur le front et, réprimant une larme, invite les deux hommes à poursuivre la promenade.
Il nous quittera le surlendemain.
En réalité, ses beaux gestes et ses sourires étaient destinés à tous. N’étaient-ce pas ses derniers adieux au Monde ?
  

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Le travail et l’action des députés de Martinique en question

— Par Danielle Laport, sociologue —

Les débats sur les législatives dans les médias ont débuté. Dans sa définition générique, le député participe au travail législatif et au contrôle du gouvernement. Le travail législatif est important afin de faire évoluer positivement les dimensions sociétales et réduire les déséquilibres. Aussi, pourrait-on légitimement s’attendre à une présentation systématique du bilan des députés afin d’apprécier l’impact de leur travail, dans l’intérêt des Martiniquais, pour l’amélioration de notre vivre ensemble en Martinique. Cet exercice est quasi-inexistant ! Pourtant, il participe à l’éveil des consciences. En empruntant les voies de la clarification traçant « ce qui est » et « ce qui est fait », les citoyens pourront alors choisir en connaissance de cause. Car, les Martiniquais sont encore nombreux à s’interroger sur l’action des députés.

« Ce qui est »

Une analyse comparative sur le travail effectif des députés a été réalisée par le magazine Capital à partir du travail de compilation des données du collectif Regards citoyens. 6 critères jugés représentatifs du travail d’un député ont été retenus : le nombre de rapports rédigés, d’amendements proposés, de présences en commission, d’interventions dans l’hémicycle, de propositions de loi écrites et de questions orales posées aux membres du gouvernement.

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Discriminations raciales et genrées dans la danse martiniquaise

— Par Roland Sabra —

C’est sous la direction de Karine Bénac-Giroux que se sont déroulées les deux journées consacrées aux « Discriminations raciales et genrées dans la danse contemporaine martiniquaise ». Les échanges ont été riches et intenses entre universitaires, artistes et public. Tables rondes avec exposés théoriques, performances d’artistes, conférences-dansées, pièce de théâtre, ont dialogué et se sont éclairés mutuellement. Jamais les discours universitaires ne se sont installés en surplomb des expériences de vie que l’ensemble des artistes ont bien voulu rapporter. La chorégraphe Agnès Dru à travers son parcours étasunien, a montré comment son identité de « frenchie » s’était construite d’une différenciation dans une confrontation à l’altérité surdéterminée par un rapport salarial porteur de discriminations. C’est l’ensemble de ce parcours qu’elle réinjecte dans sa conférence dansée. Les stéréotypes de couleur, de genre sont convoqués dans l’espace cage d’un enfermement aux murs de verre. Petite culotte noire, haut blanc, mains protectrices sur le sexe et les seins, elle va revêtir la tenue, un peu masculine d’un personnage blanc allant à la rencontre d’une femme noire en robe elle aussi noire.

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Courtes Lignes présente : « Le Repas des fauves » de Vahé Katcha

— Par Selim Lander —

Que fait le théâtre de boulevard sinon nous amuser de situations dramatiques, susceptibles a priori de donner plus à pleurer qu’à rire ? Le ressort le plus courant, dans le vaudeville, consiste à se moquer d’un cocu, en usant largement du procédé dit de « l’ironie » : tout le monde est au courant, y compris les spectateurs, de ce que le mari malheureux ignore encore. Cependant, comme le thème est éculé à force d’avoir servi, les auteurs ont dû explorer d’autres voies. Pour ne prendre qu’un exemple, emprunté à Guitry, dans la pièce mystérieusement intitulée Le KWTZ[i], lorsque le mari cocu apparaît, tout à fait à la fin, il n’ignore déjà plus qu’il est trompé par sa femme avec son meilleur ami et la pièce joue sur un autre ressort, principalement un faux suicide des amants et, accessoirement, lorsque le mari paraît enfin, sur l’incertitude quant au comportement qu’il adoptera à leur égard.

Si cette pièce tourne encore autour du cocuage, le thème n’intervient plus guère, ou alors de manière anecdotique, chez les auteurs contemporains. Tel est le cas dans Le Repas des fauves où le mari découvre que sa jeune épouse n’est pas tout à fait l’oisillon de la dernière couvée qu’il croyait.

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