Zao, soldat de la paix, revient avec Nouveau Combattant

— Par Fara C. —

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Zao se bat sur tous les fronts. À Brazzaville (Congo), il a ouvert avec des amis un espace où sont accueillis de jeunes démunis.Photo : DR

Malgré les drames que la guerre civile congolaise lui a infligés, le Coluche africain continue de dispenser ses messages, au son des balafons. 
Trente ans après son tube antimilitariste Ancien Combattant, le chanteur est de retour avec un album aux formules toujours aussi savoureuses.

Zao est un survivant. L’auteur du tube Ancien Combattant (1984) aurait pu mourir cent fois pendant la guerre civile qui a tué son fils chéri et brûlé tous ses biens. Revoilà l’irréductible satiriste congolais avec l’album Nouveau Combattant, sorti trente ans après son hymne antimilitariste. « Hélas, les messages de paix sont, aujourd’hui, plus que jamais nécessaires », nous explique-t-il. Il a présenté son opus au dernier festival Africolor : à Sevran autant qu’à Saint-Germain-en-Laye, il a enflammé l’auditoire, qui dansait et reprenait en chœur ses brûlots jubilatoires, Corbillard, Moustique…
Un humble héros sachant réinventer la langue française

« Pour nous, programmer Zao, un des plus grands artistes africains des cinquante dernières années, a un sens profond, déclare Sébastien Lagrave, directeur du festival Africolor. Zao dit, avec humour, des vérités qu’il faut absolument entendre, ce n’est pas par hasard s’il est surnommé le Coluche africain. Il travaille avec le plus grand sérieux : des qualités appréciables, mais, surtout, le signe de son immense respect pour le public. » Lors du second concert donné dans le cadre d’Africolor 2014, à la Clef, le public de la conviviale salle de Saint-Germain-en-Laye a aussitôt fait siennes les nouvelles chansons de l’humble héros, en particulier Nouveau Combattant que Zao a écrite sur la partition d’Ancien Combattant. L’artiste se met dans la peau d’un soldat qui a guerroyé aux quatre coins du monde : « J’ai tué les enfants-soldats / J’ai violé les femmes / J’en ai marre de la guerre. » De nouveau, on goûte avec gourmandise aux savoureuses tournures que l’ancien instituteur invente avec amour pour la langue française. Le père du terme « cadavéré » chante, sur l’irrésistible musique du titre éponyme : « Les armes chimiques vont chimiquer partout / Les missiles vont missilier toutes les miss. » Autoproduit, Nouveau Combattant est distribué par le méritoire label français Celluloïd qu’a fondé Gilbert Castro et qui a initié des disques majeurs de musique africaine dès le tournant des années quatre-vingt. Il imbrique judicieusement modernité et legs séculaire. Au son de balafons, percussions et cloches ancestrales, la plage Kanga Moutima Sanza rend hommage au légendaire musicien traditionnel Léon Malonga, virtuose de ce qu’on appelle au Congo la sanza, mais qui, ressemblant au luth ngoni malien, n’a rien à voir avec le petit piano à pouces africain du même nom. « C’est un sample de Léon Malonga que nous avons intégré au morceau », souligne Zao.
Soigner les traumatismes de la guerre par la musique

Quand, à la fin de la décennie quatre-vingt-dix, recherché, il a dû fuir la guerre et son cortège d’horreurs, il s’est réfugié avec sa femme et son fils durant presque neuf mois dans la forêt, forcé de se cacher dans un silence quasi total pour ne pas être repéré. Confronté à la soif et à la faim, c’est là qu’il a perdu son enfant de quatre ans, auquel il dédie N’Sanga – ou perle dans sa langue maternelle, le lari. Il précise : « J’avais emporté dans la forêt des bandes de Léon Malonga, qui allait mourir plus tard. Les bandes n’ont pas résisté aux dures conditions, mais on a pu réaliser un sample. » Le résultat est saisissant. Alors que sa maison a été pillée et détruite durant la guerre, notre soldat de la paix a ouvert, sur ses propres deniers et avec le soutien de fidèles amis, l’espace Zao, dans un quartier très populaire de Brazzaville. « Y sont accueillis des jeunes démunis, marqués par la guerre. On essaie d’y soigner leurs traumatismes par la musique. » Zao a lancé un appel aux dons d’instruments de musique. Il a été entendu par le chanteur et rappeur sénégalais Faada Freddy (connu pour sa carrière en solo et son travail au sein de Daara J). L’artiste dakarois vient d’offrir à l’espace Zao une guitare acoustique toute neuve. Quand on demande à Zao quelle autre jolie nouvelle il aimerait entendre, il répond sans hésitation : « Jouer à la Fête de l’Humanité ! Ce grand rassemblement représente beaucoup pour nous qui luttons sous d’autres cieux. Je rêve même d’y organiser un immense concert pour la paix en Afrique et dans le monde. »
Zao, CD Nouveau Combattant 
(Celluloïd-Rue Stendhal).

Vendredi, 27 Février, 2015
L’Humanité