Vénus et Adam

Par Selim Lander

Tous les grands prix Beaumarchais/ETC-Caraïbe ne se ressemblent pas : telle était la réflexion que l’on pouvait se faire en assistant pendant deux longues heures à la pièce d’Alain Foix (lauréat du prix 2004) qui mêle l’enquête policière et journalistique, la romance interraciale, les rites sanguinaires, la Tamise, Scotland Yard, le panthéon yoruba, la mythologie grecque, The Times, Libération et les dissections d’une médecin légiste à l’esclavage, à la vénus hottentote et aux saumons qui remontent les rivières. Non qu’on soit contre les mélanges de genres, au contraire, mais ici tout cela nous a paru plaqué et artificiel. On cherche – pardon, nous avons cherché – en effet vainement dans la pièce « l’alliance d’une esthétique brillante profondément humaniste [qui] fait merveille dans le roman [tiré de la pièce] » d’après le site Evène. (1)

Loin de briller, en effet, les dialogues ont semblé surtout plats et les bons mots désolants. On s’excuse ici auprès du lecteur, il faudrait en citer au moins un de ces bons mots mais, trop accablé par ce que nous étions en train de voir et d’entendre, nous n’en retînmes aucun. La pièce commence plutôt bien, pourtant, par les contorsions d’une jeune femme complètement nue dans une cage grillagée. So far, so good ! Le théâtre contemporain nous a habitués à voir des comédiens dénudés. Bien que ce soit le plus souvent complètement gratuit par rapport à « l’économie » de la pièce, cela fait toujours son petit effet. Et en plus, ici, ce n’est pas sans lien avec la suite puisque cette parade impudique annonce – nous nous en rendrons compte en temps utile – les exhibitions de la vénus hottentote, laquelle (la vénus) sera l’épine dorsale de la deuxième partie de la pièce.

Donc Vénus (deuxième partie) et Adam (première partie). Adam n’a pas de nom connu. Adam est un tronc, le tronc privé du chef comme des membres d’un jeune garçon noir. L’enquête, suite à la découverte de ce que l’on ne saurait appeler un corps, flottant entre deux eaux dans la Tamise, est racontée à travers les confidences d’un policier et d’un journaliste. Tandis que le second persiste à voir dans le crime horrible qui vient d’être commis une « œuvre artistique » (sic), il (le crime) est pour le premier surtout l’occasion de quelques plaisanteries de mauvais goût. À ce stade, on (le spectateur, votre serviteur en l’occurrence) se demande si la pièce ne vas pas devenir une fiction délicieusement perverse dans laquelle toutes les transgressions seront permises. Non que nous goûtions particulièrement l’étalage de la perversité au théâtre (nous en voyons suffisamment dans la vie !) mais ce serait déjà le signe d’une certaine audace. Hélas ! tout rentre bientôt dans le rang avec le début de l’idylle entre le journaliste et la médecin légiste !

Il ne reste plus, alors, qu’à écouter patiemment l’histoire édifiante de la vénus hottentote (dont on apprend au passage que ses restes conservés au Musée de l’Homme auraient été restitués à l’Afrique du Sud) et à attendre le dénouement de l’idylle entre le journaliste parisien et la doctoresse noire, laquelle porte comme par hasard le même nom que la « vénus ».

Le texte est porté par deux comédiens blancs (le policier et le journaliste) et une comédienne noire (la vénus + la médecin légiste). Le décor se résume à la cage du début qui change plusieurs fois de place et de position (d’abord verticale, etc.) et sert également de table (de bar, de dissection) ou d’écran. La musique originale qui entre bien dans le propos de la pièce est complétée par une musique d’opéra toujours plaisante à entendre.

Texte et MES : Alain Foix

Interprétation : Virginie Emane, Jean-Claude Bourbault, Thomas Chabrol

Vidéo : Nelson Foix

Musique : Patrick Marcland

 

(1) Voir également l’article de R. Sabra : http://www.madinin-art.net/adam-et-venus-texte-et-m-e-s-dalain-foix-une-deception/