« L’hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes mains »

— Par Dégé —

de Philippe Dorin,
au Grenier à Sel. Festival d’Avignon 2017, le OFF.

C’est un peu lent au début mais c’est poétique. Ça s’alourdit quand le sens apparaît et se fixe. Mais dans l’ensemble, et finalement, le poétique triomphe. Grâce aux décors, grâce à la mise en scène de Bertrand Fournier.
Un chemin de lattes de bois sur lequel dort un SDF délimite l’espace et s’enfonce dans l’obscurité des coulisses forestières. En sortiront peu à
peu divers objets bricolés (tabourets, tables, guitare, cheval) qui habiteront la scène autant que toute une série de vaisselle imaginée, de victuailles invisibles…Quatre panneaux gris lavis, aux motifs à peine esquissés, créés une attente : deux, à notre surprise, sont défoncés par l’homme aux premières minutes, on attend le tour des deux restantes. Une seule se transformera en piste à glissades, puis en podium pour chanteur de Rock (notre héros prolétaire). Quid du quatrième panneau ? Rien. Car la pièce est, sinon déjantée, insolite.
L’autre protagoniste, emmitouflée de blancs vêtements chauds et de plastiques en lambeaux, accepte dès leur première rencontre d’épouser l’homme sans domicile et sans travail. Car il lui promet le récit le plus exact possible que fera de leur vie rêvée (et non pas de rêve !) un écrivain absent de la scène. Seul le bruit des frappes sur sa machine à écrire rend ce dernier présent et active l’attention du spectateur.
Il se combine à une musique aux intensités variées qui « récite  » la vie de cette famille.
Le texte est assez réduit. Le silence parle. Sentiments et pensées s’expriment dans des jeux de mots, de sonorités, de lumières, dans des interrogations linguistiques…De l’humour aussi par exemple dans de nombreuses scènes de mime (qu’il reste encore à perfectionner). Des tempêtes de neige semblent structurer la pièce qui doit beaucoup à ces sortes d’effets « spéciaux « , (scénographie, éclairages), mise en scène et en sons.

L’énigme du titre se révèle à la fin si l’on comprend que les quatre chiens sont les deux parents et leurs deux enfants dont la vie de chiens nous mord, nous émeut et nous culpabilise ?

(Lumières :J. Guenoux. Son: J.P Borgono. Scénographe :E. Grondin)