La vie foisonnante de la musique contemporaine

— Par Maurice Ulrich —

Dix jours de musique contemporaine avec vingt concerts et plus de quarante compositeurs ont offert un large tableau d’un champ de création plus vivant que jamais, au-delà des clichés.Au lendemain du concert de clôture du festival de musique contemporaine de Radio-France, Présences, et à partir d’un programmation cette année de grande qualité, il n’est pas inopportun d’y revenir, ne serait-ce que pour donner un aperçu de ce qu’est la musique « classique » d’aujourd’hui. Il est fréquent de la ramener à quelques noms appartenant déjà à l’histoire, Boulez, Stockhausen et quelques autres, diversement connus et appréciés, or la réalité c’est que l’on a jamais écrit autant de musique qu’aujourd’hui. Ainsi au cours des dix jours du festival, plus de quarante compositeurs ont été joués en une vingtaine de concerts, dont nombre ont aujourd’hui une quarantaine d’années. On évoquera bien évidemment la figure de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho. Ecrivant pour la musique de chambre comme pour les grandes formations orchestrales, intégrant la modernité pour la plier à une profonde sensibilité particulièrement présente dans ses pièces pour cordes souvent teintée d’une sorte de mélancolie secrète, elle n’en est pas moins capable de déclencher les foudres des cuivres et timbales. On retiendra particulièrement Figura pour clarinette, cordes et piano, et Orion, pour orchestre avec la découverte dans sa pièce True fire, du magnifique et jeune baryton Davone Tines.
Une vie foisonnante de la musique contemporaine

Ces dix jours auront également confirmé la forte présence sur la scène contemporaine des quarantenaires, avec souvent des œuvres puissantes, véritablement habitées par une énergie créatrice fonctionnant par éclats, montée de nappes sonores, appels aux sonorités les plus aigues ou les plus sombres des cordes, contrastes, couleurs. Raphaël Cendo, Ondrej Adamek, Helena Tulve, Jérôme Combier dans un registre plus méditatif, Mauro Lanza ont marqué le festival. On notera aussi la pièce très prometteuse de la jeune Nuria Gimenez-Comas, pour violoncelle seul mais révélant tout un champ de possibles. Leurs prédécesseurs ont également frappé fort. Philippe Hurel avec Localized corrosion a de nouveau exprimé sa capacité à créer un véritable arc tendu entre les interprètes et le public en détruisant selon ses termes le matériel musical zone par zone. Ramon Laskano avec Main surplombe pour Soprano et ensemble, sur des textes d’Edmond Jabès a donné une œuvre poignante et pudique habitée par la souffrance de l’exil. On ne saurait bien sûr citer chaque compositeur et leurs interprètes, orchestre, ensembles ou quatuors, mais on retire de ce festival le sentiment d’une vie foisonnante de la musique contemporaine, avec un public ouvert, attentif, plus nombreux qu’on ne l’imagine peut-être et dont on peut souhaiter qu’il s’élargisse encore. C’est qu’il en est de la musique contemporaine comme de la poésie, de la belle littérature et des arts plastiques, elle agrandit le monde.
Source : l’Humanité.fr
http://www.humanite.fr/retour-sur-le-festival-presences-de-radio-france-632515

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