Clôture de la Ribotte des petits : « Terre, fleur d’amitié »

— par Selim Lander —

Organisée pour la première fois par Tropiques Atrium, la Ribotte des petits est déjà un succès. Après le conteur Jean L’Océan de L’Îlet aux sorcières et Yeung Faï, le marionnettiste virtuose du Puppet Show, c’est Terre, fleur d’amitié, un autre spectacle de marionnettes, conçu par Estelle Butin, interprété par elle-même et Virgil Venance, qui a clôturé ce mini festival.

Comme dans Soleil couchant d’Alain Moreau[i] présenté également lors de ce premier trimestre de la saison 2018-2019, les marionnettes sont tenues par une main derrière la tête, ce qui permet de la faire bouger, tandis que l’autre main, rentrée dans une manche de la poupée, est capable de saisir divers objets. Cependant, à la différence de Soleil couchant, les marionnettes sont ici de taille réduite et se produisent derrière un castelet.

Comme c’est désormais, semble-t-il, la norme pour les spectacles « jeune public », il y a une intention pédagogique derrière Terre, fleur d’amitié. Il s’agit en l’occurrence de sensibiliser les enfants aux ravages des pesticides qui détruisent la nature sous prétexte de favoriser les rendements des plantes « utiles ». En l’occurrence, c’est le méchant « Tosenmot » qui a concocté une potion néfaste pour « Verterre », « Souricette », et « Taupinette », les animaux du jardin. Devant le castelet une table à secrets est couverte de plantes sauvages (découpées dans du contreplaqué), qui s’escamotent et sont remplacées par des plantes plus imposantes lorsque Tosenmot vaporise sa « potion magique » (sous forme de bulles de savon).

On ne fera pas la fine bouche devant un scénario cousu de fil blanc : grâce à l’ingéniosité conjuguée des animaux, un contrepoison sera élaboré, les animaux qui étaient sur le point de trépasser seront sauvés et Tosenmot se réconciliera avec dame Nature. Non seulement on n’omettra aucune critique mais l’on formulera des vœux pour que, à force de les répéter, de tels messages réussissent par imprégner les esprits de nos petits et qu’ils ne répètent pas les mêmes erreurs que leurs aînés, … que nous-mêmes.

On fera d’autant moins la fine bouche que les enfants présents ont prouvé par la manière dont ils participaient à la pièce, par leurs exclamations visant le « méchant » Tosenmot, qu’ils avaient parfaitement compris le propos.

Il serait malséant de comparer ce spectacle avec Puppet Show tant ils appartiennent à des univers différents. Le monde de la marionnette est devenu complètement divers. Qu’on est loin du Guignol de notre – si lointaine – enfance ! Quel point commun entre Alain Moreau, entièrement sur le registre de l’émotion, Yeung Faï et sa virtuosité virevoltante et la démarche autant pédagogique qu’artistique d’Estelle Butin ? L’utilisation des marionnettes ? A peine : elles ne se ressemblent pas, leur manipulation est également différente. L’art de la marionnette s’est tellement diversifié de nos jours qu’il peut y avoir, d’un artiste à l’autre, autant de distance qu’entre une farce de Molière et une pièce de Beckett. Cet art est devenu « en tout cas » (les guillemets pour notre directeur) du théâtre à part entière.

[i] Cf. https://mondesfrancophones.com/espaces/periples-des-arts/marionnettes-belges/