La quasi-totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés par ce pesticide ultra-toxique, utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies.
— Par Faustine Vincent (Guadeloupe, envoyée spéciale du journal Le Monde)
Il a vu ses collègues tomber malades et mourir tour à tour sans comprendre. « Cancer, cancer, cancer… C’est devenu notre quotidien. A l’époque, on ne savait pas d’où ça venait », se souvient Firmin (les prénoms ont été modifiés) en remontant l’allée d’une bananeraie de Basse-Terre, dans le sud de la Guadeloupe. L’ouvrier agricole s’immobilise sur un flanc de la colline. Voilà trente ans qu’il travaille ici, dans ces plantations verdoyantes qui s’étendent jusqu’à la mer. La menace est invisible, mais omniprésente : les sols sont contaminés pour des siècles par un pesticide ultra-toxique, le chlordécone, un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique, reprotoxique (pouvant altérer la fertilité) et classé cancérogène possible dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ce produit, Firmin l’a toujours manipulé à mains nues, et sans protection. « Quand on ouvrait le sac, ça dégageait de la chaleur et de la poussière, se rappelle-t-il.