Zig Zag, textes et m.e.s. de Xavier Lemaire

 

26, 27 & 28 avril 2018 à 19 h au T.A.C.

Trois variations sur la première scène du « Médecin malgrè lui »

Une petite veilleuse sur la scène nue s’appelle une servante. Le conférencier Xavier Lemaire, commence sa leçon, nous ouvrant les coulisses du théâtre afin d’aiguiser notre regard sur les multiples manières de raconter, de mettre en scène.

Car ce sont trois variations sur la première scène du « Médecin malgré lui » de Molière, qui nous seront proposées.

Mais voilà la leçon déjà interrompue par deux régisseurs de plateau clownesques en train de monter le décor. lsabelle Andréani et Franck Jouglas, très drôles, qui joueront également Martine et Sganarelle. Si on laisse la pièce s’exprimer toute seule, on peut ne rien entendre du tout » conclut Lemaire qui cite à I’envi Jouvet, Bouquet ou Vitez. « Le metteur en scène ne demande pas à être Dieu et pourtant il lui ressemble. Il donne le point de vue, la vision de la pièce ».

Suivront une audition savoureuse, avec un intermittent en grève qui ne déclamera qu’un mot sur deux, ou cette vendeuse en grande surface, qui rêve d’être un jour sous les projecteurs.

Une gare, deux SDF complètement ivres, le spectacle s’achève sur la version moderne du « Médecin malgré lui », avec une recherche d’incarnation « stanislavskien »

La naissance du metteur en scène au XXe siècle

ll y aura la version classique dans l’esprit Commedia del arte où le costume joue un rôle essentiel dans l’effet comique : ainsi Sganarelle est vêtu richement avec collerette et bas, comme un noble. A l’époque de Molière, rappelle Lemaire, << le metteur en scène n’existait pas, l’acteur était roi ».

ll faut attendre le 20e siècle et un théâtre plus vrai, plus touchant pour voir la mise en scène apparaître. La version « symboliste » du « Médecin malgré lui » vaut son pesant de cacahuètes. Sur une musique contemporaine, immobiles, face au public, les comédiens émettent borborygmes et mouvements saccadés,

faisant ressortir le décalage entre le texte et l’action.

Notes de mise en scène – Interview de Xavier Lemaire à propos de ZIGZAG :

 Xavier Lemaire d’où vous est venue l’idée de ce spectacle ? 

En 2012 Jean-Claude Derry voulait faire une soirée parlant de théâtre, à l’occasion des 40 ans du Théâtre André Malraux de Rueil Malmaison, et je lui ai proposé cet impromptu sur la mise en scène qui s’appelait alors 3 variations de mise en scène

Zigzag est donc une reprise ? 

Non pas du tout ! Zigzag est une vraie création qui a pour inspiration et paternité  3 variations sur la mise en scène! En effet nous avons repensé le format et le texte du spectacle, nous avons créé de nouveau personnages, et notamment Jeanne-Yvette et Quentin les techniciens qui n’existaient pas et qui seront source de situations amusantes, et nous avons complètement retravaillé les décors et costumes qui n’étaient que des emprunts et des fonds d’atelier parce que nous n’avions pas de production pour « juste »une soirée ! 

Alors Zigzag c’est quoi ? 

Zigzag c’est une conférence sur la mise en scène,  avec en appuie trois versions de la première scène du médecin malgré lui de Molière et des interventions singulières à propos de l’art dramatique. C’est une façon de mieux regardé et comprendre l’objet Théâtre, c’est une approche ludique pour revivifier sa dégustation de spectacle ! C’est un moment de rencontre avec le public qui pour quelques uns connaissent mon travail depuis 20 ans ! 

Comment définir la mise en scène d’un spectacle qui est une « conférence » de mise en scène ? 

La question est vive effectivement ! Pour ce spectacle il y a d’abord l’effet conférence, je suis proche du public, je lui parle et je le côtoie comme un professeur avec ces élèves, il y a ensuite l’effet happening avec des interventions clownesques de techniciens ou de personnages qui veulent participer au spectacle, qui sont joués par les acteurs. Là nous sommes dans un mode burlesque proche du café théâtre ou de cirque. Et puis il y les trois versions de scène, qui ne se ressemblent pas du tout, que nous abordons sans aucune ironie et avec la plus grande sincérité quant à l’esprit de la version, la performance du jeu d’acteur et l’esthétique proposée pour chacune. Je ne veux pas me moquer de tel ou tel forme de théâtre mais plutôt ouvrir le champ du possible et que chaque spectateur puisse être sensible à chaque version et par delà puisse aiguiser son regard sur le théâtre. Dans la direction d’acteur, chaque version est travaillée dans l’esprit ; par exemple pour la version classique nous travaillons dans l’esprit commedia, pour la version symboliste nous faisons un grand travail de concentration et de distanciation, pour la version moderne nous allons chercher un travail d’incarnation « stanislavskien ». 

Il y a donc une volonté pédagogique dans Zigzag ?

Absolument ! Et quand nous avons joué  variations sur la mise en scène à Rueil beaucoup de spectateurs m’ont dit : c’est formidable nous comprenons mieux des spectacles qui nous étaient passés un peu à coté! Zigzag a aussi cette ambition : de permettre de mieux regardé le spectacle vivant, de mieux l’aimer. Je pense que le théâtre est maltraité en ce moment – par ceux qui le font via des combats de chapelles stériles et des dogmatismes hors propos – par la presse qui ne creuse plus le travail des artistes par manque de moyen et de temps – et par le public qui valorise des effets marketing et ne s’aventure plus vers des découvertes. Je ne pourrais jamais changer tout cela mais par mes spectacles essayer de proposer des réponses… Cela fait plus de 20 ans que je donne des cours, que je fais des rencontres avec le public, que je discute avec les gens de spectacles (acteurs, metteur en scène, décorateur, éclairagiste, costumiers, musiciens, etc. …) ; il y a donc, dans Zigzag, un condensé de tout ce foisonnement de parcours ainsi que d’extraits de textes de gens qui m’inspirent ; il y a aussi une grande part d’impros avec les acteurs du spectacle et notamment Isabelle Andréani que je connais bien…Le texte sera une base qui va évoluer au fil des représentations mais qui nous fixe une architecture qui sera le garant d’un spectacle tenu.

Est-ce par hasard que ce spectacle coïncide avec les 20 ans de votre compagnie, les  d’Avignon? 

Non, évidemment l’occasion fait le Larron! L’an passé nous sommes descendus avec les Coquelicots des tranchées qui  était un défi à la raison et la morosité théâtrale: 12 comédiens, 4 techniciens, 60 costumes, 22 changements de décor, 3 ans d’écriture… et ce défi c’est révélé une aventure extraordinaire, humainement et artistiquement, avec pour couronnement le prix du public d’Avignon Off2014 et le Molière 2015 Théâtre Public. Un rêve et un espoir que « le mérite vaut bien la naissance » comme dit Marivaux ! Il ne nous était pas possible de revenir cette année avec ce spectacle pour des raisons financières que chacun comprend, et moi je ne voulais pas enchaîner sur une autre création mais parler un peu de théâtre avec le public et ouvrir mon cœur à ce qui me touche et m’investit chaque jour : le Théâtre …