« Welfare », d’après Frederik Wiseman, m.e.s. Julie Deliquet, avec Astrid Bayiha, Salif Cisse…

Dimanche 23 juillet 21h10 sur France 4 ★ ★ ★ ★

La captation vidéo de Welfare en ouverture du Festival d’Avignon 2023 corrige certaines critiques qui portaient sur l’inadéquation du thème abordé avec le gigantisme de la Cour d’honneur du Palais des Papes (Cf nos articles). Les gros plans de la caméra contribuent grandemant à l’individualisation des personnages et des propos qu’ils tiennent. On aura plaisir a retrouver Astrid Bayiha, une habituée des plateaux martiniquais, remarquable, très investie dans le rôle de Mme Turner.

Frederick Wiseman, documentariste américain mondialement connu, a confié à Julie Deliquet, metteuse en scène passionnée de cinéma, le soin d’adapter l’un de ses chefs-d’oeuvre, Welfare, une fresque sociale foisonnante d’humanité. Tourné en 1973, Welfare est le portrait d’une institution, un centre d’aide sociale à New York, dont Frederick Wiseman filme tous les occupants et les rituels. S’y croisent travailleurs sociaux, sans-abris, mères célibataires, enfants et vieux. L’ahurissante diversité des problèmes sociaux, liés à l’absence de travail, d’argent ou à l’incapacité de certains à prendre soin d’eux mêmes, donne lieu à des rencontres et des dialogues puissants, tour à tour tristes, drôles ou étranges. Une incroyable galerie de personnages se débat ainsi au coeur des réglementations qui gouvernent leur travail et leur quotidien, entre les drames et le grotesque de la vie.
Avec une troupe diverse, nombreuse et virtuose, Julie Deliquet se saisit de cette oeuvre engagée qui regarde la réalité sociale en face sans aucun misérabilisme, pour poursuivre son travail sur le collectif et la démocratie en action. L’adaptation fait traverser à ces héros marginaux l’Atlantique et les frontières. Sur scène, un gymnase d’école des années 1970 sert d’abri éphémère à ce centre social dont le spectacle suit la vie pendant toute une journée. Trois générations d’acteurs, de vingt à soixante-dix ans, traversent quinze parcours de vie. Chaque personnage est irréductible et existant pour lui-même, puis est amené à aller vers la rencontre.
Il y a du Balzac dans cette peinture de la condition humaine, du Shakespeare dans la folie du carnaval social qui se joue mais aussi du Beckett dans l’absurde de ces gens qui attendent ensemble. Welfare devient ainsi un spectacle tragi-comique et populaire où se joue notre besoin de vivre en communauté et de réinventer le monde.