Virtuose Vicky Edimo

— Par Mathias Mouendé Ngamo —
vicky_edimoMusique. Dans le Top 10 des bassistes africains les plus influents de la scène mondiale, le Camerounais Vicky Edimo est classé 2ème, derrière son compatriote Richard Bona. Agé de 62 ans, le bassiste gaucher a décidé de quitter le derrière de la scène pour se lancer dans une carrière solo.

On ne le voit pas beaucoup au Cameroun, comme la plupart des bassistes camerounais de renommée internationale de son rang d’ailleurs. Vicky Edimo l’explique dans un ton grave, les organisateurs locaux de spectacles ne convainquent pas. Il faut un minimum de sérieux, de respect pour le travail et de normes professionnelles, argue–t-il. Le bassiste ne souhaite pas en dire plus sur le sujet, lorsque nous nous entretenons avec lui dans un hôtel de la capitale économique en ce mois de novembre 2013. Vicky Edimo y a posé ses valises pour un court séjour avec quatre autres confrères.
Jean Dikotto Mandengue, Francis Mbappè, Gross Pokossy et Richard Epéssé sont présents à ses côtés. Ils sont tout sourire.
Ils lancent de petites blagues. Ils avouent que ce sentiment de gaité les anime à chaque fois qu’ils foulent le sol camerounais.
Cette fois-ci, les musiciens répondent à l’invitation de Patricia Dika Nsangue Akwa, la directrice du cabinet Innov’Tempo.
Avant de reprendre le vol, Vicky Edimo et les siens visitent une exposition de photographies de bassistes camerounais à eux consacrée. Ils offrent un concert le 4 novembre 2013 à Yaoundé au bois Sainte-Anastasie. Une autre prestation a lieu à Douala-Bercy le 8 novembre 2013. Pour Vicky Edimo, ce passage au pays est une occasion de mélanger le plaisir d’être là physiquement et de partager de bons moments avec ses compatriotes. Lui qui réside en France depuis plusieurs années, après avoir vécu aux Etats-Unis. C’est là-bas en Occident que le prodige se forme et se forge une solide réputation.

Il a su imposer son style et a construit sa notoriété au fil des années de dur labeur. Son doigté émerveille très tôt et Vicky côtoie rapidement les grands noms de la chanson mondiale. Il est sollicité dans l’album des Gibson Brothers, « Cuba ». Il participe à la tournée européenne avec le groupe. Le tube connait un succès planétaire et lui ouvre beaucoup de portes.
D’autres collaborations suivent en studio avec James Brown, Johnny Halliday, Sacha Distel, La Compagnie Creole, Dalida, Michel Sardou. L’artiste joue aussi aux côtés de Manu Dibango, Bob Marley, Maceo Parker, Steve Coleman, Toure Kunda. Avec sa basse, Vicky Edimo produit des sonorités à nulles autres pareilles. Les Américains sont fascinés. « Aux Etats-Unis, il y a des gens qui ne croyaient pas que j’étais africain.
Dans leur tête, ils ne pensaient pas qu’un Africain pouvait faire ce que je faisais », relève Vicky Edimo. Qui affirme que le Cameroun est le premier producteur de bassistes au monde.
« J’ai été intéressé par le manager de James Brown qui m’a rencontré à Paris. C’est le départ de ma carrière aux Etats-Unis », se souvient Vicky Edimo. Aux Etats-Unis, il enregistre quelques 45 Tours, notamment « Onguèlè » qu’il a composé à l’âge de 15 ans. Il enregistre aussi « Lets me love u tonight » et bien d’autres 45 Tours. A cette étape de sa carrière, l’artiste trouve qu’il est intéressant d’aller en Afrique travailler avec les frères africains, partager l’expérience avec eux. Il pose donc ses valises au Nigéria, où habite sa oeur ainée.

Carrière solo

Vicky Edimo embrasse alors une carrière solo. Il enregistre son premier album. Il est intitulé « Thank u Mama ». Quelques années après, il sort « Ongwanémo », puis « Jambo Afrika » en 2007 en France. Pourquoi avoir décidé de se lancer dans une carrière solo ? Vicky Edimo explique qu’il a pris un grand plaisir à jouer pour des gens pendant près de 30 ans. Il fait remarquer qu’il a joué à une ou deux exceptions prêtes avec toutes les personnes avec lesquelles il a rêvé de jouer. « On a quand même en temps que musicien instrumentiste quelque chose à dire et pas forcement derrière les autres. Je ne fais pas que de la basse. J’arrange, je réalise, je chante », soutient t-il. Et dans « Jambo Afrika » (bonjour l’Afrique en Swahili), Vicky Edimo remercie l’Afrique pour tout ce qu’elle lui a apporté.
L’artiste y joue de la basse, son instrument de prédilection, et y met de la voix. Le disque bénéficie de la collaboration du saxophoniste camerounais Manu Dibango.

Monique Ngo Mayag, journaliste en service au quotidien à capitaux privés Mutations, a écouté l’album « Jambo Afrika » du bassiste. « C’est après avoir écouté les 11 titres que lis les éléments de la pochette pour regarder l’année de sortie de cet opus : 2007 ! Il y avait 6 ans que cet album était sorti mais c’est comme si c’était hier qu’il était mis sur le marché. C’est d’ailleurs la griffe des grands artistes, faire une musique atemporelle. Cette galette est une véritable célébration de la musique et des instruments de musique.
Et ça se comprend, on parle quand même de l’album de l’un des ténors camerounais de la basse ! Mais il y a de tout, du saxophone, de la trompette, de la guitare, des percussions etc. On y trouve de l’afro beat, mais aussi une toile de makossa et d’assiko, entre autres.
« Jambo Africa » est un album très gai, très ensoleillé. Un hymne à l’Afrique et surtout au Cameroun. On comprend que Vicky se rappelle en musique, d’où il vient. C’est un album à la fois riche en sonorités et assez épurée, dans le sens où la musique prend le pas sur les lyrics (paroles). « Jambo Africa » salue généreusement l’Afrique et les Africains», détaille la journaliste, membre de la Cameroun Art Critic’s (Camac), l’association des journalistes culturels du Cameroun.
Pour Alexis Prigas, président de l’Association des bassistes du Cameroun (Abc), Vicky Edimo fait partie avec Aladji Touré et compagnie, des « grands maitres ». « Ce sont les gars qui ont tracé le chemin.
Vicky a fait partie de l’équipe nationale du makossa. Avant l’arrivée d’Aladji Touré, c’est Vicky Edimo qui accompagnait Toto Guillaume à la basse. Il a fait de grandes études en musique dans des écoles prestigieuses aux Etats-Unis. On a appris à jouer sur les lignes de basse qu’il joue dans ses disques.
Vicky Edimo a sa touche américaine qu’il a apportée dans le makossa », apprécie Alexis Prigas. Il déplore cependant le fait que l’artiste n’a pas une carrière solo à la dimension de son talent.
« Peut-être ne s’est t-il pas retrouvé au bon endroit, au bon moment. J’espère que sa carrière solo va vite prendre un bon décollage », souhaite le président de l’Abc.
Dans le Top 10 mondial Rien à dire sur le talent de Vicky Edimo et son jeu remarquable lors des spectacles dans les orchestres des chanteurs les plus talentueux de son époque.

Aujourd’hui, le musicien est classé 2ème derrière son compatriote Richard Bona, dans le Top 10 des bassistes africains les plus influents de la scène mondiale, selon un classement du magazine Forbes Afrique de novembre 2013. Mais le musicien ne se prend pas la « grosse tête ». Il est resté humble, à en juger par son langage.
Il reconnait le travail abattu par ses pairs pour baliser le chemin aux autres générations. « Grâce à Dieu on a eu le grand frère Jean Dikoto Mandengue qui a donné l’amour de la basse au Cameroun à travers le travail qu’il faisait à l’époque. Moi je suis arrivé après lui avec un autre langage, une autre expression.
Les jeunes générations se sont adaptées à ça, et ça a fait tout ce que ça fait de la basse camerounaise aujourd’hui », indique t-il. « Il y a des jeunes dans l’association. Lorsqu’ils jouent de la basse, on croirait que ce sont des fils de Vicky Edimo», note Alexis Prigas. Son association créée en 2013 compte une cinquantaine de membres à Douala. La plupart d’entre eux rêve sans doute de suivre les traces du bassiste gaucher. Qui, lui, a commencé la musique très jeune. Il se familiarise d’abord avec les percussions à l’âge de 9 ans. A 13 ans, il découvre la basse électrique et ne s’arrête plus de la jouer depuis. Il fait ses premières notes au Castel à Douala. Il est alors âgé de 17 ans, habite chez ses parents au quartier Akwa et fait des études financières. En 1973, Vicky Edimo s’envole pour la France.
Petit à petit, il se retrouve de plus en plus demandé dans les orchestres. Il abandonne ainsi ses études pour entrer au conservatoire, puis à l’école normale de musique à Paris.
Vicky Edimo pose ensuite ses valises aux Etats-Unis. En 1979, il est le premier africain francophone à être admis à la erklee School of Music à Boston.
Agé de 62 ans, Vicky Edimo totalise 49 ans de carrière musicale sur la scène internationale. Mais ses fans se plaignent de la difficulté à retrouver ses albums au Cameroun. Le musicien explique que cela est dû au fait qu’il collabore avec des studios qui travaillent plus avec l’Europe et les Amériques, qu’avec l’Afrique. Vicky Edimo a tout de même promis qu’il mettra tout en oeuvre pour que ses disques gagnent en visibilité dans son pays natal. En fin 2013, il se battait déjà afin que « Jambo Africa » soit bien présents dans des discothèques des grandes métropoles du Cameroun.

Mathias Mouendé Ngamo
http://quotidienlejourcm.com
le jour n°1855 du jeudi 22 janvier 2015