Vieillissement de la Martinique et de la Guadeloupe : vers des lendemains qui déchantent !

— Par Jean-Marie Nol, économiste —

 “ Celui dont la pensée ne va pas loin verra ses ennuis de près.”

Confucius

Faudra-t-il qu’une deuxième vague de Covid déferle sur la Martinique et la Guadeloupe pour qu’on comprenne enfin qu’on fait fausse route ? Je parle ici des terrains économique, technologique, social, qui sont amenés à devenir de plus en plus mouvants au fil des années. En cette fin d’année 2020, nous vivons une chose surprenante : une sorte de parenthèse, étrange moment suspendu, avant que la catastrophe ne commence, si on ne fait rien. Une drôle de crise, sanitaire, économique, sociale, et politique menace notre modèle de vie . Car il faut affronter les faits : A la crise sanitaire, économique et sociale, succèdera alors une crise démographique majeure, en particulier en Martinique et Guadeloupe.
Le vieillissement de la population des deux îles est inéluctable. Quel impact aura-t-il sur l’économie de ces pays ?
Les chiffres sont désormais connus : l’INSEE dans sa dernière publication nous apprend que la population de la Martinique et Guadeloupe comptera beaucoup plus de personnes âgées de plus de 60 ans. Cette hausse très sensible, d’environ 80 % en 25 ans, pose en premier lieu des défis liés au financement des systèmes de retraite, et ne sera pas sans conséquences sur l’activité économique de nos pays.
Agir comme si le pire était certain est l’attitude la plus responsable.
L’impact économique du vieillissement de la population concerne de très nombreux secteurs d’activité, qu’il s’agisse par exemple de l’alimentation, de la santé, des transports, du tourisme, mais aussi du marketing ou encore du logement.
À cet égard, les observateurs économiques s’accordent sur le fait que le vieillissement démographique aura autant de conséquences sur la consommation des individus que la mondialisation. Le ralentissement de la croissance totale pourrait donc être beaucoup plus important que ne le suggérerait la seule baisse de la population active.

Quoi qu’il en soit, ces considérations montrent bien que c’est un renversement des priorités de la politique économique de la Martinique et de la Guadeloupe qui devra être opéré avec le vieillissement démographique.

En 2016, en Guadeloupe , les seniors de 60 ans et plus représentent 24 % de la population. Pour la Martinique, c’est 25%. En 2030, ils seraient 40 %. Sous l’effet du vieillissement, la population dépendante continuerait de croître. Les femmes, ayant une espérance de vie plus longue, seraient plus touchées par la dépendance. Face à ce vieillissement, la prise en charge financière et médicale de la dépendance sera un enjeu majeur pour la CTM et la région Guadeloupe . Quel problème cela posera-t-il ?

La population de la Guadeloupe et la Martinique va chuter d’un tiers entre 2020 et 2050. Un déclin démographique qui aura des conséquences sur l’économie de ces pays.

Pour ce qui est de l’impact sur le PIB de la Guadeloupe et la Martinique , à long terme la croissance d’un pays est déterminée par trois facteurs: la croissance de la population active, le progrès technique et l’augmentation du stock de capital. Si la population baisse, cela signifie moins de main d’œuvre pour produire mais aussi moins de demande pour consommer. Et le fait que le PIB puisse diminuer envoie un mauvais signal aux investisseurs et entreprises qui voient un marché en déclin et sont donc moins disposées à investir.
Le vieillissement de la population entraîne de surcroît une augmentation des dépenses de sécurité sociale, de retraite et de santé.
Ainsi, le gouvernement va se retrouver dans une situation très compliquée avec les collectivités d’outre-mer, où il va devoir gérer une hausse des dépenses publiques, alors même que la croissance et donc les rentrées fiscales ralentissent et que les jeunes, qui devront financer la protection sociale, seront moins nombreux.
Si l’on considère que le chômage en Guadeloupe et Martinique était imputable à une croissance insuffisante au regard de l’augmentation antérieure de la population active, il est probable que la baisse de la population active n’entraînera pas celle du chômage du fait de la révolution numérique et l’intelligence artificielle . La charge des cotisations sociales par jeune sera donc plus lourde, ce qui contribuera par ailleurs à plomber la demande.

En conséquence si l’on considère la baisse de la consommation et de l’investissement, cela pourrait être la quadrature du cercle pour les collectivités locales de Martinique et Guadeloupe par ailleurs handicapées à terme du fait d’un nouveau régime d’autonomie sans marge de manœuvre budgétaire et financière . La pression sera très forte sur les finances des collectivités locales et des ménages. Comme les ménages tendent à maintenir des niveaux d’épargne relativement élevés tout au long de leur retraite, ces tendances persisteront à
mesure que la population continuera de vieillir et donc de moins consommer .
Or, c’est à une restructuration profonde de la consommation à laquelle nous assisterons avec le vieillissement de la population et donc des consommateurs.
Un autre phénomène est aussi à expliquer : en vieillissant une personne a tendance à acheter des biens de meilleure qualité et à les garder plus longtemps augmentant ainsi le cycle de renouvellement et en engendrant ensuite une baisse des ventes de certains produits.
On pourrait en déduire que l’évolution démographique aurait, au cours des prochaines années, un effet délétère sur la consommation et se traduirait par une baisse sensible de la demande de logements et de biens d’équipements et une augmentation sensible de l’épargne . Une population plus âgée est moins productive , alors le pays qui vieillit relativement vite , va voir la productivité de l’économie baisser sensiblement avec une forte proportion de gens inemployables avec l’émergence de la quatrième révolution technologique. De fait, on verra aussi dans le même temps augmenter le niveau de la pression fiscale sur un petit nombre de la population à un niveau jamais atteint .
De plus, une ponction sur l’épargne n’est pas à exclure pour rembourser une dette publique prévue d’environ 2800 milliards d’euros soit vraisemblablement 120% du PIB en fin 2020 . Un problème? Non.
Reste une possibilité jusque-là non évoquée: celle d’un possible recours à la souscription forcée d’emprunts d’Etat auprès des contribuables

C’est l’économie du pays dans son ensemble qui va être bouleversée par l’impact du vieillissement.

« A pa lè ou fen pou mété manjé si difé ».(Ce n’est pas au moment où tu as faim que tu fais cuire ton repas)…moralité : . Il faut savoir être prévoyant….

Jean-Marie No,l économiste