Une Histoire de Docteur Sans Blouse ni PhD

L’Économie Transnationale de la Fraude Académique et la Dévaluation du Capital Symbolique en Haïti

— Patrice Kanndèl Edouard (1) —

RÉSUMÉ

Cet article dévoile la mécanique prédatrice de l’économie transnationale des degree mills, ces officines commerciales qui profitent des failles réglementaires — notamment les exemptions religieuses américaines — pour inonder Haïti de diplômes sans aucune valeur scientifique.

Il met en lumière une véritable épidémie de faux doctorats en Haïti et des fraudeurs infiltrés dans le système éducatif haïtien, un trafic de prestige où des titres low-cost achetés en ligne sont importés pour usurper une autorité intellectuelle dans un système déjà vulnérable. Cette contamination massive dévalorise les diplômes authentiques et sape la confiance du public envers ses élites.

Face à cette imposture généralisée, l’article appelle à une réponse urgente : la création d’un registre national public des diplômes, afin de démasquer les usurpateurs et restaurer l’intégrité du système éducatif haïtien.

I. INTRODUCTION

Imaginez une seconde : vous pénétrez dans une salle d’opération. Le chirurgien est là, debout, calme… mais sans blouse, sans masque, sans gant. Il tient à la main un vieux manuel de biologie de NS1, comme s’il venait d’apprendre sur le tas, et pourtant il insiste pour qu’on l’appelle « Docteur ». Pire : il veut absolument vous ouvrir l’abdomen. Votre réaction serait immédiate : une alarme viscérale, un réflexe de fuite, un sprint record vers la sortie la plus proche.

Ce qui est troublant, c’est que dans l’économie contemporaine du savoir, un phénomène rigoureusement analogue se produit chaque jour — et souvent sous nos yeux — mais avec une discrétion qui le rend bien plus dangereux. On s’habitue aux impostures quand elles portent un costume, une cravate… ou un titre universitaire vaguement flatteur.

Il y a des années, j’avais déjà commencé un article sur ce phénomène. Il dormait tranquillement dans un tiroir, comme ces projets qu’on se promet toujours de reprendre « un jour ». Puis, récemment, une soutenance de thèse en Haïti est venue réveiller tout cela — pour réactiver un travail déjà entamé, comme quelqu’un qui secoue un dossier oublié et découvre qu’il n’a jamais été aussi vital. Justement, si la science est en danger, nos vies par conséquent le sont.

Le titre de « docteur », partout dans le monde, est un passeport social. C’est un super-pouvoir de reconnaissance : on l’associe à l’expertise, à la rigueur, à quelqu’un qui a passé des années dans les mines obscures de la connaissance. À l’imaginaire collectif, ce titre fonctionne comme un uniforme. C’est le stéthoscope et le bistouri du monde académique. Vous dites « Docteur », et tout le monde s’aligne.

Mais dès qu’un bien a une forte valeur symbolique, il attire la contrefaçon — comme les sacs Gucci, les Rolex… ou, plus près de notre quotidien haïtien, ces fameuses sneakers hybrides Nike-Louis Vuitton2

2 Les modèles issus des collaborations de Virgil Abloh — notamment les collections Off-White x Nike ou encore les éditions Louis Vuitton qu’il a supervisées comme directeur artistique — se vendaient à l’international à des prix oscillant généralement entre plusieurs centaines et plusieurs milliers de dollars américains, selon les tirages et la rareté. En Haïti, cependant, des versions contrefaites de ces chaussures circulaient massivement sur les marchés informels et dans certaines boutiques non spécialisées. Ces copies étaient proposées à des prix nettement inférieurs, souvent en dessous de 5 000 gourdes, rendant accessibles au grand public des modèles qui, officiellement, étaient hors de portée pour la majorité des consommateurs. qui ont envahi Port-au-Prince, Carrefour et Cap-Haïtien. Leurs porteurs savent qu’elles sont fausses, mais leur succès commercial repose sur une vérité simple : tant que personne ne vérifie l’étiquette, l’illusion effectue le travail. Le marché des faux doctorats fonctionne exactement comme ces sneakers contrefaites : production bon marché, prestige bon marché, illusion VIP.

Ce travail a cependant pris une tournure presque théâtrale, le jour où une affiche annonçant la soutenance de doctorat en traductologie — présentée comme un événement historique : la première thèse en créole haïtien. Ce n’est pas tant le thème qui m’a frappé que la composition du jury. Cette « garde rapprochée du savoir » n’arborait qu’un titre laconique : « Dr. ». Aucun Ph.D., aucun Ed.D., aucune spécialité, aucune affiliation. Rien. Juste « Dr. ».

Avec la suffisance de l’apprenti chercheur moqueur, j’ai crié : « Ça sent les faux diplômes à plein nez. Les vrais docteurs préfèrent écrire PhD, leur domaine, leur programme et leur université. C’est comme les vrais sneakers : ils montrent volontiers la boîte. »

Piqué par un esprit d’entreprise — cette maladie chronique des apprentis chercheurs — je me suis connecté à la soutenance. Puis, pris par curiosité (ou par ennui) j’ai fait ce que tout citoyen dans une démocratie informationnelle devrait faire : vérifier. Chercher les thèses, les parcours, les traces.

Le résultat ? Surprenant. À une exception près, la majorité des membres du jury n’avaient aucune trace d’un véritable parcours doctoral : pas de thèse référencée, pas d’archives universitaires, pas de publication, pas d’institution reconnue. Nous jouons tous, enfants, au docteur avec une fausse blouse ou de faux instruments. Mais très peu d’enfants jouent au PhD. Pas étonnant : le doctorat n’est pas visuel, pas d’uniforme, pas « Instagrammable ». Il est à la légitimité ce que les semelles internes sont aux sneakers : indispensable, invisible, et totalement ignoré des contrefacteurs.

L’ironie est mordante. Nous vivons dans un monde où tout se vérifie en quelques clics. Une thèse ? Google Scholar. Un parcours universitaire ? ORCID, ResearchGate, ProQuest. Une institution ? L’accréditation est publique. Et pourtant, la chaîne logistique internationale de la contrefaçon académique — ce que Pierre Bourdieu aurait appelé une fabrique de « capital symbolique »3

3 ‘’J’appelle capital symbolique n’importe quelle espèce de capital (économique, culturel, scolaire ou social) lorsqu’elle est perçue selon des catégories de perception, des principes de vision et de division, des systèmes de classement, des schèmes classificatoires, des schèmes cognitifs, qui sont, au moins pour une part, le produit de l’incorporation des structures objectives du champ considéré, c-à-d de la structure de la distribution du capital dans le champ considéré’’. (Bourdieu 1994, p.161) (Bourdieu 1994) et auquel j’aurai ajouté l’adjectif frauduleux— fonctionne à plein régime.

L’analyse qui suit montre l’existence d’un véritable marché d’arbitrage du prestige. Comme en économie, où l’on achète à bas prix pour revendre plus cher, certains acquièrent des doctorats low-cost dans des juridictions permissives pour ensuite en tirer une rente symbolique élevée dans des contextes où le prestige académique est rare et où les institutions locales sont fragiles. Ce phénomène n’est pas exclusif à Haïti. Cet article retracera cette économie de l’illusion. Nous commencerons par l’industrie mondiale des degree mills et le cadre légal qui les nourrit. Nous explorerons ensuite la demande haïtienne pour ces titres, puis nous analyserons deux cas emblématiques : Cornerstone Christian University et El Shaddai International Christian University. Enfin, en revenant à la « soutenance fantôme » qui a tout ravivé, nous évaluerons le coût social de cette inflation symbolique et les conditions indispensables pour rétablir la confiance dans la monnaie académique.

Figure 1: Exemple de modèles Louis Vuitton issus de collections haut de gamme, dont les prix officiels atteignent plusieurs centaines à plusieurs milliers de dollars. Ces designs très recherchés ont inspiré une vague massive de copies vendues en Haïti. Source : Louis Vuitton

II. L’INDUSTRIE DES « DEGREE MILLS » : ANATOMIE DU MARCHÉ DES CITRONS ACADÉMIQUES

Pour comprendre ce qui se joue, il faut d’abord descendre dans les coulisses de la fabrique d’illusions elle-même. Les degree mills — littéralement, les « moulins à diplômes » — ne sont ni des universités, ni même des écoles fantômes : ce sont des entreprises commerciales dont le produit n’est pas l’éducation, mais le papier qui prétend en être la preuve. Leur modèle économique est d’une simplicité brutale : vous payez, ils impriment. Des cours oui, mais pas de rigueur, pas de recherche. (Eaton 2023) les définit sans détour comme des organisations qui « vendent des diplômes ou des grades académiques illégitimes en faisant de fausses déclarations sur l’accréditation ou en omettant des informations sur l’autorisation d’opérer. (Eaton 2023)

Leur promesse est une caricature du capitalisme de la commodité : pourquoi perdre trois, quatre, voire sept ans dans un doctorat, alors qu’un formulaire, un virement bancaire — ou mieux, une transaction en cryptomonnaie — vous expédient directement au sommet de l’échelle sociale ? Certains vont même jusqu’à proposer un « mémoire » sur mesure, bricolé à partir du CV du client comme on assemble une penderie chinoise : rapide, approximatif, et garanti sans réflexion théorique.

Leur arme principale est une perversion adroite de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Dans l’univers parallèle des degree mills, la « validation » consiste à créditer l’« expérience de vie » sans le moindre examen (Eaton 2023). Les plus zélés demandent même un texte écrit, mais uniquement pour maintenir l’illusion d’un protocole universitaire — un peu comme un magasin de sneakers contrefaites qui exige votre pointure juste pour faire sérieux.

Le décor serait incomplet sans leur pièce maîtresse : les pseudo-organismes d’accréditation. Ceux-ci sont des hologrammes institutionnels, créés pour valider les diplômes produits par les mêmes entités qui les financent. Une boucle parfaite de crédibilité circulaire mais de malhonnêteté d’une ampleur déconcertante. L’un signe l’autre, l’autre légitime l’un. C’est l’équivalent bureaucratique de la paire de sneakers Nike-Louis Vuitton : tout le monde sait que quelque chose ne tourne pas rond, mais le logo est là, assez visible pour tromper l’œil distrait.

L’économiste prix Nobel George Akerlof, dans son article devenu classique The Market for Lemons (Akerlof 1970), démontre comment un marché se désintègre dès que l’information circule mal. Prenons l’exemple du marché des voitures d’occasion sur Facebook Marketplace : les vendeurs savent pertinemment si leur véhicule roule bien ou si c’est une bogota qui ne tient que grâce à un fil de fer et un peu de douko frais.

Les acheteurs, eux, n’ont aucun moyen de le savoir avant de payer, surtout sans l’aide d’un mécanicien. Par prudence, ils proposent donc toujours des prix bas. Or, ce prix bas suffit seulement pour les voitures maquillées, jamais pour les bonnes occasions. Résultat : les propriétaires de véhicules corrects quittent le marché, et il ne reste que des « lemons44

Le terme anglais “lemons” désigne des voitures de mauvaise qualité, souvent défectueuses ou vendues avec des problèmes mécaniques cachés. L’expression a été popularisée dans la littérature économique, notamment par l’article classique de George Akerlof (1970) sur l’asymétrie d’information, où les “lemons” symbolisent des produits défectueux écoulés sur le marché au détriment des consommateurs. » (des épaves). C’est exactement comme acheter un réfrigérateur « refait à neuf » bò Katedral : si tu ne peux pas distinguer le bon du mauvais, tu finis par payer le prix du mauvais, et les bons produits disparaissent.

Le marché des faux diplômes fonctionne selon la même mécanique, mais la tromperie se déplace à un autre niveau. Ici, l’acheteur du diplôme douteux — qu’il soit « Docteur », « Pasteur-Professeur », « Expert reconnu » ou autre titre exotique — sait très bien ce qu’il achète. Ce n’est pas la connaissance qu’il acquiert, mais le costume de la crédibilité.

Ceux qui se font avoir, ce sont les autres : l’employeur qui suppose une compétence, le patient qui confie sa santé, les parents qui inscrivent leurs enfants dans une école dirigée par un « PhD » sorti de nulle part, ou encore l’université crédible qui engage ce faux docteur. Comme dans le modèle d’Akerlof, le signal — ici le titre académique — devient complètement brouillé. Et comme toujours en Haïti, c’est la société entière qui paie l’addition : une fois que les « citrons académiques » envahissent le marché, même les diplômes sérieux perdent leur valeur, et la confiance collective s’effondre.

Le marketing de ces institutions relève de la psychologie appliquée. Les degree mills vendent du rêve, de l’ascension sociale, de la reconnaissance instantanée. Leur nom est soigneusement choisi : pompeusement « International », pseudo-légitimement « Christian », géographiquement prestigieux comme « London Graduate School » ou « American University of… ». Leurs sites web sont des œuvres de fiction graphique : logos pompeux, photos de campus inexistants, cérémonies de remise de diplômes dignes de catalogues publicitaires et surtout beaucoup de photos générées par Intelligence Artificielle.

Prenons un exemple concret : l’Atlantic International University (AIU), à Hawaï. Dans la réalité, l’institution est largement considérée comme un degree mil. Leur stratagème? Une accréditation auto-référentielle. AIU est « accréditée » par l’Accreditation Commission International (ACI)… un organisme dont AIU est l’un des principaux sponsors. Ses diplômes ne sont reconnus par aucune université sérieuse, ils sont explicitement illégaux à utiliser au Texas, et non reconnus en Oregon. Elle vend même des doctorats honorifiques pour environ 5 000 USD (Peoples Gazette Nigeria 2025).

L’industrie des diplômes ti Joslin n’est pas une constellation de petits escrocs isolés ; c’est une véritable chaîne de valeur mondiale. Le cas de la London Graduate School, associée à la Commonwealth University, ciblait les cadres africains, offrant un « doctorat honorifique » pour environ 4 500 à 5 000 USD en échange d’un séminaire de quelques jours à Dubaï (JOHN 2023).

Derrière cette mécanique se trouve le cœur du modèle économique : l’arbitrage géographique et réglementaire. Le diplôme est « fabriqué » dans des juridictions où l’encadrement institutionnel est aussi flexible qu’un élastique (certains États américains, des paradis offshore), puis exporté vers des zones où la demande de prestige dépasse très largement la capacité de vérification. C’est de l’arbitrage pur : acheter du prestige à bas prix (marché législatif A), le revendre au prix fort (marché social B).

Le Nigeria offre un exemple de réaction énergique. Sa National Universities Commission (NUC) a engagé une véritable croisade institutionnelle. En 2025, elle a identifié 32 établissements frauduleux, dont 10 universités étrangères non accréditées(Peoples Gazette Nigeria 2025). La NUC a rappelé un point essentiel : un diplôme honorifique permet de porter les mentions D.Litt. (h.c.) ou honoris causa, mais il ne confère pas le droit d’utiliser le titre de « Docteur » (Peoples Gazette Nigeria 2025).

À l’extrême opposé, certains États américains affichent une indulgence presque ostentatoire, permettant d’incorporer une « université » avec la même facilité qu’on ouvrirait un stand de pâté chaud, offrant l’infrastructure légale nécessaire pour donner un vernis de légitimité à des entreprises douteuses.

III. L’OASIS LÉGALE : L’EXPLOITATION DES EXEMPTIONS RELIGIEUSES ET LA CONFUSION DES GENRES

Un sous-ensemble florissant des degree mills se niche dans l’espace protégé des institutions religieuses. Ces entités, qui se présentent comme des universités, séminaires ou collèges chrétiens, combinent l’autorité morale de la foi avec l’aura de l’érudition académique. Leur stratégie de légitimation repose sur l’exploitation des Religious Freedom Restoration Acts (RFRA) aux États-Unis. Une institution qui se déclare comme « religieuse » peut arguer que les exigences d’accréditation académique standard constituent une entrave à sa liberté d’exercer son ministère éducatif selon ses convictions (Chelini-Pont 2024).

En pratique, cette exemption crée un « trou noir » légal, transformant un vide juridique en oasis opérationnelle. Leurs diplômes, bien qu’estampillés « USA », n’ont aucune valeur sur le marché académique ou professionnel légitime. Elles le savent et l’admettent souvent dans les petits caractères de leurs sites web. Prenons l’exemple de la Cornerstone Christian University (CCU) de Floride (à ne pas confondre avec la légitime Cornerstone University du Michigan). Dans ses mentions concernant le transfert de crédits, elle précise :

« CCU does not guarantee that its credits will be accepted by other institutions unless they are accredited by similar agencies. While many institutions do accept our students, the transfer of credits is determined by the policies of the receiving institution. We encourage students to inquire with the institutions they wish to transfer to, in advance, to determine the transferability of credits earned at CCU. » (Cornerstone Christian University 2022)

C’est une mise en garde alambiquée mais claire pour qui sait lire : « Nous ne garantissons rien, c’est à vous de vérifier si on vous acceptera ailleurs. » La charge de la preuve est renversée.

Cette industrie prospère également sur une confusion savamment entretenue entre les différents types de doctorats. Il est essentiel de distinguer :

  1. Le Ph.D. (Philosophiae Doctor) : Le doctorat de recherche par excellence. Il exige la rédaction et la défense publique d’une thèse qui apporte une contribution originale et significative à la connaissance. C’est un processus long (4 à 7 ans minimum), exigeant et solitaire (Trident University International, 2025).

  2. Les doctorats professionnels (Ed.D., D.B.A., Dr.P.H., etc.) : Orientés vers la pratique avancée, ils sont légitimes mais ont une finalité différente (Walden University, 2025).

  3. Les doctorats religieux ou ecclésiastiques (Th.D., D.Min.) : Ils sanctionnent une formation avancée en théologie ou en ministère pastoral et n’ont généralement aucune valeur en dehors du cadre confessionnel (Trident University 2025).

Les degree mills se concentrent presque exclusivement sur les catégories professionnelles et religieuses contrefaites. Simuler les exigences d’un Ph.D. légitime est trop complexe et coûteux. Il est beaucoup plus facile de prétendre offrir un « Doctor of Ministry » basé sur « l’expérience de vie » du pasteur, ou un « Ed.D. » validant les « acquis professionnels » d’un administrateur. La frontière entre une VAE légitime et une fraude pure et simple y est plus floue, donc plus facile à exploiter.

IV. LE CAS HAÏTIEN : UN ÉCOSYSTÈME SOUS PRESSION ET LA QUÊTE FRÉNÉTIQUE D’ARMURE SOCIALE

Si l’offre de titres frauduleux est globalisée, la demande est fortement localisée et conditionnée par des dynamiques socio-historiques spécifiques. Haïti représente un « marché » particulièrement réceptif, voire avide, pour ces produits d’illusion. Le système universitaire haïtien est structurellement sous tension. L’institution phare, l’Université d’État d’Haïti (UEH), est chroniquement sous-financée, surchargée et en proie à des crises politiques récurrentes. L’offre de formation doctorale légitime et de qualité y est extrêmement limitée. Seules quatre institutions sont officiellement habilitées par le ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) à délivrer des doctorats nationaux reconnus : l’UEH, l’Université Quisqueya (UNIQ), l’ISTEAH et l’INUFOCAD(L’observatoire Info 2025).

Cette rareté de l’offre légitime crée une pression énorme. Parallèlement, dans une société post-coloniale où le statut social a longtemps été lié à la maîtrise du français et à l’instruction formelle, le capital culturel est une monnaie d’échange essentielle. Le sociologue Pierre Bourdieu a montré comment les élites utilisent les titres scolaires pour se distinguer et légitimer leur domination (Bourdieu 2007). En Haïti, cette logique est poussée à l’extrême. Alors qu’un baccalauréat suffisait autrefois à marquer l’appartenance à l’élite, l’inflation éducative globale a dévalué ce sésame. Le master, puis désormais le doctorat, sont devenus les nouveaux marqueurs indispensables pour asseoir son autorité intellectuelle, politique ou professionnelle. Le titre de « Docteur » n’est plus seulement une qualification ; c’est une armure sociale, un outil de légitimation quasi-magique dans l’arène publique.

Face à la prolifération des titres douteux, l’État haïtien, par le biais du MENFP, a été contraint de réagir fermement. Ses actions illustrent à la fois la gravité du problème et les limites de l’action publique dans un environnement institutionnel fragile.

L’affaire ISSEPJ University (août 2025) : Ce scandale est emblématique des dérives internes. L’Institut Supérieur des Sciences Économiques, Politiques et Juridiques (ISSEPJ) a organisé une cérémonie de remise de doctorats obtenus par simple « Validation des Acquis de l’Expérience Professionnelle » (VAEP). Or, l’article 12 de la réglementation haïtienne interdit explicitement l’accès aux diplômes nationaux de doctorat par la seule validation d’expérience. Le MENFP a immédiatement dénoncé cette pratique comme illégale, a annoncé la non-reconnaissance de ces diplômes et a suspendu toutes les activités académiques et administratives de l’ISSEPJ University. Cette mesure radicale, un « zéro tolérance » selon les termes du Ministère, visait à envoyer un signal fort(Celestin & Lafontant 2025).

La dénonciation des établissements fantômes : Le MENFP a aussi régulièrement publié des listes d’établissements non reconnus, comme la prétendue « Université de la Renaissance d’Haïti (URH-FAFMI) », établie au Cameroun, avertissant le public contre leurs diplômes (HaitiLibre 2025).

L’Université d’État d’Haïti elle-même a dû monter au créneau. Fin 2025, son recteur, Dieuseul Prédelus, a publié une mise au point alarmante, dénonçant « une dérive de notre système d’enseignement supérieur » et avertissant que si les titulaires de doctorats n’ont plus de parcours académique rigoureux, « la réputation des diplômes haïtiens sera irrémédiablement ternie » (Celestin & Lafontant 2025). L’UEH a également dénoncé l’usage frauduleux de la VAE par certaines universités privées pour délivrer des doctorats, une pratique qu’elle a qualifiée d’illégale (Celestin 2025).

Ces actions montrent un régulateur conscient des enjeux et actif. Cependant, elles se heurtent à une réalité têtue : la demande sociale pour le titre est si forte qu’elle outrepasse la peur des sanctions. De plus, la capacité de l’État à poursuivre des entités incorporées à l’étranger (comme la CCU ou El Shaddai) est quasi-nulle.

Du point de vue de l’individu haïtien ambitieux, l’achat d’un faux doctorat peut apparaître comme un calcul économique rationnel, bien que contraire à l’éthique.

Le coût d’acquisition est faible : Quelques milliers de dollars US (2 000 à 6 000 $), et un effort intellectuel minimal comparé à 5-7 ans de recherche. Le bénéfice perçu est élevé : Accès immédiat au titre de « Docteur », avec tous les avantages sociaux qui en découlent : respect automatique, crédibilité accrue dans les médias, avantage compétitif dans la course aux postes politiques (sénateur, député, ministre) ou administratifs de haut niveau, élévation du statut au sein de son propre réseau. Le risque perçu est faible : La probabilité d’être démasqué publiquement est considérée comme minime. La société haïtienne, dans son ensemble, ne dispose pas d’un registre national consultable des diplômés. La vérification demande un effort proactif que peu d’employeurs, médias ou citoyens sont prêts à fournir. C’est une forme de recherche de rente symbolique.

C’est ici qu’intervient l’effet pervers le plus dévastateur, une externalité négative au sens économique pur. Chaque achat individuel d’un faux doctorat, rationnel pour l’acheteur, nuit à l’ensemble de la collectivité. La surabondance de titres non mérités provoque une inflation symbolique. Le titre de « Docteur », autrefois rare et prestigieux, se banalise. Les véritables docteurs, qui ont sacrifié des années de leur vie à un travail exigeant, se retrouvent noyés dans une mer de contrefaçons. Leur capital symbolique est dilué, volé. Le recteur Prédelus de l’UEH l’a exprimé avec force : si ces pratiques se généralisent, « ce serait la fin du diplôme haïtien » (HaitiLibre 2025). C’est une tragédie des communs académiques : la course individuelle à un bien symbolique (le titre) finit par détruire la valeur de ce bien pour tous.

V. ANATOMIES DE LA FRAUDE INSTITUTIONNALISÉE ET LA SOUTENANCE FANTÔME

Pour passer de la théorie à la pratique, disséquons les mécanismes concrets de deux opérateurs clés, actifs sur le marché haïtien qui ne font pas parties des universités accréditées par l’État : la Cornerstone Christian University (CCU) et le réseau El Shaddai. Leurs stratégies, bien que similaires dans l’intention, présentent des nuances instructives.

La stratégie de la CCU repose sur deux piliers : l’exploitation d’une homonymie trompeuse et le ciblage de figures politiques en quête de légitimité.

Il existe une institution légitime et respectée nommée Cornerstone University (CU), basée à Grand Rapids, Michigan (Cornerstone University 2025). La Cornerstone Christian University (CCU) de Floride, opérant en Haïti a ouvert un « campus » à Clercine (pourtant L’université déclare elle-même être entièrement en ligne) en 2014, a choisi un nom extrêmement similaire. Il est peu probable que cette homonymie soit un hasard. Elle est créée pour créer de la confusion, pour que le prestige et la crédibilité de la vraie CU rejaillissent par capillarité sémantique sur la fausse. C’est une arnaque par contamination de marque.

La CCU délivre des doctorats professionnels (comme le Doctor of Ministry) et des honoris causa. En 2021, elle a décerné un doctorat honoris causa au leader politique haïtien Jean-Charles Moïse, saluant son « charisme politique exceptionnel » (Rezo Nòdwès 2021). Ce cas est une étude parfaite de la dynamique de la demande. Moïse Jean-Charles a pompeusement ajouté le titre de « Dr » sur X (Anciennement Twitter) avant d’opter pour le « Dr HC ». Ce détail est fondamental. Il révèle que le titre honorifique est venu légitimer a posteriori une usurpation sociale préexistante.

En décernant un doctorat honoris causa à Jean-Charles Moïse, elle n’a pas seulement validé un homme ; elle s’est offert une publicité grasse et a positionné l’institution comme un faiseur de rois, un dispensateur de légitimité pour la classe politique, attirant d’autres clients ambitieux.

Si la CCU joue sur un nom, El Shaddai joue sur la complexité. Son modèle est celui de l’accumulation baroque d’accréditations fantômes pour créer un écran de fumée institutionnelle.

EICU aligne une liste d’accréditations provenant du Delaware (QAHE), de Zambie (Cornerstone Forum), et d’autres organismes obscurs. Cette stratégie vise à submerger l’observateur. À première vue, la liste semble impressionnante et internationale. En réalité, aucune de ces entités n’est reconnue par le USDE, le CHEA ou une autorité académique nationale légitime. Le QAHE au Delaware est un exemple classique d’organisme factice exploitant la souplesse réglementaire de cet État. Le « Cornerstone Forum » en Zambie exploite aussi délibérément l’homonymie avec la véritable Cornerstone University pour semer la confusion. Ces organismes s’accréditent mutuellement dans une boucle fermée, sans contrôle externe. C’est un système de vases communicant de la crédibilité frauduleuse.

Le discours d’El Shaddai est également révélateur de son statut marginal. Contrairement à ce que prétend son vice-recteur aux affaires académiques — un « docteur » qui, selon son profil LinkedIn, aurait obtenu en deux ans un doctorat en leadership transformationnel de la même institution — l’université reconnaît elle-même les limites de ses diplômes. Elle le précise explicitement dans la section « Accreditation » de son propre site :

« All El Shaddai International Christian University degrees are of an ecclesiastical nature, and whether granted or conferred, are in the restricted area of ministry “For the perfecting of the saints, for the work of the ministry, for the edifying of the body of Christ.” (Ephesians 4:12); and are not designed to be used in secular academic circles. The degree programs of this Seminary are designed solely for religious vocations. » (El Shaddai International Christian College 2025)

En clair : nos diplômes sont pour l’Église, pas pour le marché du travail séculier ou pour les universités. Pourtant, cette mise en garde est souvent ignorée par les titulaires qui utilisent ces titres (ThD, EdD) pour se faire passer pour des docteurs dans la sphère publique, politique ou académique séculière.

Le réseau El Shaddai reproduit le schéma observé avec la CCU. Il prévoit de décerner un doctorat honoris causa à Josué Mérilien le 28 décembre 2025, une autre figure publique haïtienne controversée, perpétuant ainsi le cycle de légitimation factice des élites. Cette pratique montre que le modèle est systémique et reproductible : identifier une personnalité en quête de prestige, lui offrir un titre honorifique (parfois contre une contribution financière ou un soutien politique), et ainsi étendre le réseau d’influence et de crédibilité de l’institution douteuse.

Le détail le plus révélateur sur El Shaddai est qu’elle cherche activement, selon ses propres documents, une affiliation avec des universités publiques établies, comme la University of Botswana (UB) et la Zimbabwe Open University (ZOU). Cela démontre que toute leur stratégie d’accréditations factices est un édifice de cartes qui a besoin, en dernier ressort, de s’adosser à un mur de pierre légitime pour perdurer. Ces deux cas montrent que la fraude académique de haut vol est une entreprise sophistiquée, qui requiert une compréhension fine du droit, du marketing, de la psychologie sociale et des failles des systèmes éducatifs nationaux.

VI. UNE SOUTENANCE FANTÔME : AUTOPSIE D’UNE ILLUSION COLLECTIVE

Revenons maintenant à cette soutenance de thèse. L’événement, organisé par la Cornerstone Christian University (CCU) en Haïti, était présenté comme la défense de « la première thèse en créole haïtien ». L’événement a effectivement attiré un parterre de personnalités respectables : anciens ministres de l’éducation, linguistes chevronnés, présidents de l’Académie du créole haïtien.

Pourtant, l’examen du jury révèle le cœur du problème. C’était un microcosme parfait du marché de l’illusion :

  • Wilguenson Madigand (Directeur de thèse) : se présente comme un expert en éducation, son parcours doctoral public est introuvable et une étude en philosophie. Il est professeur à la fois à la CCU et à El Shaddai International Christian University, incarnant le lien entre ces deux réseaux d’illégitimité.

  • Dr Saint Yves Romelus (Président du jury) : Affiche sur ces trois comptes X (Twitter) un « PhD en Économie et Leadership », est Directeur de Recherche à la CCU et leader national d’une mission religieuse. Un mélange typique de titre professionnel douteux, d’affiliation à une institution non accréditée et d’autorité religieuse.

  • Dr Tardieu Ridoré : La figure de proue de l’accumulation. Il arbore les titres ThD, EdD, PhD. Cette accumulation de doctorats (souvent dans des domaines proches) est la signature des degree mills. C’est une tentative de compenser par la quantité ce qui manque en qualité vérifiable.

  • Dr Jean Claude Désir et Dr Marie Yanithe Germain : Aucune trace publique d’un parcours doctoral rigoureux n’a pu être trouvée.

Dans ce monde parallèle, on ne se contente pas d’être « Docteur ». Le titre devient un préfixe à agrémenter. Sur Facebook, on devient « Professeur-Docteur », « Révérend-Docteur », voire « Chancelier-Docteur ». Ces titres sont exhibés comme des trophées de chasse, une accumulation burlesque censée masquer le vide académique par le poids des syllabes et l’autorité des institutions auto-proclamées.

Le comble de l’indignité ne réside pas seulement dans la médiocrité apparente des jurés sans vrai titres, mais dans le profil même du candidat. Il s’avère que cet « impétrant », plagiaire patenté et récidiviste de l’imposture, brandissait déjà un Master délivré par cette même officine douteuse qu’est le CCU. Plus gravissime encore : cet individu siègerait comme professeur à l’Université d’État d’Haïti (UEH). Si cette information se confirme, elle constitue une insulte suprême à l’intelligence nationale. Qu’un enseignant de la plus haute institution publique du pays ose valider son Master et son doctorat dans une boutique à diplômes non reconnue par l’État est une violation abjecte de l’éthique et des statuts de l’UEH. En vertu des exigences de qualification du Décret de 2020 sur l’enseignement supérieur, cet individu est en situation d’illégalité totale. Il ne s’agit pas d’une simple erreur de parcours, mais d’une faute lourde, des décisions assumées, qui disqualifie moralement et techniquement quiconque prétend former la jeunesse haïtienne.

Figure 2: Sur sa propre page Facebook, Cornerstone Christian University fait ouvertement la promotion de programmes doctoraux « sans thèse ni dissertation », qu’elle propose de remplacer par un simple « projet basé sur l’expérience ». Source : Facebook, compte officiel de Cornerstone Christian University.

Le simple fait que CCU mette en avant sur Facebook un slogan du type « Most people don’t like to do a thesis or dissertation. At CCU, you can bypass this process and do a doctoral project based on experience instead » montre bien son véritable argument marketing : attirer ceux qui veulent un doctorat sans effort, révélant du même coup à quel point l’institution abdique toute exigence académique. Face à cette gangrène institutionnelle, la demi-mesure n’est plus permise. La présence de tels fraudeurs au sein de l’UEH prouve que la contamination a atteint le cœur même du système censé garantir la rigueur scientifique. Il ne suffit plus de suspendre ; il faut trancher. Conformément à la Circulaire de 2025 qui ordonne la fermeture des entités illégales, nous exigeons l’application stricte de la « Tolérance Zéro ».

  1. Fermeture définitive des usines à diplômes telles que le CCU et l’EICU, tout comme l’ISSEPJ et l’URH-FAFMI.

  2. Invalidation rétroactive de tous les titres délivrés par ces structures fantômes.

  3. Et surtout, la démission immédiate ou la révocation d’office de tous les « faux docteurs » infiltrés dans les universités légales.

L’ironie finale est cinglante. Parmi ce jury de « Docteurs-Révérends-Chanceliers », un seul membre présentait un pedigree académique vérifiable et légitime. La soutenance, organisée par une entité (la CCU) dont les activités en Haïti ne sont pas reconnues par le MENFP, rend le diplôme décerné ce jour-là juridiquement nul. Le verdict est donc sans appel : malgré les discours, les apparats et les invités de marque, Haïti devra encore attendre pour célébrer sa première thèse de doctorat officiellement reconnue en créole haïtien. La quête légitime d’une affirmation linguistique et culturelle a été détournée au service d’un marché de la vanité.

VII. CONCLUSION

L’histoire des « docteurs sans PhD » est bien plus qu’un recueil d’anecdotes sur la vanité humaine. C’est l’étude d’un marché économique transnational parfaitement fonctionnel, bien que frauduleux. Un marché d’arbitrage de prestige où des entrepreneurs de l’ombre exploitent les différences entre les réglementations laxistes de certains pays du Nord et la demande fébrile de distinction sociale dans certains pays du Sud.

Les conséquences vont bien au-delà de l’individu qui triche. Elles sont systémiques et corrosives :

  • Dévaluation du capital symbolique collectif : L’inflation des titres frauduleux vole leur valeur aux titres légitimes, appauvrissant l’ensemble de la communauté académique et professionnelle.

  • Érosion de la confiance institutionnelle : Quand un « docteur » peut être un imposteur, la confiance du public envers l’expertise, la science et les élites dirigeantes s’effrite. Cela nourrit le populisme et le rejet des savoirs établis.

  • Perversion de la méritocratie : Le marché de la fraude court-circuite les mécanismes méritocratiques. Il récompense non pas le travail et le talent, mais la capacité à payer pour une illusion et à mentir avec aplomb.

  • Risques concrets pour la sécurité et le développement : L’incompétence titrée dans des postes critiques (ingénierie, santé publique, élaboration des politiques gouvernementales) peut entraîner des conséquences tangibles.

  • Que faire face à cette économie de l’illusion ? Les solutions sont complexes et doivent être multilatérales :

  • Pour les pays « fournisseurs » comme les États-Unis : Renforcer la régulation au niveau fédéral contre les degree mills, même celles qui se cachent derrière des exemptions religieuses. Clarifier et limiter l’usage du terme « université » dans l’incorporation des entreprises. Coopérer avec les autorités étrangères pour partager des listes d’établissements frauduleux.

  • Pour les pays « consommateurs » comme Haïti : Continuer et renforcer le travail du MENFP. Créer et maintenir un registre national public et consultable en ligne de tous les diplômes reconnus, avec le nom du titulaire, l’institution et le sujet de thèse pour les doctorats. Appliquer des sanctions administratives (radiation des ordres professionnels, non-reconnaissance pour les postes publics) et, le cas échéant, pénales contre les usagers de faux titres.

  • Pour la communauté internationale : Renforcer les réseaux de reconnaissance des diplômes comme ENIC-NARIC. Les accords de reconnaissance mutuelle doivent inclure des clauses de vigilance contre la fraude.

En fin de compte, la solution la plus profonde est culturelle. Il s’agit de réhabiliter la valeur du travail intellectuel authentique. Une société doit apprendre à valoriser non pas l’étiquette « Docteur », mais la compétence, l’intégrité et la contribution réelle qu’elle est censée représenter. Elle doit distinguer le chirurgien en blouse, compétent et formé, de l’imposteur en tenue de ville. La véritable distinction, à l’ère de l’information, ne viendra plus de la capacité à afficher un titre, mais de la capacité à démontrer, preuves à l’appui, que l’on mérite de le porter.

VIII. RÉFÉRENCES

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