« Une éducation au développement durable pose la question du choix que nous avons à faire d’une école pour le XXIe siècle »

— Collectif —

Plus de cinquante spécialistes des questions environnementales, parmi lesquels Samuel Cazenave, Jean Jouzel, Valérie Masson-Delmotte, Serge Tisseron ou Ophélie Gaillard, expliquent, dans une tribune au « Monde », qu’il faut réviser les attributions du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, qui ne font aucune mention à l’éducation à la transition écologique.

Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé, le 16 avril, à Marseille que son quinquennat « sera écologique ou ne sera pas », en affichant le projet de « faire de la France une grande nation écologique », nous, citoyennes et citoyens engagés pour l’atteinte des Objectifs du développement durable (ODD) [adoptés en 2015 par les Nations unies], souscrivons à ce projet et souhaitons singulièrement appeler l’attention du chef de l’Etat sur l’outil éducatif.

La « nation écologique » a pour préalables indispensables une nation-école et une école écologique.

Ce qui suit est l’objet d’une première démarche collective de réflexion d’acteurs de l’éducation au développement durable et à la transition écologique. Et nous connaissons l’intérêt d’Emmanuel Macron pour l’école, qui vient d’en donner un nouveau témoignage en Sorbonne devant les recteurs, peu avant la rentrée scolaire [le 25 août].

Nous sommes convaincus de la nécessité de considérer l’enseignement aux défis sans précédent lancés au genre humain comme une véritable priorité au sein des administrations publiques qui transmettent des savoirs, dans l’enseignement secondaire comme supérieur et professionnel, au titre de la formation initiale et continue.

Obéissant à une logique de transversalité des connaissances et de continuité pédagogique, les éducations aux processus de la nature, au vivant et à un développement désirable, dont la base est d’abord scientifique, apportent des méthodes de pensée, des choix de valeurs et portent des facteurs de confiance et de bien-être, notamment par des éléments de réponse dont chacun a besoin pour cheminer librement dans toutes les dimensions de sa vie, personnelle, familiale, professionnelle, citoyenne, militante…

Elles suscitent, pour les plus jeunes, la curiosité et l’envie d’apprendre en touchant à la complexité des interactions au sein de la nature et du vivant, ainsi qu’aux ressources qu’offre l’inventivité technique.

De multiples problématiques doivent être étudiées au cours du parcours scolaire sous différents angles, adaptés à la capacité de compréhension des élèves. C’est aussi un facteur de motivation des enseignants, qu’on peine à recruter, à former et à motiver, à partir du moment où leur liberté d’innovation est garantie et accompagnée.

Les entrées ne manquent pas : quelle est la singularité des défis de notre temps, sa nature, son intensité, sa variabilité et ses conséquences possibles ? Que nous en dit la science ? Qu’est-ce que la biodiversité ? En quoi son érosion est-elle préoccupante ? Quels sont les liens entre climat et biodiversité ? Que signifie le terme « limites planétaires » ? Quels sont les outils d’évaluation des risques, quels paramètres et quelles ressources pour concevoir quelles solutions de vie individuelle et collective ?

Que signifie le concept de résilience ? Quelles sont les conceptions du bien-être individuel et collectif et quelles en sont leurs traductions ? Quel est le contenu de la notion « One Health » et que signifie-t-elle dans la relation entre les êtres vivants, leur identité, les conditions de la bonne santé et de la bonne alimentation ? Quelles conséquences sur l’organisation des sociétés et des pays ? Quelles évolutions possibles de l’exercice de la citoyenneté et des principes du respect que l’étude de la complexité éclaire ?

Le compte n’y est pas

Etre capable de répondre à ces questions, c’est disposer des savoirs fondamentaux pour agir positivement et heureusement au sein du système planétaire. En vue d’une transition écologique juste, une éducation au développement durable (EDD) – terme consacré, même si, à certains égards, il demeure flou et parfois controversé – est le socle nécessaire à ces évolutions, liant savoirs académiques et apprentissages par l’expérience sensible et l’action collective.

A ce jour, le compte n’y est pas, tout spécialement pour ce qui concerne le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. Où trouve-t-on dans la scolarité le temps des symbioses académiques, du projet collectif ? Quels liens administratifs et organiques entre enseignement moral et civique, éducation artistique et culturelle au développement durable ? Quels moyens complémentaires pour les chefs de mission académiques et les référents d’établissements, tous presque bénévoles ? Quelle ambition pour le développement professionnel des personnels, du local au national ? Quels moyens de diffusion réelle auprès des établissements ? Quelles méthodes pour associer universalité des savoirs et diversité des réalités territoriales ? Quelles coordinations des partenaires du climat, de la biodiversité, des sujets d’intégrité et d’intimité – discriminations, violences, harcèlement, sexualité, égalité filles-garçons et genre ?…

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Liste complète des signataires : https://www.anthropoceneacademy.fr/