Un monde culturel déterminé et agissant

Emmanuel Demarcy-Mota : Stimuler la pulsion de vie et donner de l’espoir

Emmanuel Demarcy-Mota et la troupe du Théâtre de la Ville sont restés très actifs pendant ces dernières semaines, et comptent bien le rester dans les mois à venir. Voici quelques extraits de La Tribune publiée le 15 mai 2020, dans « Scenweb, l’actualité du spectacle vivant ».

« Tenir parole »

La santé a été notre priorité absolue ces derniers mois. La culture est notre priorité absolue au moment de la sortie du confinement.

Notre pays, certes affaibli, mais modifié profondément, a un désir fort de reconstruction vers un monde différent où la pensée solidaire est au coeur du débat. Pour que notre société puisse reprendre corps, nous voulons proposer un nouveau modèle qui puisse réunir les arts, les sciences et l’éducation avec comme pierre de voûte, l’union entre la santé et la culture. Nous avons souhaité réunir un ensemble d’alliés venus de la santé, de la justice, de l’éducation et des arts, pour créer un nouvel espace de dialogue et coordonner de nouvelles actions.

Ensemble nous fondons « Tenir Parole », une nouvelle alliance d’acteurs venus de champs différents et dont la volonté commune est de stimuler et d’impulser un nouvel imaginaire. Travailler à l’émergence de nouvelles formes de solidarité en s’appuyant sur notre capacité à penser ensemble. Travailler contre les frontières, qu’elles soient physiques ou mentales, entre les disciplines et entre les êtres. Créer une proximité et une amitié pour traverser ensemble cette période inédite de l’histoire. « Tenir parole » est une manière de rendre le pouvoir à l’imagination, d’incarner une convergence des visions, de stimuler la pulsion de vie et de donner espoir. Plutôt que de nous laisser imposer un présent incertain, nous souhaitons inventer des lendemains désirables. Ainsi, au terme de cette tempête, si nous avons « Tenu parole”, aurons-nous appris, réfléchi, échangé et créé (…)

« La Troupe de l’Imaginaire »

Créée pendant la période de confinement et engagée dans les « Consultations poétiques et scientifiques », cette troupe réunit à ce stade plus de 50 personnes venues d’horizons différents : des acteurs de la troupe du Théâtre de la Ville, rejoints par de jeunes acteurs italiens, sénégalais, égyptiens, camerounais, centre-africains, congolais, taïwanais et français, ainsi que par des scientifiques associés : Carine Karachi, neurochirurgienne ; Hayat Belait, neurochirurgienne; David Grabli, professeur de neurologie; Marie-Christine Maurel, biologiste; Georges Chapouthier, biologiste et philosophe; Kamil Fadel, physicien ; Denis Laming, architecte et Jean Audouze, astrophysicien.

Ensemble, nous avons développé, pour agir dès le début du confinement, inventer d’autres manières de faire, garder un lien avec la population et lutter contre l’isolement des personnes, « les Consultations poétiques et scientifiques par téléphone », qui ont déjà touché près de 5000 personnes dans toute la France et au-delà. Les consultations se font en 15 langues : sept langues européennes (français, grec, anglais, espagnol, portugais, italien, allemand), en six langues parlées sur le continent africain (wolof, beti, lingala, sango, congo et pidgin) et aussi en langue arabe, et en mandarin (…)

À ciel ouvert, des propositions artistiques à partir du mois de juin

La culture va maintenant soutenir les soignants, les soignés, les confinés. Ce sera le moment d’expérimenter, tester, inventer. Nous allons nous associer avec des médecins de l’Hôpital de la Salpêtrière, le Rectorat et la Ville de Paris pour initier des premières expérimentations, des propositions artistiques en plein air et dans différents espaces de la ville. Des spectacles, des lectures, des concerts, des témoignages de soignants, des actions en direction des malades, des projections et des installations d’arts plastiques seront proposés dans des lieux inattendus : des jardins des Champs-Élysées à ceux de la Salpêtrière en passant par les parcs, les Ehpads, les écoles et les cours de lycées.

Ces propositions devront s’adresser à l’ensemble de la population et s’inscrire dans la continuité de nos actions d’éducation artistique et de notre engagement pour réinventer une nouvelle place pour les arts à l’école.

« La troupe de l’imaginaire », avec l’ensemble des 50 acteurs, scientifiques, danseurs, musiciens qui la constituent, sera pleinement mobilisée dès la fin du mois de mai et durant tout l’été.(…) 

Une saison 2020 / 2021 solidaire et réinventée

Aujourd’hui, il nous faut déconstruire nos saisons pour les reconstruire autrement, en imaginant plusieurs scénarios. Ensemble, nous sommes prêts à adapter, à réinventer, à bousculer nos différentes propositions pour amplifier les temps de solidarité avec les artistes, le milieu de la santé, l’éducation et la justice et aussi nos partenaires et amis européens et africains (…)

Quel que soit le scénario, rien ne sera, rien ne pourra être comme avant. Alors pourquoi ne pas transformer ces obstacles en nouveau défi ? Après des mois de confinement strict, il nous faudra repousser les murs, étancher notre soif de création, de corps et de mouvements, de rencontres avec la population. Nous mobiliserons les artistes et les autres disciplines pour inventer des propositions novatrices qui s’appuieront sur notre capacité à imaginer ensemble. Nous irons la saison prochaine dans les hôpitaux, les écoles, les lycées, les parcs et les jardins, les stades s’il le faut.

Dans les théâtres, nous inventerons des subterfuges inouïs, des parcours adaptés et de vraies propositions artistiques : de la danse, de la musique, du théâtre qui feront des restrictions sanitaires le cahier des charges d’un nouvel imaginaire, et nous trouverons les voies d’une viabilité économique. Si le virus a terrassé nombre de nos concitoyens, nous reprendrons l’avantage sur les terrains de l’imaginaire et de la pensée, du partage et de la solidarité.

Le temps d’après

Si nous sommes collectivement parvenus à inventer de nouveaux espaces et de nouvelles formes, à expérimenter de nouvelles manières d’être et de faire, à faire dialoguer ensemble les arts, les sciences et différents domaines de la pensée et de l’économie, nous aurons tenté de poser de nouvelles bases pour l’avenir.

C’est le moment de considérer que cette épidémie est aussi un facteur d’accélération de nos choix et de nos engagements. Aujourd’hui, il nous faut imaginer le temps d’après qui sera fait d’une nouvelle pensée sur une planète durable et solidaire. Aujourd’hui, il nous faut Tenir parole.

Nous tenons à remercier tous ceux qui se sont engagés à nos côtés et ceux qui s’engageront à l’avenir.

Emmanuel Demarcy-Mota

La totalité de La Tribune : https://sceneweb.fr/tribune-emmanuel-demarcy-mota-tenir-parole/

Pour en savoir plus sur les créations et actions entreprises et prévues : https://www.theatredelaville-paris.com/fr