Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l’invisible.

→ 5 avril – 17 juillet 2022 – Musée du Quai Branly

Cette exposition présente l’art des chefferies établies sur les hauts plateaux des Grassfields, une région située à l’ouest du Cameroun.

Portée par l’association la Route des Chefferies, l’exposition aborde la culture des communautés et la préservation d’un patrimoine unique, historique et vivant.

Architecture monumentale, forge, perlage, sculpture sur bois, production textile et danses traditionnelles constituent un patrimoine précieusement conservé par les chefs traditionnels. Personnages quasi-divins, les chefs sont garants de la tradition et du lien entre le monde des ancêtres et celui des vivants.

L’exposition réunit ainsi plus de 270 œuvres dont la majeure partie sont conservées par les chefs et des lignages familiaux. Cette exposition s’inscrit dans un processus de sauvegarde et de valorisation du patrimoine culturel camerounais, ainsi que dans une démarche de collaboration entre le musée du quai Branly –
Jacques Chirac et l’association la Route des Chefferies.

La Route des Chefferies est un programme de développement culturel et touristique camerounais visant à amener les populations à se réapproprier leur patrimoine tout en contribuant à leur développement économique et social.

Le programme repose sur une charte fondatrice signée en 2006 par une cinquantaine de chefs traditionnels de l’Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun.

Commissaire général
Sylvain Djache Nzefa, architecte urbaniste, fondateur et coordonnateur général de la Route des Chefferies
Commissaires associées
Cindy Olohou, historienne de l’art, fondatrice de Wasanii Ya Leo
Dr Rachel Mariembe, enseignante chercheur à l’Institut des beaux-arts de l’Université de Douala à Nkongsamba, chef de Département (PI) de Patrimoine
et Muséologie

Rendez-vous au salon de lecture JK
Étoffes des cours royales et sociétés secrètes du Cameroun le 07/04/22 à 18h30
La bande dessinée au Cameroun, une introduction : le 24/04/22 à 15h
Autour du roman « Les Aquatiques » le 16/06/22 à 18h30

4 cles pour comprendre l’exposition
Une 1 architecture symbolique…

L’architecture des chefferies donne à voir une multitude de variations autour d’un même modèle d’organisation. Un axe central, appelé « axe de la vie »,
traverse la chefferie et relie la porte d’entrée au palais, autour duquel gravitent les résidences et les cases des sociétés secrètes. Derrière le palais, se trouve la forêt sacrée où seuls les initiés ont le droit d’entrer.
Les neufs toits coniques [de la porte d’entrée] symbolisent le Conseil des neuf, qui est un conseil de notables, politique, religieux et administratif.
Sylvain Djache Nzefa, commissaire général

…reflet d’une conception du monde

L’architecture des chefferies reflète la cosmogonie des peuples des Grassfields. L’axe de la vie est l’endroit où se rejoignent les forces vitales : les ancêtres, les humains et les totems liés au monde animal. Ces différentes forces constituent l’équilibre de la société.
Lorsque vous êtes devant cette entrée, un dialogue s’installe entre vous et la forêt, la nature, là où il y a les ancêtres.
Ce rapport entre les vivants et les ancêtres se matérialise dans l’espace.
Sylvain Djache Nzefa

2 Un patrimoine vivant…

Les chefs sont les garants du patrimoine traditionnel, qui appartient à la communauté. La majeure partie des objets de l’exposition ont été prêtés par
des chefferies où ils sont encore en usage dans des contextes cérémoniels.
Ces objets sont associés à un riche patrimoine immatériel. Il faut imaginer les masques portés avec des costumes, accompagnés de danses et de musiques
sacrées. Ce patrimoine est le témoin du lien des peuples des Grassfields avec les ancêtres et la nature, et du rôle central du chef et des sociétés secrètes.
Les objets sont encore considérés comme « vivants ». Ils peuvent quitter temporairement les musées communautaires lors d’événements et être utilisés par les chefs, les sociétés secrètes ou les communautés.
Sylvain Djache Nzefa

…pour penser le musée autrement

La dimension vivante du patrimoine des Grassfields amène à s’émanciper du modèle du musée occidental pour prendre en compte les croyances
et intégrer le rapport des communautés à ces objets.
Le programme Route des Chefferies a permis la création de musées communautaires gérés par les chefferies : les cases patrimoniales. Ces musées sont
imaginés autour d’une thématique propre à chaque chefferie. Les objets y sont rarement présentés dans des vitrines et demeurent en mouvement.
Les objets naviguent entre l’espace des cases patrimoniales et leur utilisation traditionnelle. Le rapport au patrimoine est totalement différent.
Cindy Olohou, commissaire associée

3 Des Objets chargés…

Certains objets sont chargés, c’est-à-dire qu’ils ont un pouvoir magique, rituel et spirituel important pour les communautés, comme ce totem
éléphant.
Ce totem éléphant ne sort qu’à des occasions très rares au sein de la chefferie Bafou, pour les funérailles des chefs ou des membres extrêmement importants
de la société secrète du masque éléphant.
Il a un gardien qui le surveille 24/24h et, même nous, les commissaires de l’exposition, n’avons pas pu toucher l’objet, ni le démonter, ni l’installer.
Tout cela a été fait par les notables qui en ont la garde.
Cindy Olohou

…aux secrets bien gardés

Nous avons voulu montrer dans cette exposition, tout ce qui est visible, sachant qu’on navigue toujours avec l’invisible.
Sylvain Djache Nzefa
Les objets présentés dans l’exposition sont la part visible des processus à l’oeuvre au sein des chefferies, souvent associée à une part invisible qui demeure
cachée pour les non-initiés.
Ainsi, les trônes des chefs et des reines ou les costumes des sociétés secrètes sont visibles par tous lors des cérémonies publiques qui se déroulent dans la
chefferie. Mais les pratiques rituelles et la signification des symboles sont gardées secrètes par les initiés.

4 De la collaboration avec les communautés…

La Route des Chefferies a coordonné les échanges avec les chefferies impliquées dans le projet d’exposition. Le programme Route des Chefferies
intègre les chefs et les communautés dans les processus de décision, et forme les populations aux techniques de conservation, de gestion de lieux
culturels, afin d’assurer la durabilité du patrimoine.
Sylvain Djache Nzefa

Nous avons strictement respecté le choix des sociétés secrètes sur ce qu’on avait le droit ou non de montrer.
Tout au long du projet, nous avons travaillé avec elles pour trouver l’équilibre entre ce qui est secret et ce qu’on peut divulguer.
Cindy Olohou

…à la réinterprétation par les artistes

Dans un dialogue entre tradition et modernité, les artistes camerounais réinventent aujourd’hui l’héritage culturel des chefferies. C’est le cas d’Hervé
Youmbi qui a travaillé en lien étroit avec la société secrète du Kun’gang pour réaliser le Masque du gorille bamiléké-kwele présenté dans l’exposition.
La particularité des masques d’Hervé Youmbi, c’est qu’ils sont actifs en contexte cérémoniel, mais ce sont aussi des oeuvres d’art contemporain à part entière.
C’est un masque qui a été présenté dans un centre d’art à Strasbourg et qui est aussi utilisé en cérémonies du Kun’gang et appartient à un notable initié.
Cindy Olohou