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« Comme tu me veux » : la version de Stéphane Braunschweig

Portrait d’une femme à la recherche d’elle-même et de sa vérité

–– par Janine Bailly ––

Nous guider ou nous perdre dans le labyrinthe des identités multiples, telle est la mission que Stéphane Braunschweig dit attribuer à ses acteurs lorsqu’il monte à l’Odéon, en janvier 2021, la pièce de Luigi Pirandello, Comme tu me veux, dans sa propre traduction. Un compagnonnage fidèle entre le dramaturge et le metteur en scène, puisque ce dernier a déjà donné au théâtre Vêtir ceux qui sont nus, Six personnages en quête d’auteur et Les Géants de la montagne. Comme tu me veux fait escale au Théâtre National de Bretagne, en ce mois de février 2023, et c’est un bien que les spectacles sortent de leur pré carré parisien et voyagent jusque dans nos “provinces”…

Nous perdre, la comédienne Chloé Réjon, qui incarne l’Inconnue, – jamais explicitement nommée, mais à qui seront attribués dans l’histoire deux prénoms différents –, figure centrale, omniprésente sur scène, toute en mouvements, errements et émotions diverses, s’y attache et y parvient sans peine. Quand se clôt la représentation, nul ne saurait affirmer avec certitude qui est cette Femme, le spectateur pas davantage que ses compagnons de jeu.

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 Au TNB, « Ranger », de Pascal Rambert pour Jacques Weber

« Ranger » après « Perdre son sac »,  deuxième partie d’un diptyque sur la vie

–– par Janine Bailly ––

Aux antipodes de Perdre son sac, Pascal Rambert écrit, pour Jacques Weber, un monologue qu’il nomme Ranger, comme ranger ses papiers, trier le bon grain de l’ivraie, dresser un bilan avant de clore le chapitre de la vie. Aux antipodes, car une jeune femme est à l’aurore de sa vie d’adulte, un homme déjà blanchi sous le harnais s’achemine vers la mort ; bâche bleue pour elle en guise de décor, espace ouvert donc, pour lui un plateau transformé en un lieu qui, par son dépouillement, ses lignes géométriques, ses couleurs blanches, ses quelques meubles fonctionnels et ses néons aveuglants, m’évoquera davantage un lieu clinique qu’une chambre d’hôtel, lieu fermé au point que le « quatrième mur » se voit figuré par de fines colonnes entre lesquelles regarder jouer, se déplacer souvent le comédien. Qui arpente le plateau, tout comme il remonte le cours de son existence. Qui s’assied face au cadre enfermant le portrait de l’épouse disparue, et qu’il vient de placer sur la table, côté salon.

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Au TNB : Pascal Rambert et Lyna Khoudri

Comment créer dans une complicité théâtrale assumée

–– Par Janine Bailly ––

Au TNB (Théâtre National de Bretagne), à Rennes, Pascal Rambert nous revient, après Mes frères mis en scène la saison passée par Arthur Nauzyciel, et Dreamers créé avec les comédiennes et comédiens de l’École, promotion 10. Nous revient avec deux monologues, dont nous avons la primeur avant qu’ils ne soient donnés au Théâtre des Bouffes du Nord, en février à Paris, l’un confié à la jeune comédienne Lyna Khoudri, l’autre à Jacques Weber, un grand que l’on ne présente plus !

Perdre son sac, monologue interprété par Lyna Khoudri 

Elle entre, de sa démarche verticale, seule pour emplir l’espace, petit bout de femme brune et fière que d’emblée on devinera déterminée, porteuse d’une parole sans détours ni faux-fuyants. Elle entre et son corps, que l’on sent habité de forces et de fragilités, donne à l’air une densité nouvelle. Corps tout en révoltes. Corps tendu comme un arc.

Elle entre et se pose, s’impose là, sur un rectangle, étroit plateau de jeu au centre de la bâche bleue qui figure le décor, tendue en fond et au sol, si près de nous puisque l’espace scénique n’est pas surélevé, mais se veut au niveau du public.

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Un regard autre sur le film : Le professeur de violon

— Par Paul Chéneau —

Les RCM, en ce qu’elles présentent des films différents, ouvrent le regard à la création cinématographique des Caraïbes, du continent américain, du monde aussi parfois. Raison pour laquelle il semble important d’aller, pendant ce festival, à la rencontre des jeunes, et de leur proposer, en version originale, autre chose que ce à quoi ils sont sans doute habitués.
C’est dans ce cadre qu’eut lieu, à Madiana, une séance scolaire, organisée à la demande des enseignants de portugais, et qui offrit à quelque quatre cents élèves, venus de toute l’île, la primeur du film brésilien Le professeur de violon. Titre que les élèves ci-dessous, apprenants en langue portugaise au lycée de Bellevue, vous donneront en VO, bien plus signifiant, avant de vous en expliquer la teneur exacte.
Au sortir de la salle, si l’on hésitait entre sourires de satisfaction et larmes d’émotion retenues, on s’accordait dans les rangs à dire combien on avait aimé le film, et qu’il avait soulevé des questions intéressantes, propres à faire naître réflexions et débats. Voici donc un petit panégyrique, fait en portugais d’abord, puis en français pour être lisible de tous, de ce que se dirent les élèves, sous la houlette de leur professeur et de son assistante Pedrita, venue cette année tout droit de Rio de Janeiro à la Martinique. Par

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Aquarius, ou les cancers de Clara

—par Janine Bailly & Paul Chéneau—

aquariusA l’heure où le Brésil, victime de bouleversements tragiques, rongé par la corruption, la spéculation et les luttes de pouvoir, s’achemine peut-être vers ce qui ressemblerait à une nouvelle dictature, il est bon de voir ou de revoir le film Aquarius. Deuxième long métrage de Kleber Mendonça Filho après Les bruits de Recife, injustement boudé par le jury du festival de Cannes, mais plébiscité par le public et encensé par une bonne partie de la critique, Aquarius connaît sur les écrans de Madiana, dans le cadre de la séance VO, un tel succès que Steve, notre Monsieur Cinéma de Tropiques-Atrium, nous en promet pour bientôt une nouvelle projection.

Un film qui peut se lire à plusieurs niveaux, et qui de ce fait s’avère riche et captivant, inquiétant aussi lorsqu’il distribue dans la narration des scènes oniriques, à la limite parfois du cauchemar ou du fantastique. Un film qui dessine pas à pas, lentement mais sûrement, en deux heures vingt-cinq, le portrait d’une sexagénaire maîtresse de sa vie, et qui s’est forgé un destin de femme libre.

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Quelques bribes d’Edwy Plenel sur l’île

—  Par Janine Bailly & Paul Chéneau —
plenel_en_ileLa récente « tournée » sur l’île d’Edwy Plenel, ce presqu’enfant du pays, dans le cadre de la semaine de la presse dont le thème était « La liberté d’expression, ça s’apprend », a déjà fait couler beaucoup d’encre. Nous aimerions cependant rendre compte ici de quelques-uns des moments privilégiés qu’il a partagés avec la jeunesse martiniquaise, d’autant que selon son propre aveu, ce sont ces moments d’échange qu’il gardera plus particulièrement en mémoire.
Nous l’avons vu et entendu, à la Bibliothèque Universitaire de Schœlcher, répondre avec sa verve coutumière, non dénuée d’humour, aux questions judicieuses préparées par un petit groupe d’étudiants.
Interrogé sur ce qu’est Mediapart, il répond que le journal-papier reste un milieu clos, et que ses collaborateurs et lui-même se sont saisis de la révolution internet pour créer ce journal numérique et y défendre le meilleur de leur tradition. Il s’agit d’aller chercher les informations cachées, sans pour autant faire la course au scoop, il s’agit d’être le laboratoire d’une nouvelle presse du XXIe siècle, il s’agit encore d’être le journal d’une France multi-culturelle.

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