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Avec «Lincoln», Spielberg blanchit le combat abolitionniste

 

Par Philippe Marlière

Acclamé par les critiques, Lincoln est présenté comme l’un des films les plus achevés de Steven Spielberg : « sobre, complexe et historiquement fidèle » ; ainsi perçoit-on de manière générale cette œuvre. Certaines plumes parlent d’une lecture froide, délibérément antiromantique de la période ; une « esthétique réaliste » qui donne l’apparence du « vrai ». Spielberg n’a-t-il pas jeté une lumière crûe sur le monde interlope de la politique washingtonienne d’alors ; un univers raciste, misogyne, gangréné par les magouilles auxquelles « Honest Abe » prête même implicitement son concours ?

Je ne partage pas cette lecture trompeuse car elle passe à côté de la réalité du combat abolitionniste aux Etats-Unis. En montrant que l’abolition de l’esclavage était le fait de politiciens blancs éclairés et en écartant de cette lutte les Noirs, Spielberg a fait un choix aussi étonnant que tendancieux.

Spielberg récidive

En dépit du titre, Lincoln n’est pas un biopic consacré au seizième président des Etats-Unis. Celui-ci y joue un rôle relativement secondaire et l’histoire mise à l’écran ne couvre d’ailleurs que les quatre derniers mois de la vie du président.

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Le point commun entre «Django Unchained» et «Lincoln», c’est leur problème avec les femmes

Alyssa Rosenberg

Comment se fait-il que les nouveaux films de Tarantino et Spielberg ignorent à ce point l’œuvre accomplie par les femmes noires américaines pour obtenir leur liberté?

La sortie du dernier Tarantino, Django Unchained, un western spaghetti qui narre la revanche d’un esclave, bientôt suivi en France de la sortie du Lincoln de Spielberg, un biopic plus classique (aux Etats-Unis, le second est sorti avant le premier), permet aux spectateurs de se replonger, à un très court intervalle, dans une des périodes les plus sombres de l’histoire des Etats-Unis, qui soulève encore de nombreuses questions.

Les Américains sont-ils en mesure d’être confrontés au racisme de l’un de leurs présidents les plus populaires? La vengeance ou le désir de réconciliation ont-ils présidé à la réintégration des Etats sécessionnistes du Sud –et des propriétaires d’esclaves– au sein de l’Union? Les propriétaires d’esclaves organisaient-ils vraiment sur leurs plantations des combats d’esclaves, jusqu’à la mort?
Keckley n’est qu’un faire-valoir

Mais une autre question est soulevée par ces films, de manière incidente: comment se fait-il qu’ils ignorent à ce point l’œuvre accomplie par les femmes noires américaines pour obtenir leur liberté?

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“Lincoln”, de Steven Spielberg, chef-d’œuvre ou pensum ?

–A Madiana–

Critiques | La critique américaine l’a encensé, la rédaction de “Télérama” est partagée. L’interprétation de Daniel Day-Lewis et Tommy Lee Jones en réchappe

Pour : Avec ses douze nominations aux Oscars, le profil de ce Lincoln semble bien peu mystérieux : un grand film prestigieux sur le prestige d’un grand président des Etats-Unis. Heureusement, c’est beaucoup plus intéressant que ça. Plus original aussi.
Le Lincoln que nous montre Spielberg est celui des quelques mois qui précèdent son assassinat, le 15 avril 1865.

La guerre de Sécession fait encore rage, opposant les Etats esclavagistes du Sud aux Nordistes abolitionnistes. L’Amérique est déchirée, mais elle a foi en son Président, aimé, réélu en novembre 1864. Si proche de son peuple qu’il semble presque partager avec lui la même vie, dans la Maison-Blanche, où l’on entre et sort alors librement pour le rencontrer.

Lincoln est pourtant un homme seul, conscient de devoir assumer des responsabilités qui ne pèsent que sur lui – l’interprétation de Daniel Day-Lewis le montre avec finesse. Contre l’avis de tous ceux qui lui conseillent d’entretenir tranquillement sa popularité, il décide de lancer le combat pour l’adoption, par la chambre des représentants, du treizième amendement, qui abolira l’esclavage.

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“Lincoln” vu par un historien : “En simplifiant, Spielberg déforme le sens de la guerre de Sécession ”

 

Entretien | André Kaspi, spécialiste de l’histoire américaine,[…] explique en quoi le réalisateur s’est éloigné de la vérité historique pour raconter la vie d’Abraham Lincoln.

Abraham Lincoln, était-il le grand humaniste abolitionniste dont Spielberg imprime la légende dans son biopic, Lincoln, en salles le 30 janvier 2013 ? Pour distinguer l’homme du mythe, nous avons demandé l’avis d’André Kaspi, professeur émérite à la Sorbonne et éminent spécialiste de l’histoire des Etats-Unis.

Qu’avez-vous pensé du film ?

Le film m’a paru un peu long, parfois émouvant, surtout vers la fin, lorsque le treizième amendement [abolissant l’esclavage] est enfin adopté. Ce qui m’ennuie en revanche, c’est que tout soit centré sur ce treizième amendement. Je comprends que pour des raisons de scénario, de récit, il faille un sujet très fort, mais cela réduit le rôle de Lincoln à un événement qui est très important, je n’en disconviens pas, mais qui n’est pas le seul de sa présidence. Au même moment, le chemin de fer transcontinental est en plein essor : il doit réunir la côte atlantique et la côté pacifique. L’aspect économique de la guerre de Sécession est passé sous silence.

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