Sous l’œil de Klapisch, la seconde vie d’une ballerine de l’Opéra

Paris – On se croirait en pleine séance de travail d’un ballet, si ce n’est l’homme aux côtés de la danseuse de l’Opéra de Paris n’est pas un répétiteur, mais Cédric Klapisch qui boucle son dernier film, petit « miracle » tourné en pleine pandémie.

Sur la scène du Théâtre du Châtelet, qui a accueilli cette semaine les derniers jours du tournage entamé en décembre et réalisé également à La Villette et en Bretagne, Marion Barbeau signe ses débuts au cinéma et un retour sur le plateau, alors que les salles de spectacle sont fermées depuis plus de cinq mois. 

La ballerine de 30 ans a renoué ainsi avec des « émotions fortes qu’on ne retrouve qu’au théâtre« , même si l’expérience varie sensiblement une fois devant la caméra.  

« Un ballet présenté devant un public, c’est très frontal. Ici c’est plus subjectif, on guide le spectateur là on veut que l’œil se pose« , affirme à l’AFP la première danseuse, grade précédant le titre suprême d’étoile. 

– « Le sens du détail » – 

Elle répète inlassablement un mouvement de bras dans une scène de « La Bayadère« , ballet du 19e siècle durant lequel l’héroïne danse avant de se blesser, ce qui brise son rêve d’étoile. 

Cédric Klapisch, tombé amoureux de la danse à 14 ans, multiplie les « Action! » « Coupez! » jusqu’à obtenir un geste « aérien« . 

« Dans la danse, le rendu est plus global, ici il ne faut penser par exemple qu’à sa main… c’est intéressant car le sens du détail est plus développé. Un micro à-coup ne se verrait absolument pas du public, mais à la caméra, tout se voit« , précise la danseuse, à l’Opéra depuis 12 ans après avoir été « petit rat » pendant six ans. 

Contrairement à certains films comme « Black Swan » privilégiant des actrices comme Natalie Portman et des doublures pour des rôles de ballerines, le réalisateur a choisi de vrais danseurs pour son 14e long-métrage dont la sortie est prévue en 2022. 

Un de ses films, « Les Poupées russes« , avait déjà côtoyé le monde de la danse classique avec la ballerine Evguenia Obraztsova jouant un personnage et il avait réalisé un documentaire sur l’étoile Aurélie Dupont. « Il y a quelque chose de très merveilleux dans le ballet, et quand on a accès aux coulisses, c’est encore plus magique« , dit-il à l’AFP. 

Outre Barbeau, que le réalisateur a trouvé « touchante » au casting, on retrouve le chorégraphe israélien Hofesh Shechter et les danseurs de hip hop Mehdi Baki et Léo Walk dans une distribution qui comprend les acteurs Pio Marmaï, Denis Podalydès et Muriel Robin. 

– « métaphore » – 

Lors de l’écriture du scénario, le réalisateur de « L’Auberge espagnole » ne se doutait pas à quel point l’histoire de la danseuse blessée allait apparaître comme « une métaphore de ce qu’on vit, sur l’isolement, sur le fait d’arrêter quelque chose« . 

Dans la salle du Châtelet se faufilent des dizaines de gens masqués qui seront le faux public du film. Dans les coulisses, des ballerines en tutu s’échauffent et sur scène, l’équipe de Klapisch scrute sur les écrans un gros plan des yeux Marion Barbeau.  

« Je trouve hallucinant d’avoir fait ce film (qui fait partie des 239 films agréés en 2020, ndlr). Il y a eu ce côté +on ne peut pas mais on le fait quand même+« , précise-t-il.  

Shechter, dont la troupe est basée en Grande-Bretagne, « m’a dit que c’était un miracle car tous leurs spectacles avaient été annulés. Ils étaient dans un état second car ils n’avaient pas dansé depuis des mois. Du coup, paradoxalement, ce Covid donne quelque chose au film« .  

L’héroïne finit par se reconstruire après une rencontre avec la troupe de Shechter. Cliché où la danse contemporaine est « libératrice » en opposition au « carcan » du classique? Aussi bien le réalisateur que la ballerine rejette cette interprétation. « Personne ne gagne sur l’autre« , souligne Klapisch.

Source : AFP / Le Télégramme