Selma : plus qu’un film, un témoignage essentiel et nécessaire.

La longue marche n’est pas terminée…

— Par Roland Sabra —

selmaA Madiana à partir du 13 mars 2015

Il y a quelques jours, Obama, prononçait un discours sur le célèbre Edmund Pettus Bridge, pour commérer le cinquantenaire des Marches pour les Droits Civiques. Dans le même temps, le film « Selma » de la réalisatrice américaine Ava DuVernay sortait sur les écrans.
Le 07 mars 1965, Martin Luther King donne le départ d’une marche de protestation contre les entraves à l’inscription des Noirs sur les listes électorales dans un des états les plus ségrégationnistes qui soient. La marche part de Selma, un ville moyenne qui compte 15 000 Noirs. Parmi eux 130 seulement ont le droit de vote. La destination des 600 marcheurs est Montgomery la capitale de l’Alabama dirigé par le Gouverneur George Wallace, élu sur un programme qui tient en une phrase : « Ségrégation maintenant, ségrégation demain, ségrégation pour toujours. »
La marche sera stoppée sur le pont Edmund Pettus par des policiers à cheval qui attaqueront les manifestants pacifistes avec des grenades lacrymogènes, des fouets et des matraques⋅ La violence est telle que les chaînes de télévision interromperont leur programme pour retransmettre en direct la répression⋅ 60 personnes seront blessées dans ce que l’histoire retiendra sous le nom de « Bloody Sunday ». Deux jours plus tard une nouvelle marche est organisée. Alors que la police s’écarte pour laisser passer les 2000 pacifistes Martin Luther King craignant un piège impulse un mouvement de retrait. Le soir même John Reeb un pasteur blanc, venu en soutien aux manifestants est tabassé à mort par des ségrégationnistes blancs au motif qu’ « il y a pire qu’un nègre :un nègre blanc  ». L’émotion est considérable dans le pays et le 25 mars ce sont 25 000 personnes, de toutes religions, un tiers de blancs et deux tiers de noirs qui arrivent à destination. Lyndon B. Johnson, Président des États-Unis, signera le 06 août 1965 le Voting Right Act, qui garantira la liberté d’inscription sur les listes électorales pour tous les citoyens américains.

Ava DuVernay ne s’est pas embarrassée pour construire son film. Elle a suivi la chronologie des évènements, au risque, néanmoins déjoué d’affaiblir son propos au fur et à mesure que le récit s’avance en dépit d’une multiplication des scènes larmoyantes.  La photographie superbe et la bande son bouleversante et justement récompensée par un Oscar participent au bonheur de ce film. L’ouverture se fait sur la remise du Prix Nobel de la Paix en 1964 à Martin Luther King et se termine par un discours qui tout en célébrant la victoire rappelle de façon prémonitoire que la marche pour les droits civiques est encore longue. Le film est une admirable leçon de science politique en mettant en évidence l’importance des rapports de forces entre les abolitionnistes et les ségrégationnistes, mais aussi à l’intérieur de chaque camp. L’affrontement politique entre le Président des États-Unis qui tergiverse pour des motivations politiciennes et Luther King qui pousse les feux pour des raisons qui relèvent de la morale voire de la transcendance traversent l’histoire de part en part. Mais les divergences de stratégies qui opposent ceux qui penchent plutôt du coté de Malcolm X et les partisans de la non-violence ne sont pas escamotées.edmund_pettus_bridge De mêmes les oppositions d’intérêts au sein de l’establishment blanc entre Lindon B. Johnson et George Wallace par exemple sont clairement exposées. Un autre apport, considérable celui-là, est de montrer que si la victoire finale n’a été possible qu’avec le concours des progressistes blancs, celui-ci n’a été qu’un ralliement à un mouvement autonome, déjà engagé dans un combat sur ses propres mots d’ordres. Ce concours extérieur à des forces militantes, pleinement conscientes et pleinement mobilisées dans un combat porté par des valeurs morales s’il a été décisif n’en reste pas moins celui de forces d’appoint à un élan qui a d’abord et avant tout compté sur ses propres forces. A voir de toute urgence !

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Ava DuVernay

 SELMA réalisé par : Ava DuVernay
Avec :
David Oyelowo,,
Tom Wilkinson,
Carmen Ejogo
Durée : 2h2min
Pays de production : Etats-Unis
Année de production : 2015
Titre original : Selma
Distributeur : Pathé !