De plus en plus de médecins libéraux pratiquent des dépassements d’honoraires, dont le montant connaît une forte accélération depuis 2019. Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) appelle les pouvoirs publics à agir « avec urgence » pour encadrer ces pratiques.
Les dépassements d’honoraires sont le supplément de prix que les médecins peuvent facturer au-delà du tarif conventionnel remboursé par la Sécurité sociale. Ce supplément est financé directement par le patient et son éventuelle assurance maladie complémentaire (AMC) et non par l’assurance maladie obligatoire (AMO).
Publié le 2 octobre 2025, le rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) dresse un état des lieux des dépassements d’honoraires réalisés par les médecins libéraux en ville, en cliniques privées ou encore dans le cadre de l’exercice d’une activité libérale à l’hôpital public.
Une hausse continue des dépassements d’honoraires
Les dépassements d’honoraires ont connu un essor au début des années 1980. Face aux demandes de revalorisations tarifaires des médecins et aux difficultés budgétaires de la Sécurité sociale, deux secteurs ont été créés :
- le secteur 1, dans lequel les praticiens s’engagent à respecter les tarifs fixés par la Sécurité sociale (dits « conventionnels ») ;
- le secteur 2, dans lequel ils peuvent fixer librement leurs prix, sans conséquences pour les comptes de l’assurance maladie. En contrepartie, ces praticiens renoncent aux avantages sociaux dont sont bénéficiaires les médecins de secteur 1.
En 2024, les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes ont atteint 4,3 milliards d’euros (+5% par an depuis 2019). Cette progression s’explique principalement par la hausse du nombre de spécialistes en secteur 2. Plus de la moitié (56%) exercent dans ce secteur en 2024, contre 37% en 2000. Aujourd’hui, plus des trois quarts des jeunes spécialistes choisissent le secteur 2 à leur installation. Le rapport constate aussi, depuis 2020, une hausse des taux de dépassements et une baisse du nombre d’actes aux tarifs conventionnels pratiqués par les professionnels en secteur 2.
Les dépassements d’honoraires représentent une part importante des revenus professionnels de certains spécialistes, plus du tiers pour les anesthésistes, chirurgiens, dermatologues, gynécologues, ophtalmologues, psychiatres et stomatologues. Ils compensent en partie l’érosion des tarifs conventionnels et permettent de réduire les écarts de revenus entre spécialités.
Toutefois, 10 à 20% des spécialistes appliquent des dépassements d’honoraires bien supérieurs à la moyenne de leur spécialité, parfois plus du double. Ces dépassements permettent à certains professionnels de maintenir ou d’augmenter leurs revenus, tout en réduisant leur activité.
Des effets sur l’accès aux soins et la répartition des médecins sur le territoire
Les médecins ont tendance à pratiquer des dépassements plus importants dans les grandes métropoles où les patients disposent de revenus plus élevés, ce qui contribue à aggraver les inégalités territoriales dans la répartition des spécialistes. À Paris, les dépassements sont quatre fois plus élevés qu’ailleurs en France.
Pour les patients, ces dépassements peuvent représenter une charge financière importante. Le manque de médecins en secteur 1 dans certains territoires, ainsi que le remboursement partiel par les complémentaires santé, laissent peu de maîtrise sur leurs dépenses, ce qui peut les amener à renoncer aux soins. Les dépassements sont pris en charge à environ 40% par les complémentaires santé, et représentent au total 14% du reste à charge des ménages. Les plus modestes, couverts par la complémentaire santé solidaire (C2S), sont en théorie protégés contre ces dépassements, mais beaucoup ne font pas valoir leurs droits.
Le Haut conseil appelle à des réformes urgentes pour mieux répartir l’offre de médecins sur le territoire et garantir un accès équitable aux soins « face à un système devenu largement illisible et parfois considéré comme injuste par les assurés ». Environ trois Français sur quatre estiment que les dépassements pratiqués par certains médecins ne sont pas justifiés.