Pour notre propre épanouissement et pour l’émancipation de l’Humanité
Dans la première partie de cet article, nous affirmions qu’il était possible de mettre fin aux souffrances qui nous détruisent. Aujourd’hui, nous montrerons que l’une des conditions essentielles pour sortir de l’impasse est d’identifier les racines profondes du mal-être et des violences que nous subissons. Comme le disait fort justement le sociologue Alain ACCARDO : «Il n’y a pas d’émancipation possible sans la prise de conscience explicite de ce par quoi on est asservi et, plus fondamentalement, sans la conscience même de l’asservissement jusque là étouffée, anesthésiée par les habitudes et le poids des conformismes.»
Basiquement, tout être humain normal est animé du désir de vivre dignement, en bonne santé, de pouvoir accèder à des activités culturelles et à des loisirs épanouissants, de jouir de la considération de ses semblables, dans une société sécure et permettant des relations harmonieuses entre tous. Dans le précédent article, nous avons déjà montré que cela est rendu impossible pour la majorité, parce que des minorités dominantes l’interdisent en s’accaparant des richesses, en établissant des barrières de classe sociales et en propageant une idéologie nuisible. Ce sur quoi nous voulons insister maintenant, c’est sur le fait que le mal-être nait le plus souvent du décalage existant entre, d’une part, notre conception du « Bien vivre», les objectifs que nous nous nous fixons dans l’espoir d’y accéder et, d’autre part, l’impossibilité que nos ambitions se réalisent. Cela d’autant plus que les aspirations fondamentales évoquées plus haut s’estompent, laissant place à la hantise d’obtenir les moyens de réaliser les rêves et les ambitions que font miroiter les maîtres du système dominant*1. L’esprit et les comportements de la majorité des gens sont conditionnés par les grilles de pensée et les codes qu’a imposés la bourgeoisie. Autrement dit, ils sont sous l’emprise de l’aliénation et victimes d’une distorsion psychologique.
L’objectif pour beaucoup de gens est, surtout, de gagner énormément d’argent pour satisfaire tous leurs caprices (plus que leurs besoins véritables). L’idée de participer au progrès collectif de la communauté et à son harmonie est balayée par la volonté de parvenir au sommet de l’échelle sociale et, ainsi, d’écraser les autres de leur superbe. On veut être chef d’entreprise! On veut être «Miss», «Mister», vedette sportive, idole de la chanson, élu politique, etc. Réussir, c’est d’abord paraître !
Les moyens censés mener à l’épanouissement en deviennent les fossoyeurs. Car, nul ne peut ignorer que, comme le dit l’adage, : «Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus»*2! Ainsi, les hochets secoués par la bourgeoisie ont pour effet de déconnecter les gens de la réalité, de les jeter dans des difficultés économiques accrues par des choix inconséquents. Le plus grand nombre se retrouve en situation d’échec dans un contexte où les relations sociales sont largement perverties. Là, se trouve la source du mal-être généralisé et des troubles psychiques qui détruisent la société.
I/ Le plus important est de nous défaire de toutes les aliénations !
Le devoir de ceux et celles qui aspirent à un réel progrès de l’Humanité est donc de combattre la domination idéologique bourgeoise qui détruit la société en la soumettant aux chaînes de l’aliénation. Cinq exigences s’imposent à cet égard :
1) Démystifier les rêves enchanteurs de la bourgeoisie :
En premier lieu,il faut déconstruire l’idée hypocrite qu’il faut «croire en ses rêves!», leçon systématiquement répétée aux «perles rares» qui, après un parcours du combattant, arrivent au haut de l’échelle. A travers celles-ci, en effet, la bourgeoisie veut faire en sorte que la masse de tous ceux qui galèrent oublient les cauchemars subis quotidiennement dans leur réalité et vivent des rêves par procuration. Les modèles de réussite «facile» sont massivement vantés. Ainsi, le nouveau «métier» d’influenceur(se) fait rêver de larges couches de la jeunesse qui voient quelques marionnettes s’enrichir tapageusement en attisant la folie de la consommation.
C’est ainsi que les classes dominantes instrumentalisent quelques «gagnants» pour en faire la vitrine de leur système et cacher l’accroissement de la pauvreté et des inégalités qui frappe le plus grand nombre.
2) Guérir le monde de la folie de la consommation
Il n’est plus nécessaire de démontrer les conséquences désastreuses de la «société de consommation». Nul n’ignore désormais que toutes les pollutions générées par celle-ci détruisent directement la planète et l’Humanité. Il y donc urgence, d’une part, à combattre cette terrible aliénation qui pousse à acheter ce qui est superficiel, à gaspiller, à s’endetter et, d’autre part, à renforcer les pratiques alternatives menant à une vie équilibrée et un véritable développement durable.
3) Déconstruire toutes les conceptions porteuses de divisions et de discriminations
Une condition essentielle au progrès de l’humanité, c’est la disparition des aliénations cultivées par la propagande réactionnaire des classes dominantes et dont l’objectif est de multiplier les barrières au sein des Peuples pour empêcher qu’ils ne disposent des forces nécessaires pour les renverser. Nous considérons, à cet égard, que l’une des taches prioritaires qui s’impose aux syndicats, à toutes les associations et organisations politiques responsables est de mener une campagne massive et coordonnée contre le racisme, la xénophobie et le machisme.
4) Prendre le contre-pied des dérives individualistes
Pour garantir les progrès de l’Humanité, l’épanouissement de chaque individu doit être assuré autant que l’émancipation collective. C’était généralement le cas au sein des couches populaires dans les civilisations précapitalistes et précoloniales (Y compris dans les pays occidentaux). Mais la bourgeoisie capitaliste a imposé une idéologie réactionnaire attisant un individualisme forcené qui brise toute harmonie sociale*3. Cette dérive doit être fermement combattue. Épanouissement individuel et émancipation collective sont intrinsèquement liés. Autrement dit, l’un ne pourra jamais exister sans l’autre.
5) Combattre l’élitisme bourgeois
L’aliénation qui frappe les élites est l’une des plus importantes à combattre. Formatées, incrustées au sein du peuple, celles-ci sont d’efficaces relais du système dominant dont elles diffusent les grilles de pensée. Ainsi bouffis de leur égo, des sachants autoproclamés défendent les conceptions et les politiques mortifères prônées par la bourgeoisie, privant l’Humanité, par là même, de toutes les réponses déjà validées portées par le génie populaire. Or, pour l’essentiel, les connaissances dont l’Humanité a besoin pour s’épanouir sont détenues par les masses populaires (pratiques environnementales, économiques et sociales alternatives, etc.) C’est en permettant aux Peuples d’accéder réellement au pouvoir qu’on disposera des moyens de construire le système alternatif.
A ces cinq exigences qui concernent l’ensemble des peuples, il convient d’ajouter notre devoir de lutter contre les aliénations spécifiques qui gangrènent le nôtre : victime du traumatisme de l’esclavagisation, notre Peuple est toujours déstructuré par une colonisation et un racisme systémique qui s’acharnent à nier son Humanité et sa Dignité. (Voir à ce sujet la vidéo : Divisions, autodénigrement et Syndrome de Lynch https://youtu.be/kupxMHirufU )
II/ Reprendre à tout prix le contrôle de notre vie
Tous et toutes, nous sommes confrontés aux énormes difficultés de la vie. A des degrés divers, nous en subissons les conséquences sur le plan psychique. Dans la première partie de l’article, nous avons montré que les maux que nous endurons sont essentiellement causés par les agressions extérieures venant du système et de la société. Il s’agit, dès lors de mettre en application les protocoles qui nous permettront vraiment d’atténuer les souffrances et de nous épanouir individuellement et collectivement. Nous en serons capables en tournant le dos à toutes les illusions et aux «espwa mal papay». Engageons nous donc dans la lutte pour reprendre le contrôle de notre vie et porter nous-mêmes des réponses valables à nos difficultés personnelles et collectives.
Notre Peuple est un grand Peuple qui, par son génie et sa solidarité, a prouvé sa capacité à porter des réponses à ses difficultés aux pires moments de son histoire. Alors, soyons fiers de lui ! Soyons fiers de nous mêmes ! Brandissons à la face des criminels oppresseurs notre dignité et notre humanité qu’ils ont toujours voulu nous arracher sans jamais y parvenir !
III/ Construisons ensemble notre mieux-vivre
Nous reprenons à notre compte la thèse de Karl Marx qui disait que : «L’Humanité ne se pose que les problèmes qu’elle peut résoudre car, à regarder de plus près, il se trouvera toujours que le problème lui-même ne se présente que lorsque les conditions matérielles pour le résoudre existent ou du moins sont en voie de le devenir.»
De fait, les conditions objectives et subjectives sont de plus en plus favorables à un changement en profondeur. D’abord, les dégâts causés par les politiques néolibérales agressives développées par les multinationales et les États qu’elles contrôlent sont, mondialement connus aujourd’hui. Ensuite, les nouvelles technologies permettent une circulation transversale de l’information et des idées que les média mainstream ne parviennent pas à étouffer. Cela a contribué à l’émergence et à la mobilisation de mouvements alternatifs à l’échelle planétaire, qui remettent en cause l’existence même du système capitaliste et impérialiste dominant. On pense ici aux luttes pour la défense de l’environnement, contre le néolibéralisme, contre les violences policières (cf. Black Live Matter), etc. L’exemple le plus significatif, révélant qu’une page est entrain de se tourner, c’est celui de la solidarité internationale qui se manifeste à l’égard du Peuple Palestinien.
Alors, pour mettre fin aux souffrances que nous subissons individuellement et collectivement, continuons à lutter pour éradiquer le système prédateur et mortifère qui nous enchaîne. Aux côtés des autres Peuples du monde, portons notre contribution à la construction d’un monde nouveau plus équitable, respectueux de l’intérêt des générations à venir, vivant en harmonie avec un environnement protégé.
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*1 Définitions: l’ambition, c’est le «désir ardent de posséder quelque chose ou de parvenir à quelque chose, que ce soit la réussite, la gloire ou des honneurs. Elle peut également être perçue comme un désir d’obtenir des biens qui flattent l’amour-propre, tels que le pouvoir et la reconnaissance.» (Larousse). L’objectif, c’est «le but à atteindre. Avoir un objectif contribue donc à donner un sens aux actions de quelqu’un». Le rêve, c’est : «la représentation idéalisée d’une action, d’une volonté, d’un désir».
*2 Ceci dit, on peut considérer que ceux-là mêmes qui parviennent au sommet, aliénés par l’égoïsme bourgeois, sont, en quelque part, également en situation d’échec, puisque leur réussite s’obtient au prix du renoncement à leur Humanité.
*3 Une conséquence absolument désastreuse de l’idéologie individualiste est la perversion des mécanismes de transmission qui fondaient la cohésion sociale. L’enfant est «éduqué» en tant qu’individu et non plus comme élément d’une communauté qui doit préserver son harmonie. Beaucoup de parents, prisonniers de leurs propres angoisses et croyant protéger leurs enfants, imposent à ceux-ci des conditions et un projet de vie qui brisent leurs aspirations et leur équilibre psychologique. D’autres, aliénés par les conceptions bourgeoises, en font des «enfants-rois» dont on se croit obligé de satisfaire tous les caprices et qu’on s’imagine défendre en les «délivrant» de toute contrainte sociale (par exemple en s’en prenant à un enseignant qui a donné à sa progéniture une mauvaise note qu’il méritait!). Ils sont, hélas, pris au piège de la propagande bourgeoise qui veut faire des enfants devenir des clients immatures à la merci du marché capitaliste.