Qui suis-je si je suis Noire ?

Conférences de Maboula Soumahoro Mercredi 25 mai – 19h CDST – Saint-Pierre / Vendredi 27 mai – 19h Salle Frantz Fanon

—Par Pauline Vermeren —

Avec Le triangle et l’Hexagone, Maboula Soumahoro prend part à une réflexion qui aborde, depuis les années 2000, l’identité à travers le prisme de l’histoire coloniale française, et plus spécifiquement « l’identité noire ». Le titre met en exergue l’interdépendance de l’histoire française hexagonale, c’est-à-dire continentale et européenne, et de l’histoire transatlantique, par l’intermédiaire de cette autre figure géométrique qu’est le triangle représentant les déplacements liés au commerce et à la traite entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques, depuis le XVe siècle.


Maboula Soumahoro, Le triangle et l’Hexagone. Réflexions sur une identité noire. La Découverte, 160 p., 16 €  Mention Spéciale du Jury – Prix littéraire FETKANN ! Maryse Condé 2020


Dans ces Réflexions sur une identité noire, Maboula Soumahoro souhaite témoigner des effets contemporains de l’ancrage de la race dans les corps. Une race aujourd’hui sans races qui, dans les sociétés postcoloniales du Nord au Sud, continue de déterminer les rapports sociaux, politiques et économiques. De ces histoires au sein de ce que Paul Gilroy nomme l’« Atlantique noir », nait une diaspora noire mettant face à face l’avènement historique de la mondialisation et les épreuves subjectives de dispersion, d’éclatement, d’éloignement, tout comme celles de (re)connexion et de stratégies de résistance.

L’idée de diaspora noire ou africaine, selon qu’on insiste sur la fabrication du sens politique et social de la couleur de peau et du phénotype ou sur l’origine des populations concernées, contient en elle l’histoire de l’asservissement, de l’exploitation, des discriminations mais aussi des révoltes des populations perçues comme noires de l’Afrique et des Amériques. L’identité noire est ainsi inextricablement liée à une expérience de la race dont la notion fait débat aujourd’hui, et à sa légitimité à être un objet d’étude pour les sciences humaines et sociales en France [1].

La race circule de façon polémique dans les débats, non plus à partir d’un caractère biologique et essentialiste des « races humaines », telles qu’elles étaient étudiées au cœur du XIXe siècle avec l’anthropologie raciale, mais en tant que construction sociale, politique et économique. Ce constat de la difficulté à traiter les questions raciales à l’université française est d’autant plus frappant qu’elles sont largement étudiées dans les pays anglo-saxons et notamment aux États-Unis, où Maboula Soumahoro a passé une partie de sa vie.

À partir de ce cadre historico-politique, la particularité de ce livre consiste à se demander ce qu’un récit personnel, une expérience individuellement vécue qui pose la question existentielle « qui suis-je ? », donne à voir du fonctionnement d’un système et d’une histoire collective. Une histoire que Maboula Soumahoro place au centre de sa subjectivité et de sa famille, ivoirienne d’origine, une histoire empreinte de ses allers-retours aux États-Unis et inspirée par le rap français. « Je constitue donc mon objet d’étude », dit-elle. Une « identité noire » qui se réfère à la fois à elle-même et à toutes les personnes qui y sont assignées….

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