Qu’est-ce qu’un consul honoraire ?

— Par Sébastien Perrot-Minnot, Consul honoraire du Guatemala à Fort-de-France, (Ambassade du Guatemala en France)

Alors que le monde est en proie à un crise exceptionnelle, avec la pandémie de COVID-19, il apparaît utile de mettre en lumière une institution importante, mais encore trop peu connue, de l’administration publique et des relations internationales : celle du consul honoraire.

Commençons par signaler que la personne portant ce titre est un fonctionnaire du Corps consulaire, lequel est régi internationalement par la Convention de Vienne sur les relations consulaires (adoptée par la Conférence des Nations Unies sur les relations consulaires en 1963). Le Corps consulaire exerce ses activités à partir de postes consulaires rattachés à des postes diplomatiques (Ambassades), et donc, dans le domaine des affaires étrangères. Dans la mesure où un fonctionnaire ou un poste consulaire sert les intérêts d’un État sur le territoire d’un autre État, des immunités et privilèges lui sont nécessairement accordés par ce dernier.

A l’instar des relations diplomatiques, les relations consulaires sont basées sur la réciprocité et le consentement mutuel des États. Ainsi, l’établissement d’un poste consulaire tout comme la nomination d’un chef de poste requièrent l’approbation de l’État récepteur. Le cas échéant, le chef de poste proposé par l’État d’envoi reçoit, de l’État de résidence, une autorisation appelée « exequatur ». Il est nommé dans une ville (une capitale ou un chef-lieu, selon la règle commune) et exerce ses fonctions dans une circonscription consulaire dont l’étendue doit également être approuvée par l’État de résidence.

Talleyrand le soulignait déjà en son temps : les fonctions consulaires sont nombreuses et exigeantes. Elles incluent notamment la protection des intérêts de l’État d’envoi et de ses ressortissants ; le secours et l’assistance à des personnes physiques et morales de l’État d’envoi ; la promotion des échanges, de la coopération et des liens d’amitié ; l’information du gouvernement de l’État d’envoi sur différents aspects de la vie dans la circonscription consulaire ; la délivrance de passeports, visas et laissez-passer ; la tenue et la gestion de l’état-civil, et la production de divers actes administratifs ; la représentation des ressortissants de l’État d’envoi devant la justice et les autorités de l’État de résidence ; la transmission d’actes judiciaires et extrajudiciaires et l’exécution de commissions rogatoires ; le contrôle et l’inspection de bateaux et d’avions immatriculés dans l’État d’envoi, et de leurs équipages ; la gestion des archives consulaires ; et la représentation de l’État d’envoi dans des réunions et des cérémonies officielles (en l’absence et avec l’accord de l’Ambassadeur concerné).

Cela dit, les attributions des postes consulaires sont très variables : elles dépendent des lois et politiques des États, mais aussi du profil des chefs de poste. Ceux-ci se répartissent en quatre classes, d’après la Convention de Vienne : il y a les consuls généraux, les consuls, les vice-consuls et les agents consulaires. Par ailleurs, on fait la distinction entre les fonctions consulaires de carrière et les fonctionnaires consulaires honoraires ; parmi les seconds se détache l’institution des consuls honoraires, dont on situe les origines au Moyen-Âge…

Mais quelles sont les différences entre un consul de carrière et un consul honoraire ? Malgré la diversité des situations, dues à celle des législations nationales, on peut formuler quelques remarques générales. Tout d’abord, comme son nom l’indique, le consul honoraire exerce ses fonctions sans percevoir de rémunération à ce titre – il peut bénéficier, éventuellement, d’indemnités, de remboursements et de subventions de l’État qu’il sert, et de la totalité ou d’une partie des droits de chancellerie encaissés par son poste. D’un autre côté, en dehors de ses fonctions consulaires, il a le droit d’exercer une activité professionnelle ou commerciale, ce qui est formellement interdit aux consuls de carrière.

On ajoutera que le consul honoraire n’a pas reçu la formation spécialisée de son collègue de carrière, qu’il n’a pas été recruté par voie de concours, qu’il a habituellement été choisi parmi les habitants du pays de résidence, et qu’il n’a pas forcément la nationalité de l’État d’envoi. C’est pourquoi ses responsabilités sont moins étendues que celles des consuls de carrière -quoiqu’elles soient loin d’être négligeables – et ses immunités et privilèges sont aussi plus limités, se rapportant strictement à l’exercice de ses fonctions.

L’institution a reçu des critiques et a même été supprimée par plusieurs États, à partir de la fin du XIXe siècle. Le consul honoraire, de l’écrivain britannique Graham Greene (1973), témoigne de l’image défavorable qu’elle a pu avoir : ce fameux roman met en scène un groupe de guérilleros qui a décidé d’enlever de l’Ambassadeur des États-Unis en Argentine, lors d’un déplacement du diplomate en province, mais qui se trompe sur la personne pour capturer un pathétique consul honoraire de Grande-Bretagne, n’intéressant pas grand monde…

Aujourd’hui, cependant, les consuls honoraires sont des fonctionnaires très appréciés et très sollicités au niveau international. Ils sont choisis sur la base de critères comprenant, en général, l’honorabilité, la position sociale, les réseaux de relations, les liens avec l’État d’envoi, la formation académique et l’expérience professionnelle ; leur connaissance de la circonscription, et le fait qu’ils puissent exercer dans une même circonscription sur le long terme, constituent des atouts majeurs. Et bien entendu, ces fonctionnaires bénévoles offrent, aux États qui les nomment, l’opportunité d’étendre leur présence et leur influence dans le monde, à moindre frais. Si les fonctions des consuls honoraires peuvent varier sensiblement, selon les contextes législatifs et politiques, elles impliquent de toute façon la défense d’intérêts nationaux, des missions d’information, d’assistance et de protection, un rôle de représentation, des actes protocolaires, des tâches administratives et, last but not least, la promotion des relations entre l’État d’envoi et l’État de résidence. Pour le reste, il convient de signaler que de nombreux consuls honoraires sont engagés dans des associations du Corps consulaire ; je mentionnerai, à ce propos, l’Union des Consuls Honoraires en France (UCHF).

Assurément, la vénérable institution a encore un bel avenir devant elle !

 

Bibliographie

Delcorde, Raoul : Les mots de la diplomatie. L’Harmattan. Paris. 2005.

Didat, Maxime : « Le consul honoraire : parent pauvre du droit international ? ». In: Annuaire français de droit international, volume 56 : pp. 101-138. 2010.

Goussard, Anne-Marie (coord.) : Consul honoraire : rôle et mission. L’Harmattan. Paris. 2019.

Pancracio, Jean-Paul : Dictionnaire de la diplomatie. J.-P. Pancracio, éditeur. Paris. 2019 (3e édition).

Serres, Jean : Manuel pratique de protocole. Ad Hoc. Paris. 2016 (12e édition).

Torres Bernardez, Santiago : « La Convention de Vienne sur les relations consulaires ». In : Annuaire français de droit international, volume 9 : pp. 78-118. 1963.

 

Sébastien Perrot-Minnot

Consul honoraire du Guatemala à Fort-de-France

(Ambassade du Guatemala en France)

consul.guatemala.martinica@gmail.com