—- Le n° 395 de « Révolution Socialiste », journal du GRS —
Pendant que de nombreuses personnes se préparaient à participer à la « marche blanche » ou à la rencontre en forêt, programmées après les quatre meurtres de la semaine dernière, une nouvelle fusillade abat aux aurores dimanche 8, un autre jeune. Tragique pied de nez aux réactions légitimes, à la foison de communiqués, à l’agitation préfectorale !
La veille au soir, deux centaines de manifestant-e-s Martiniquais·e·s et Haïtien·nes ensemble, criaient dans les rues de Fort-de-France, leur indignation devant les violences mortifères frappant les personnes d’ascendance haïtienne en République Domînicaine tandis que d’autres militant·es, également solidaires de cette cause, participaient au 25ème convoi pour la réparation du crime esclavagiste.
L’avant-veille, l’avocat général auprès du tribunal de Fort-de-France réclamait, six ans après les prétendus faits incriminés, 18 mois de prison ferme pour un militant anti–chlordécone faisant partie des « 7 d’Océanis », coupables d’une campagne de boycott des grandes surfaces du sieur Bernard Hayot. Le même personnage, récompensé par Macron, est au cœur d’un système de vie chère qui exaspère la population et jette dans la rue des centaines de protestataires, 16 ans après les dizaines de milliers de février 2009.
Quelque part en Martinique, Hervé Pinto, héritier spolié par une bande d’aigrefins protégés par le système qui le condamne et le traque, hurle sa colère dans des vidéos, qui ont le soutien de l’Algérie, mais que l’État ignore avec cynisme, sans daigner nous expliquer comment il appliquera les décisions de justice qui donnent raison à la victime de la spoliation.
Aux antipodes, en Kanaky, il y a de bonnes raisons de craindre un nouvel embrasement que les partisans d’extrême droite de la guerre contre les Indépendantistes attisent tant qu’ils peuvent face à un gouvernement qui refuse de sortir du bourbier colonial.
En toile de fond, un génocide se déroule avec nettoyage ethnique à la clef. Le peuple palestinien est mis à mort, condamné à la famine par les criminels de guerre génocidaires sous la houlette du sinistre Netanyahou, armé et financé par les USA et l’Europe. Malgré les journalistes tués, le monde sait. Et le Macron, violemment critiqué par une grande partie de l’opinion, finit par trouver ça « inacceptable », mais continue de l’accepter en faisant traiter d’antisémites celles et ceux qui dénoncent ces crimes de guerre, ce terrible crime contre l’humanité.
Qui a–t–il de commun entre tous les faits cités ici ? D’abord le fait que tout ptogressiste ressent spontanément de la colère légitime face à eux. Ensuite, il y a le rapport étroit entre ces atrocités et le système dominant colonialiste et capitaliste.
Il faut aussi remarquer que, contrairement à d’autres tragédies qui se déroulent dans le monde, au Congo, au Soudan, en Ukraine, pour ne prendre que quelques exemples, nous pouvons et donc devons agir par le mouvement ouvrier et populaire, par les élu·e·s dignes de ce mouvement.
La France étant directement concernée par toutes les questions citées, la pression du peuple martiniquais, du peuple guadeloupéen, des peuples de toutes les dernières colonies, compte dans le rapport de forces.
Enfin, il est évident qu’aucune organisation seule, aucun territoire seul, ne peuvent mener à bien toutes ces tâches absolument primordiales. Voilà pourquoi le nombrilisme, le chakbètafisme, le sectarisme, sont aujourd’hui l’ennemi le plus pernicieux du mouvement révolutionnaire.
La première réponse à la question du « que faire ? », est donc de travailler au dépassement de cet héritage d’une histoire nationale et internationale.
La première réponse à la question du « comment » est d’agir ici et maintenant dans cette direction en s’armant de patience alors que le temps nous est compté.
30 mai : nouveau rendez-vous de lutte contre le chlordécone
Retenons cette date ! Des éléments nouveaux sont encore intervenus dans le dossier Chlordécone, aussi bien sur le plan judiciaire, que sur le plan de la réparation. Pour envisager la suite, la rencontre publique du 30 octobre mettra ensemble les députés Jean-Philippe Nilor, Marcellin Nadeau, Béatrice Bellay, de nombreuses organisations sociales de Martinique et de Guadeloupe mobilisées sur la question, des avocat·e·s impliqué·e·s et la population que nous espérons voir nombreuse.
À noter la présence exceptionnelle de Danièle Obono, députée LFI.
Nou paka moli. Le 30 mai à 18h : tous et toutes à la maison des syndicats !
La disparition de Didier Dominique, une lourde perte pour le mouvement ouvrier haïtien et international
Didier Dominique n’était pas un inconnu pour les militants et les militantes du mouvement ouvrier et anticolonialistes martiniquais. Intellectuel organique des masses, comme dirait Antonio Gramsci, il était l’un des principaux dirigeants de l’organisation Batay Ouvriyé qu’il a représentée dans plusieurs activités du Groupe Révolution Socialiste (G.R.S.) ou de la CDMT. Il a été l’un des premiers invités extérieurs à la Journée du travailleur de l’hôtellerie et de l’accueil martiniquais (JTHAM). Il a participé à nos réunions avec l’association des travailleurs Haïtiens de Sainte-Thérèse. Il a été de l’aventure du Forum social caribéen.
Après le tremblement de terre de 2010 où, comme beaucoup, il a vu la mort en face, il a été notre relais dans le modeste effort de solidarité matérielle que ́nous avons réalisé envers son organsation.
Nous avions tenu à sa présence dans la présentation de l’ouvrage « Frantz Fanon, l’héritage » qu’il envisageait de promotionner en Haïti lorsque la brutale dégradation de la situation a rendu ce projet impraticable.
Si son action quotidienne se déroulait en HAÏTI dans l’organisation syndicale et politique de la classe ouvrière, son internationalisme conséquent le conduisait aux quatre coins du monde, des USA au Brésil ou au Venezuela ou en République Dominicaine, mais aussi en Europe. Partout, il laisse le souvenir d’un militant chaleureux et modeste, exigeant dans le débat théorique comme sur les questions éthiques.
Puissent ses proches et ses camarades de lutte, trouver dans les témoignages de sympathie et de solidarité qu’ils recevront à n’en point douter un peu de réconfort dans les temps difficiles que son exemple aidera à traverser.
Jusqu’à la victoire, toujours.
Pour le GRS : Philippe Pierre-Charles