— Par Sarha Fauré —
Une enquête inédite menée par sept organisations — Foodwatch France, Réseau Action Climat, France Assos Santé, Fédération Française des Diabétiques, Confédération Syndicale des Familles (CSF), Union nationale des associations familiales (UNAF) et Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO) — révèle un constat alarmant : dans les supermarchés français, seule 1 promotion sur 10 concerne des aliments sains, tandis que la majorité encourage la consommation de produits nocifs pour la santé.
Cette étude, réalisée en février et mars 2025, a passé au crible 40 catalogues promotionnels issus des cinq principales enseignes de la grande distribution — Carrefour, Coopérative U, E. Leclerc, Intermarché et Lidl — représentant 4 726 offres. Les résultats, comparés aux recommandations officielles du Programme National Nutrition Santé (PNNS 4), mettent en lumière un profond décalage entre le discours des distributeurs sur le « bien-manger » et leurs pratiques commerciales.
Un déséquilibre flagrant au détriment de la santé publique
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12 % seulement des promotions concernent des aliments « à augmenter » selon le PNNS : fruits, légumes, légumineuses, ou céréales complètes.
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66 % des offres portent sur des produits « à limiter » : boissons sucrées, charcuterie, biscuits industriels, plats préparés trop gras, trop sucrés ou trop salés.
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Le reste correspond à la catégorie « autres », comprenant par exemple les produits laitiers (recommandés à raison de deux par jour) ou le poisson (deux fois par semaine).
Les chiffres sont encore plus inquiétants quand on regarde la qualité nutritionnelle :
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47 % des promotions ciblent des aliments ultra-transformés.
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39 % concernent des produits classés Nutri-Score D ou E.
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Près de 17 % visent directement la charcuterie, la viande rouge ou les plats préparés qui en contiennent.
Des promotions qui incitent à consommer plus, pas à dépenser moins
Contrairement à l’idée reçue, la majorité des promotions ne réduisent pas vraiment les prix unitaires.
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3 sur 5 sont des incitations au volume (« 2+1 offert », lots, réductions sur le 2e produit), qui encouragent à acheter davantage.
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2 sur 5 seulement correspondent à de véritables baisses de prix.
Les produits biologiques, pourtant meilleurs pour la santé et l’environnement, sont presque absents : 1 % seulement des promotions leur sont consacrées.
Un décalage avec les attentes des consommateurs
Selon un sondage du Réseau Action Climat :
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88 % des Français souhaitent que les promotions portent majoritairement sur des produits bons pour la santé.
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89 % veulent que ce soit une obligation légale pour les supermarchés.
Pourtant, les enseignes Aldi, Auchan, Carrefour, Casino, Coopérative U, E. Leclerc, Intermarché, Lidl et Monoprix continuent de privilégier les produits les moins favorables à la santé… tout en se présentant comme défenseurs du pouvoir d’achat et du « bien-manger ».
Une demande claire : inverser la tendance
Face à ce constat, les associations signataires exigent :
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Au moins 50 % de promotions sur des produits que le PNNS recommande d’augmenter.
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10 % minimum de promotions sur des produits biologiques peu ou pas transformés.
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La fin des pratiques incitant à surconsommer des produits ultra-transformés.
Elles rappellent aussi que l’accès à une alimentation saine et abordable est un levier majeur pour prévenir les maladies cardiovasculaires, le diabète ou certains cancers, responsables de 80 % des décès prématurés liés aux maladies non transmissibles.
Un enjeu économique et social
Ces pratiques commerciales entretiennent un marché à deux vitesses :
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Les produits bon marché sont souvent les moins bons pour la santé.
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Les aliments sains, qu’on devrait pouvoir consommer quotidiennement, restent trop chers et donc inaccessibles pour de nombreuses familles.
Foodwatch et ses partenaires réclament également :
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Un encadrement renforcé des négociations commerciales pour garantir une juste rémunération des agriculteurs.
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Plus de transparence sur les marges à chaque étape de la chaîne agroalimentaire.
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Des mesures de soutien financier pour aider les ménages modestes à accéder à une alimentation saine et durable.
Méthodologie de l’enquête
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Période analysée : février-mars 2025.
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Supports étudiés : 8 catalogues promotionnels par enseigne, soit 40 au total.
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Critères de classement : recommandations officielles du Haut Conseil de la Santé Publique (avis du 16 février 2017) sur les repères alimentaires.
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Catégorisation : produits « à augmenter », « à réduire » et « autres ».
Appel à mobilisation
Les associations lancent une pétition nationale pour interpeller directement les distributeurs et leur imposer de réorienter leurs offres promotionnelles vers des produits réellement favorables à la santé et à l’environnement.
Déjà plus de 9 800 signatures ont été recueillies.
Ensemble, consommateurs et associations peuvent contraindre la grande distribution à assumer sa responsabilité dans la transition alimentaire.