PFAS : comment les éliminer pour de bon ?

— Par Julie Mendret & Julie Mendret —

Les PFAS, ces polluants éternels, se retrouvent dans nos sols et nos eaux, menaçant durablement la santé humaine et l’environnement. Entre séparation, destruction et innovations biologiques, les solutions émergent… mais restent encore trop peu déployées.

Des mesures d’encadrement et d’interdiction des émissions de PFAS, indispensables pour limiter leur diffusion dans l’environnement, sont d’ores et déjà en route. Selon une loi adoptée en février 2025, la France doit tendre vers l’arrêt total des rejets industriels de PFAS dans un délai de cinq ans.

Récemment, une enquête menée par le Monde et 29 médias partenaires a révélé que la décontamination des sols et des eaux contaminées par ces substances pourrait coûter de 95 milliards à 2 000 milliards d’euros sur une période de vingt ans.

Comme pour d’autres contaminants organiques, on distingue deux grandes familles de procédés de traitement.

Deux grandes approches de traitement

Certaines technologies consistent à séparer et parfois concentrer les PFAS du milieu pollué pour permettre le rejet d’un effluent épuré, mais elles génèrent par conséquent des sous-produits à gérer qui contiennent toujours les polluants. D’autres technologies consistent à dégrader les PFAS. Ces procédés impliquent la destruction de la liaison C-F (carbone-fluor) qui est très stable avec souvent des besoins énergétiques associés élevés.

Dans cet article, nous recensons une partie des nombreux procédés qui sont actuellement testés à différentes échelles (laboratoire, pilote, voire à l’échelle réelle), depuis des matériaux innovants, qui peuvent parfois simultanément séparer et détruire les PFAS, jusqu’à l’utilisation d’organismes vivants, comme des champignons ou des microbes.

Procédés de séparation et concentration des PFAS dans l’eau

Actuellement, les techniques mises en œuvre pour éliminer les PFAS dans l’eau sont essentiellement des procédés de séparation qui visent à extraire les PFAS de l’eau sans les décomposer, nécessitant une gestion ultérieure des solides saturés en PFAS ou des concentrâts (déchets concentrés en PFAS) liquides.

La technique la plus couramment mise en œuvre est l’« adsorption », qui repose sur l’affinité entre le solide et les molécules de PFAS qui se fixent sur la surface poreuse (il est plus favorable chimiquement pour le solide et le PFAS de s’accrocher l’un à l’autre que d’être séparés). L’adsorption est une technique de séparation efficace pour de nombreux contaminants incluant les PFAS. Elle est largement utilisée dans le traitement de l’eau, notamment en raison de son coût abordable et de sa facilité d’utilisation. La sélection de l’adsorbant est déterminée par sa capacité d’adsorption vis-à-vis du polluant ciblé. De nombreux matériaux adsorbants peuvent être utilisés (charbon actif, résine échangeuse d’ions, minéraux, résidus organiques, etc.).

Une première unité mobile testée à Corbas

Parmi eux, l’adsorption sur charbon actif est très efficace pour les PFAS à chaîne longue mais peu efficace pour ceux à chaîne moyenne ou courte. Après adsorption des PFAS, le charbon actif peut être réactivé par des procédés thermiques à haute température, ce qui entraîne un coût énergétique élevé et un transfert des PFAS en phase gazeuse à gérer.

Une première unité mobile de traitement des PFAS par charbon actif a récemment été déployée à Corbas, dans le Rhône, et permet de traiter 50 mètres cube d’eau à potabiliser par heure.

Comme autre procédé d’adsorption, les résines échangeuses d’ions sont constituées de billes chargées positivement (anions) ou négativement (cations). Les PFAS, qui sont souvent chargés négativement en raison de leurs groupes fonctionnels carboxyliques ou sulfoniques, sont attirés et peuvent se fixer sur des résines échangeuses d’anions chargées positivement. Des différences d’efficacité ont aussi été observées selon la longueur de la chaîne des PFAS. Une fois saturées, les résines échangeuses d’ions peuvent être régénérées par des procédés chimiques, produisant des flux de déchets concentrés en PFAS qui doivent être traités. Il est à noter que les résines échangeuses d’ions n’ont pas d’agrément en France pour être utilisées sur une filière de production d’eau potable.

Des techniques efficaces mais énergivores et complexes

La technique actuellement la plus efficace pour l’élimination d’une large gamme de PFAS – à chaînes courtes et longues – dans l’eau est la filtration par des membranes de nanofiltration ou d’osmose inverse à basse pression. Malheureusement, cette technique est énergivore et génère des sous-produits de séparation, appelés « concentrâts ». Ces derniers présentent des concentrations élevées en PFAS qui induisent des difficultés de gestion (les concentrâts sont parfois rejetés dans l’environnement alors qu’ils nécessiteraient un traitement supplémentaire).

Enfin, la flottation par fractionnement de mousse exploite les propriétés des PFAS (tête hydrophile et queue hydrophobe) qui se placent à l’interface air/liquide dans des bulles de mousse et sont récupérés en surface. Des taux d’extraction de 99 % sont ainsi obtenus pour des PFAS à chaîne longue. Comme les précédentes, cette technique produit un concentrât qu’il faut éliminer ultérieurement.

Vers des technologies qui dégradent les PFAS

D’autres procédés cherchent à dégrader les contaminants présents dans les eaux afin d’offrir une solution plus durable. Il existe diverses technologies de destruction des polluants dans l’eau : les procédés d’oxydoréduction avancée, la sonolyse, la technologie du plasma, etc. Ces procédés peuvent être déployés en complément ou en remplacement de certaines technologies de concentration.

La destruction d’un polluant est influencée par son potentiel de biodégradabilité et d’oxydation/réduction. La dégradation naturelle des PFAS est très difficile en raison de la stabilité de la liaison C-F qui présente un faible potentiel de biodégradation (c’est-à-dire qu’elle n’est pas facilement détruite par des processus à l’œuvre dans la nature, par exemple conduits par des bactéries ou enzymes).

Oxydation avancée et électrochimie à l’essai

Les procédés d’oxydation avancée sont des techniques qui utilisent des radicaux libres très réactifs et potentiellement efficaces pour briser les liaisons C–F. Elles incluent entre autres l’ozonation, les UV/peroxyde d’hydrogène ou encore les procédés électrochimiques.

Le traitement électrochimique des PFAS constitue une méthode innovante et efficace pour la dégradation de ces composés hautement persistants. Ce procédé repose sur l’application d’un courant électrique à travers des électrodes spécifiques, générant des radicaux oxydants puissants capables de rompre les liaisons carbone-fluor, parmi les plus stables en chimie organique.

Pour tous ces procédés d’oxydation avancée, un point de surveillance est indispensable : il faut éviter la production de PFAS à chaînes plus courtes que le produit initialement traité.

Une innovation suisse prometteuse contre les PFAS

Récemment, une entreprise issue de l’École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) a développé une technologie innovante capable de détruire plus de 99 % des PFAS présents dans les eaux industrielles par catalyse piézoélectrique. Les PFAS sont d’abord séparés et concentrés par fractionnement de la mousse. Ensuite, la mousse concentrée est traitée dans deux modules de réacteurs où la technologie de catalyse piézoélectrique décompose et minéralise tous les PFAS à chaîne courte, moyenne et longue.

La dégradation sonochimique des PFAS est également une piste en cours d’étude. Lorsque des ondes ultrasonores à haute fréquence sont appliquées à un liquide, elles créent des bulles dites « de cavitation », à l’intérieur desquelles des réactions chimiques ont lieu. Ces bulles finissent par imploser, ce qui génère des températures et des pressions extrêmement élevées (plusieurs milliers de degrés et plusieurs centaines de bars), qui créent des espèces chimiques réactives. Le phénomène de cavitation est ainsi capable de rompre les liaisons carbone-fluor, permettant d’obtenir finalement des composants moins nocifs et plus facilement dégradables. Très prometteuse en laboratoire, elle reste difficile à appliquer à grande échelle, du fait de son coût énergétique et de sa complexité.

Ainsi, malgré ces récents progrès, plusieurs défis subsistent pour la commercialisation de ces technologies en raison notamment de leur coût élevé, de la génération de potentiels sous-produits toxiques qui nécessitent une gestion supplémentaire ou encore de la nécessité de la détermination des conditions opérationnelles optimales pour une application à grande échelle.

Quelles perspectives pour demain ?

Face aux limites des solutions actuelles, de nouvelles voies émergent.

Une première consiste à développer des traitements hybrides, c’est-à-dire combiner plusieurs technologies. Des chercheurs de l’Université de l’Illinois (États-Unis) ont par exemple développé un système innovant capable de capturer, concentrer et détruire des mélanges de PFAS, y compris les PFAS à chaîne ultra-courte, en un seul procédé. En couplant électrochimie et filtration membranaire, il est ainsi possible d’associer les performances des deux procédés en s’affranchissant du problème de la gestion des concentrâts.

Des matériaux innovants pour l’adsorption de PFAS sont également en cours d’étude. Des chercheurs travaillent sur l’impression 3D par stéréolithographie intégrée au processus de fabrication de matériaux adsorbants. Une résine liquide contenant des polymères et des macrocycles photosensibles est solidifiée couche par couche à l’aide d’une lumière UV pour former l’objet souhaité et optimiser les propriétés du matériau afin d’améliorer ses performances en termes d’adsorption. Ces matériaux adsorbants peuvent être couplés à de l’électroxydation.

Enfin, des recherches sont en cours sur le volet bioremédiation pour mobiliser des micro-organismes, notamment les bactéries et les champignons, capables de dégrader certains PFAS). Le principe consiste à utiliser les PFAS comme source de carbone pour permettre de défluorer ces composés, mais les temps de dégradation peuvent être longs. Ainsi ce type d’approche biologique, prometteuse, pourrait être couplée à d’autres techniques capables de rendre les molécules plus « accessibles » aux micro-organismes afin d’accélérer l’élimination des PFAS. Par exemple, une technologie développée par des chercheurs au Texas utilise un matériau à base de plantes qui adsorbe les PFAS, combiné à des champignons qui dégradent ces substances.

Néanmoins, malgré ces progrès techniques, il reste indispensable de mettre en place des réglementations et des mesures en amont de la pollution par les PFAS, pour limiter les dommages sur les écosystèmes et sur la santé humaine.

Sources

À propos des auteurs :

  • Julie Mendret. Maître de conférences, HDR, Université de Montpellier.

  • Mathieu Gautier. Professeur des Universités, INSA Lyon – Université de Lyon

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Source : WeDemain