Pesticides: des élus antillais appellent à rompre « l’omerta »

 

Plusieurs élus martiniquais et guadeloupéens ont appelé « à faire toute la lumière » sur l’utilisation des pesticides dans l’agriculture antillaise, réclamant « des certitudes scientifiques » face aux risques sanitaires pointés par un rapport présenté ce matin à l’Assemblée.

« Il ne faut pas que l’omerta française étouffe cette affaire là », a déclaré Victorin Lurel, Secrétaire national du PS à l’Outre-mer, lors de la présentation à la presse ce matin, à l’Assemblée nationale, du rapport du cancérologue Dominique Belpomme (ici en intégralité au format PDF) sur le « désastre sanitaire et agricole » provoqué par l’utilisation du chlordécone en Martinique, pesticide interdit en 1993.

Pour un commission d’enquête parlementaire
M. Lurel, également député et président du conseil régional de Guadeloupe, a de nouveau réclamé avec force la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, à laquelle le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Christian Estrosi, s’était déclaré lundi « tout à fait favorable ». Les élus martiniquais et guadeloupéens sont partagés entre « éthique de vérité et éthique de responsabilité », a estimé M. Lurel, pour qui « il faut dire les choses avec sobriété », en s’appuyant sur des « certitudes scientifiques ».

Pour sa part Jeanny Marc, députée de la Guadeloupe apparentée au groupe socialiste, radical, citoyen et Divers gauches (RSC), a réclamé que le gouvernement fasse du problème « une priorité nationale », afin que la vie économique « puisse continuer ».

Enjeux économiques
L’enjeu économique concerne la filière banane et les autres productions agricoles, mais aussi l’activité touristique. « Si on sait et que l’on se tait on devient complice », a déclaré Mme Marc, tout en souhaitant « rassurer la population », parce que « toutes les terres ne sont pas polluées ». « Nos territoires ne sont pas maudits », a-t-elle ajouté. Elle a également mis en garde contre de possibles spéculations immobilières.

« La situation est grave », a reconnu Louis-Joseph Manscour, député de la Martinique apparenté au groupe RSC, appelant à une « double exigence de vérité et de responsabilité ». « Il faut qu’on ait des certitudes », a-t-il martelé.

« Il ne faudrait pas que l’on fasse passer la Martinique pour une terre infréquentable », a renchéri Serge Letchimy, député apparenté socialiste de Martinique, soulignant que les produits vendus sur les marchés « font l’objet d’analyse ».

Quel lien entre pesticides et cancers ?
De son côté, le Pr Belpomme s’est défendu de tenir des « propos alarmistes », mais à mis en garde contre la « politique de l’autruche », réclamant la mise en place d' »un plan de sauvetage des Antilles » pour les sauver d’un « désastre sanitaire, mais aussi d’un désastre socio-économique ».

Faisant la part entre « ce qui est certain et ce qui est incertain », le Pr Belpomme a présenté son rapport comme « un état des lieux ». La pollution chimique des sols et des eaux en Martinique (où il a enquêté au printemps dernier) est « multiple, diffuse, énorme », a-t-il déclaré, soulignant que « l’alimentation sous toutes ses formes est polluée ».

Le lien entre le cancer de la prostate, « en augmentation foudroyante », et le chlordécone (utilisé jusqu’en 1993 contre le charençon de la banane) « n’est pas démontré », a-t-il admis, réclamant des études toxicologiques sur le rôle de cet insecticide mais aussi d’autres pesticides utilisés aux Antilles. Selon lui, « Si on extrapole, on peut prévoir qu’un homme sur deux fera un cancer de la prostate ».

Le Pr Belpomme a appelé à « réactiver » le registre du cancer en Martinique et à en créer un en Guadeloupe. Il a également réclamé « des preuves que la banane est propre », le chlordécone étant considéré comme se fixant dans la peau du fruit non-consommée. Pour le Pr Belpomme, « le terme de désastre sanitaire n’est pas trop fort pour désigner ce qui risque d’arriver dans l’avenir ».

L’express mardi 18 septembre 2007, mis à jour à 16:31

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