« Pas de reprise sur un claquement de doigts »

Maintenir et prolonger le dispositif d’activité partielle jusqu’au 31 décembre 2021 ; accorder l’exonération des charges sociales patronales du 1er mars 2020 au 31 décembre 2021 ; bénéficier d’une exonération de la contribution économique territoriale pour 2020 et 2021 ; compenser l’absence de taxe fiscale sur les spectacles ; répondre à la problématique des loyers des salles ; renforcer et élargir le crédit d’impôt spectacle vivant ; élargir les aides « petites salles » Fonpeps pour soutenir l’emploi ; accompagner et soutenir la mise en place des mesures liés au nouveau cadre sanitaire, et leurs surcoûts ; adapter les conditions du prêt garanti par l’État aux contraintes économiques ; assurer le refinancement des fonds de soutien du Centre national de la musique et du Fonds de soutien au théâtre privé.
Résumé des revendications des trois syndicats
Les contraintes permettent-elles d’envisager une rentrée en septembre ?
Daniel Stevens : Tout est évolutif. Les hypothèses de travail d’aujourd’hui ne seront pas celles du 20 ou 21 juin. Il n’y a pas, à ce jour, d’hypothèse de réouverture, mais nous en aurons peut-être dans trois semaines.
Isabelle Gentilhomme : Ouvrir avec 20% de spectateurs dans la salle, ça ne tiendrait pas. Au-delà de l’économie, il y a l’aspect artistique. Si c’est pour se retrouver disséminés dans la salle, ça n’a plus de sens pour les artistes et les spectateurs. Mais les choses, nous l’espérons, vont évoluer dans le bon sens.
Malika Séguineau : Ce n’est pas “off-on”, la décision de reprise ne signifie pas des artistes sur scène et du public dans la salle. Il faut anticiper. ll y a le souhait d’un été “apprenant et culturel”, mais cela ne peut se faire aussi facilement. Il faut prendre en compte le volet artistique et le volet économique. Nous n’avons pas encore, malgré plusieurs réunions avec le ministère, pu obtenir un accord à une alternative au critère de la distanciation, qui va à l’encontre des rassemblements que nous créons. La distanciation comme un préalable obligatoire, ce n’est pas possible pour le spectacle vivant. En revanche, oui pour trouver des alternatives comme dans d’autres secteurs. Nos entreprises sont responsables, les manifestations ont été annulées dès mars, en dehors mêmes de textes réglementaires, mais parce l’impératif sanitaire l’imposait. Sur la reprise, il faut intégrer aux contraintes sanitaires les contraintes économiques du secteur privé, et admettre des mesures alternatives à la distanciation physique. Il ne peut y avoir que des ouvertures à pleine jauge.
Daniel Stevens : La première phase, c’est la remise en forme des artistes. Les cabarets qui présentent des revues ont des danseuses et danseurs que l’on peut comparer à des sportifs. Les remettre en forme prendra 2 à 4 semaines et commencera quand on fera de vraies répétitions. En parallèle, nous devons commercialiser. Or, nous travaillons beaucoup avec les groupes, les plus de 65 ans représentent plus de 50% des clientèles des cabarets de régions et les cabarets parisiens sont face à l’absence des touristes étrangers.
Isabelle Gentilhomme : Lorsqu’on sera en capacité de rouvrir, il va falloir donner envie au public de revenir. Il commence à y avoir des enquêtes et on sent une envie, mais de là à acheter un billet de spectacle, il y a un pas. D’abord, il faut réunir les artistes pour traMalika
Séguineau, directrice générale du Prodiss, Isabelle Gentilhomme, déléguée générale du SNDTP (Syndicat national du théâtre privé) et Daniel Stevens, délégué général du Camulc (Cabarets, music-halls, lieux de création). vailler. Même si des contraintes sanitaires se lèvent un peu, nous nous attendons à une reprise compliquée, ce qui explique nos demandes de mesures de soutien à l’activité, afin d’éviter d’être contraints de réduire le nombre d’artistes sur scène, qu’il y ait un effet de levier envers l’emploi, notamment artistique avec le soutien du Fonpeps.
Donc d’abord soutenir la reprise, avant la relance ?
Daniel Stevens : Nous allons essayer de renouer avec le public le plus tôt possible parce que c’est notre métier et c’est triste de voir un cabaret fermé. Le plan de reprise, ce sont des mesures spécifiques, pour compenser la période durant laquelle l’exploitation sera dégradée. C’est dans un deuxième temps qu’on pourra penser à la relance.
Malika Séguineau : Ce n’est qu’à partir de la reprise qu’on pourra parler de relance. Aujourd’hui, on se bagarre pour que les entreprises ne ferment pas. C’est pour cela que nous demandons le maintien des dispositifs de soutien comme l’activité partielle. Avant que nous retrouvions un niveau d’activité équivalent à 2019, il faudra de longues années. Le crédit d’impôt spectacle vivant (CISV) constitue un des leviers pour accompagner l’investissement du producteur. La crise révèle aussi la fragilité des sociétés. Certaines ont demandé des prêts garantis par l’État (PGE). On discute aussi avec l’Ifcic, pour renforcer les entreprises, qu’elles puissent investir. C’est la combinaison des dispositifs qui permettra aux entreprises de renaître. Les 10 mesures sont nécessaires et indispensables. Le projet de loi de finances rectificative de juin peut être un premier véhicule.
Isabelle Gentilhomme : C’est important d’obtenir l’élargissement du crédit d’impôt à tout le spectacle vivant : qu’il permette par son effet de levier de faire découvrir des auteurs et de produire des spectacles de qualité avec des distributions nombreuses, qu’on ne se retrouve pas, pour caricaturer, avec des seuls en scène dans une boîte noire, faute d’être en capacité économique d’amortir des coûts plateau.
Daniel Stevens : Attention, le PGE va permettre de compenser les pertes de la période de fermeture. Fin août, les entreprises vont se retrouver sans cash, aussi le PGE na va pas aider à investir.
Avez-vous confiance dans le ministère de la Culture pour défendre ces demandes ?
Isabelle Gentilhomme : Maintenant, il faut passer de la phase d’écoute sur le CISV à un soutien effectif pour l’élargir à toutes les esthétiques.
Malika Séguineau : C’est Bercy qu’il faut convaincre avant tout. La filière tourisme a obtenu récemment des mesures dont certaines concerneront le spectacle vivant : les exonérations de cotisations sociales et le maintien de l’activité partielle à 100%. Le ministère de la Culture a bien à l’esprit que le spectacle vivant est l’un des secteurs les plus impactés. Les mesures doivent maintenant être à la hauteur des pertes. Pour les adhérents du Prodiss, les pertes de CA seront de près de 2 milliards d’euros pour 2020.
Que vous inspire l’ouverture des parcs d’attraction ?
Malika Séguineau : On échange avec eux. Les protocoles sanitaires qu’ils proposent sont des modèles intéressants et nos questions sont communes. De notre côté, nous allons formuler nos préconisations prochainement.
Daniel Stevens : On est curieux. On suit ce qui se met en place, surtout dans la partie spectacle comme au Puy du fou.
Isabelle Gentilhomme : Dans les parcs, les gens arrivent de façon discontinue. Pour les salles, la gestion du flux pour une séance sera d’une grande complexité. Et on gardera des mesures de sureté, de façon cumulative.
PROPOS RECUEILLIS PAR YVES PERENNOU