Obésité infantile : « Il faut absolument arrêter d’exposer la jeunesse à la malbouffe »

— Par Vincent Geny —

L’UFC-Que Choisir a sorti mercredi 16 septembre une étude sur l’obésité infantile. Un fléau qui serait intimement lié à la publicité de produits alimentaires. Afin d’y remédier, l’association lance conjointement une pétition visant à interdire la promotion de la malbouffe.

Une épidémie. 17% des enfants sont concernés par l’obésité et le surpoids d’après une étude de l’UFC-Que Choisir sortie ce mercredi 16 septembre. Un chiffre de l’ordre de 3% dans les années 60. Il n’en fallait pas plus pour l’association de consommateurs pour tirer la sonnette d’alarme. Dans cette étude, ils notent que 76% des spots dédiés aux enfants concernent la restauration rapide, les confiseries ou encore le chocolat. Afin d’en finir avec ce fléau, ils ont lancé une pétition pour interdire la publicité de la malbouffe. Marianne a échangé avec le député MoDem Richard Ramos qui a fait de la lutte contre la malbouffe son combat politique.

Marianne : Ce mercredi 16 septembre, l’UFC que choisir a lancé une pétition visant à interdire par la loi les publicités pour la malbouffe. Comment est-elle encadrée aujourd’hui ?

Richard Ramos : Il existait une charte alimentaire qui n’a pas été reconduite en 2019 qui était une aberration. Elle consistait à autoriser les industriels à créer un danger pour nos enfants en échange d’un pourcentage qui servira à financer des programmes sur la santé. On se moque du monde ! Cet esprit n’était pas bon et il faut revoir l’approche. Malheureusement, les freins ne sont pas alimentaires mais économiques car les lobbyistes sont présents à tous les étages. Aujourd’hui quelques textes encadrent un peu la chose mais ils sont si peu présent qu’on peut dire qu’il n’y a pratiquement pas de garde-fous.

Seriez-vous prêt à suivre l’UFC en proposant vous-même un texte de loi interdisant la publicité pour la malbouffe ?

Oui, tout à fait ! Il faut absolument arrêter d’exposer la jeunesse à la malbouffe. Aujourd’hui on voit une poignée de gens qui se moque complètement de la santé de nos enfants et de leur rapport à l’alimentation. Ils ne veulent que faire de l’argent !

D’ailleurs, la courbe de l’obésité suit celle de la pauvreté, ce sont les plus modestes et les plus fragiles qui sont touchés en premier. Il faut préciser qu’autrefois, les pauvres mangeaient des légumes et les riches de la viande, tout est inversé désormais. En face, les lobbyistes vont expliquer que ça fera moins d’argent pour l’audiovisuel public mais je m’en fiche. En tant que députés, nous somme là pour protéger les gens.

Vous semblez donc disposé à amener un tel texte à l’assemblée. Est-ce un projet déjà sur les rails?

En ce moment, je suis sur une mission visant à réduire la présence de nitrites dans la charcuterie. Une fois terminé, oui, je ferai des propositions allant dans le sens de la pétition de l’UFC-Que Choisir. Un point de désaccord subsiste quand même avec ce qu’ils demandent. Lorsque l’on se penche sur le nutriscore (indicateur qui établit la valeur nutritionnelle d’un aliment, ndlr), le Coca Zéro a une super note alors que le camembert va en avoir une mauvaise. Sur le principe, je signe dès demain mais sur la méthodologie, je dois m’y pencher.

Parlant du nutriscore, 88% des produits promus par la publicité sont dans les deux classes nutriscore les plus mauvaises. Est-ce que ça signifie que le nutriscore n’est pas un indicateur assez puissant ? Devrait-il être plus contraignant ?

Pour commencer, il faut tout de même rendre hommage à Serge Hercberg. On lui doit ce chiffre et tous les industriels à l’époque ont dépensé des millions pour qu’il ne voit pas le jour. Maintenant, je pense qu’il faut l’affiner et inventer d’autres critères. Mon grand combat consiste à la mise en place d’une application publique d’aide à l’achat. Je crois à la force publique et avec une telle application, les consommateurs pourront choisir leurs propres critères de choix. Je pense à cette idée depuis le début des années 2000 et je compte le mettre sur la table à l’Assemblée dans les semaines qui viennent.

L’étude de l’UFC-Que Choisir montre également que les chaînes publiques évitent de mettre ces publicités sur les programmes pour enfants, ce qui n’est pas le cas des chaînes privées. Comment expliquer cette différence ?

La télévision publique est plus vertueuse. De leur côté, les chaînes privées sont là pour faire de l’argent. La protection des enfants pour les pubs qui passent à la télévision est très importante. Toutefois, il faut absolument étendre cette protection aux tablettes et aux smartphones. Nous devons éviter de mettre un boulet au pied des chaînes en laissant les Gafam proposer les mêmes publicités. Les plus jeunes ne regardent d’ailleurs presque plus la télévision.

Pourquoi est-ce qu’il faut attendre qu’une association lance une pétition pour que les choses bougent ?

De temps en temps, on est bien installé dans le confort de la pensée au lieu d’être dans l’action. Se battre contre les puissants est une position inconfortable. Voir les consommateurs se mobiliser pour faire infléchir les politiques est une bonne chose. Il faut que ça bouge !

Santé Publique France, tout comme l’Organisation Mondiale de la Santé, a déjà averti la France plusieurs fois au sujet de l’alimentation, pourquoi ça n’a pas eu d’effets ?

En réalité, les lobbyistes sont plus puissants que les politiques. Maintenant, j’estime qu’il n’y a pas de citadelle imprenable. Si on m’avait dit que mon combat pour défendre le lait cru contre le lait pasteurisé dans les camemberts était perdu d’avance. Il n’y a pas de combat gagné sans qu’on les mènent. C’est comme ça que je vois les choses. Arrêtons-nous de parler et focalisons-nous sur l’action.

Vous parlez de la puissance des lobbyistes, est-ce que l’interdiction est le seul moyen de se faire comprendre ?

À mes yeux il existe une seconde possibilité. Outre mon idée d’application publique, je souhaite que l’on intègre aux programmes scolaires la lecture des étiquettes. Personne n’apprend à lire les étiquettes alimentaires. Y remédier et permettre à nos enfants de savoir ce qu’ils mangent pour le reste de leur vie doit faire partie de ce que l’État doit à ses citoyens. J’ai déjà fait cette proposition au ministre de l’Education. Nous étions censés examiner cette idée juste avant que la pandémie de Covid-19 n’éclate, mais nous allons reprendre ce chemin.