« Nous, membres de La France insoumise et de la Nupes, demandons l’exclusion d’Adrien Quatennens »

— Collectif —

Condamné pour violences contre son ancienne compagne, le député du Nord ne peut rester au sein d’un mouvement affirmant être féministe, déclarent, dans une tribune au « Monde », plus de mille militantes et militants de LFI ou de la Nupes.

Nous, militantes et militants féministes de La France insoumise (LFI) des villes de Strasbourg, Toulouse, Le Havre (Seine-Maritime), Clermont-Ferrand, Marseille, Amiens, Rennes, La Roche-sur-Yon, Saint-Etienne, Montauban, Paris, Bordeaux, Talence (Gironde), Lyon, Cluny (Saône-et-Loire), Montpellier, Sevran, Le Blanc-Mesnil, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), Villeparisis (Seine-et-Marne), Pertuis (Vaucluse), Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), Poitiers, Périgueux, Lille, Le Mans, Maillezais (Vendée), des départements de l’Essonne, de la Loire, de la Martinique, de La Réunion et d’ailleurs, avec le soutien des féministes de toute la gauche, affirmons, à travers cette tribune, notre contestation des décisions prises par les dirigeants nationaux de LFI, ces dernières semaines.

Après la condamnation d’Adrien Quatennens à quatre mois de prison avec sursis et à 2 000 euros de dommages et intérêts pour des faits de violence sur sa conjointe, la décision de LFI était attendue par les militantes et militants.

Silence, consternation, puis explosion de colère chez une grande partie des militantes et militants « insoumis ». Ce n’est pas seulement une vague de dégoût que nous avons ressentie après les déclarations officielles du mouvement, c’est un véritable tsunami.

Il a ainsi été décidé, sans transparence ni concertation démocratique, qu’Adrien Quatennens pouvait réintégrer le groupe après quatre mois d’exclusion et un stage de sensibilisation sur les violences sexistes et sexuelles.

Face à une atteinte décisive à nos valeurs féministes prônées au sein de notre programme L’Avenir en commun et à celui de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), nous appelons les militantes et militants à l’insoumission.

Trahison

Immédiatement, cette décision indigne a provoqué un mouvement de contestation au sein des groupes d’action de LFI, notamment auprès des jeunes. Depuis lors, de nombreux communiqués ont été publiés appelant à un changement radical au sein du mouvement. Des critiques ont également été émises par des députés Nupes, non seulement vis-à-vis de la décision prise par la direction de LFI, mais également à la suite des propos tenus par M. Quatennens, lors de ses interviews sur BFM-TV et dans La Voix du Nord.

Cette situation fait naître des tensions importantes au sein de notre mouvement et dans ce nécessaire et précieux espace de dialogue qu’est la Nupes. Elle est révélatrice des limites d’un système vertical privilégiant la protection des cadres dirigeants aux dépens de la base militante et des programmes. Nous ne pouvons accepter cette trahison du programme L’Avenir en commun et de celui de la Nupes : le féminisme et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes.

Lorsqu’un groupe politique porte des programmes féministes, il se doit de lutter contre le système actuel et de cesser de protéger les agresseurs, surtout quand on sait qu’en France au moins 225 000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année.

Nous exprimons ainsi notre désaccord et nous contestons cette décision qui est contraire aux valeurs et au programme que nous avons portés. Le choix de maintenir M. Quatennens au sein du groupe parlementaire a été pris sans aucune concertation avec la base militante de LFI et des membres de la Nupes. Nous déplorons ces méthodes et leur systématisation, qui cassent la confiance des jeunes « insoumis » envers le mouvement.

Aucun agresseur n’a sa place dans nos partis

Pour la survie des principes et valeurs de LFI et de la Nupes, il est indispensable que notre mouvement soit exemplaire et transparent sur les réponses et les sanctions politiques à apporter en cas de violences sexistes et sexuelles commises par un membre élu ou salarié de la coordination nationale.

C’est pourquoi, nous, féministes intersectionnelles, militantes et militants, électrices et électeurs, élues et élus, ex-candidates et ex-candidats, personnalités de la société civile, condamnons les violences – reconnues par Adrien Quatennens sur son ex-compagne et condamnées par la justice – et adressons à cette dernière notre soutien inconditionnel.

Nous exigeons de disposer de cellules sur les violences sexistes et sexuelles à la hauteur des engagements féministes que nous portons et que cessent également tout muselage et toute exclusion des militantes ou militants qui n’iraient pas dans le sens de la « ligne ». Leur réintégration est une de nos conditions sine qua non.

Nous rappelons que les convictions féministes ne sont pas des hochets publicitaires de campagne politique que l’on agite au moment des élections : nos voix comptent, nos luttes comptent, nous changerons cette société violente, y compris contre vous, ceux et celles qui, même alliés politiques, défendent une ligne autocratique, violente, antiféministe protégeant les agresseurs. Appliquez vos promesses, agissez : oui, le privé est politique, aucun agresseur n’a sa place dans nos partis, nos organisations, nos institutions, dans nos hémicycles. Une députée ou un député vote les lois, qu’elle ou il soit nos voix, toutes nos voix, non celles d’une élite sans légitimité.

Nous dénonçons enfin les tentatives d’intimidation, le harcèlement et l’exclusion des canaux de communication de nos camarades par des salariés du siège, des membres de la coordination ou des proches des personnes élues.

Nous gardons notre détermination à mener la révolution sociale et à continuer la lutte contre le capitalisme et l’extrême droite. Mais cela ne se fera qu’au travers d’une unité inconditionnelle et essentielle des militantes et militants de la Nupes.

Il est temps d’être à la hauteur

LFI peut surmonter cette crise, comme elle a su le faire auparavant, à condition d’écouter les revendications de ses militantes et militants de terrain et de faire preuve de responsabilité vis-à-vis de ses engagements du programme commun de la Nupes.

Dans la continuité des communiqués publiés par plusieurs groupes d’action des jeunes de LFI, nous les soutenons et déclarons que la décision du groupe parlementaire LFI-Nupes est insuffisante au regard des faits de violence qui sont reprochés à Adrien Quatennens et pour lesquels il a été condamné.

L’exigence d’exemplarité pèse sur les représentantes et représentants politiques. Un homme qui a commis des violences physiques sexistes ne peut rester député d’un mouvement affirmant être féministe. Nous demandons par ailleurs l’exclusion d’Adrien Quatennens du groupe LFI-Nupes, et sa démission de l’Assemblée nationale.

Veillons aussi à ce que, à l’avenir, la question, grave et majeure, des violences sexistes et sexuelles au sein de LFI et de la Nupes soit traitée avec bien plus de sérieux et d’éthique, notamment en faisant de la cellule sur les violences sexistes et sexuelles un réel lieu d’écoute, géré par des associations neutres, loin de tout conflit d’intérêts. Pour cela, nous demandons la réécriture de la charte de LFI sur les violences sexistes et sexuelles sur les cas d’abus.

La démocratie n’est pas qu’un drapeau qu’on peut replier au premier coup de vent. L’omerta qui règne au sein du mouvement pose des problèmes de cohésion et d’organisation. Nous demandons une démocratie interne plus juste où les représentantes et représentants seront nommés et légitimés par les militantes et militants et non pas essentiellement par le cercle restreint du bureau national. La cohésion de nos mouvements réside dans le programme de L’Avenir en commun et dans le programme de la Nupes, faisons-le nôtre et mettons-le en place de manière concrète au sein de notre mouvement.

Nous avons créé l’espoir d’une union à gauche, il est temps d’être à la hauteur.

Nous avons pu rassembler toutes les forces de la gauche, nous devons être exemplaires et en ordre de bataille. Nous avons des combats à mener toutes et tous ensemble pour contrer ce gouvernement et ses mesures antisociales.

Vous nous demandiez de faire preuve de détermination et d’être implacables. Nous le sommes.

Nous ne céderons rien, car vous l’avez dit : nous avons raison.

Parmi les signataires : Agnès Aoudaï (LFI, Relève féministe) ; Nausicaa Bouaziz (LFI, Relève féministe) ; Rémi Durupt (LFI) ; Jean Hugon (LFI) ; Benjamin Kuntz (LFI) ; Alan Lambert (LFI) ; Karima Mokrani (LFI, Relève féministe) ; Paloma Pavan Nuñez (LFI, Relève féministe) ; Gabin Plantet (LFI) ; Alexandre Peuvot (LFI) ; Cécilia Poter (LFI, Mouvement des mères isolées) ; Yoann Quéré (LFI) ; Caroline Racine (LFI) ; Sasha-Lou Reza, écoféministe (Nupes) ; Stella Vauchelle-Touleron (LFI, Relève féministe).

La liste complète des signataires est accessible sur ce lien

Source : Le Monde