Moi, Pirandello

Vendredi 04 mars 20h. Tropiques-Atrium

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Autoportrait spirituel de Pirandello

— La chronique théâtre de Jean-Pierre Léonardini—

À partir de textes empruntés à l’œuvre de Luigi Pirandello (1867-1936), Jean-Claude Berutti a conçu Moi Pirandello (1). Il brosse ainsi un autoportrait spirituel de l’auteur de Ce soir, on improvise, dont le monologue d’ouverture et des extraits sont mis à contribution, ainsi que Je rêve, mais peut-être pas ; l’Homme à la fleur à la bouche et Colloques avec des personnages. Un montage subtil, où est donné à éprouver l’essence même du théâtre de celui qui affirmait : « Rien n’est vrai que cela ! Il n’y a qu’une certitude, c’est qu’il faut se créer ; c’est le seul moyen d’être soi. » On commence avec le monologue d’Inkfuss, le metteur en scène de Ce soir, on improvise, capo comico par excellence. Il annonce les réjouissances émotives à venir. Le rôle est tenu avec éclat par Christian Crahay, qui passe vite – à cause d’une sombre histoire de collier – de la figure de magicien à celle du mari jaloux de Mommina, dessinée avec une élégance suave par Nicole Oliver. Vient ensuite, après ce duo superbement pervers, la rencontre inopinée dans un bar de gare entre un homme malade à l’imagination galopante, attaché aux petits riens de la vie en attendant sa mort imminente (Axel de Booseré) avec celui qui a raté son train (Christian Crahay à nouveau). Auparavant, on a pu voir Jean-Claude Berutti en butler silencieux, le comble du metteur en scène.

La représentation ne laisse pas d’être attachante, grâce à l’ingéniosité dramaturgique et l’engagement savant des trois comédiens belges plus haut cités. La scénographie et les costumes (Rudy Sabounghi) témoignent d’un raffinement devenu rare. Un film vidéo, dû à Florian Berutti, « bergmanise » sobrement l’aventure de Mommina. Trois marionnettes (d’Anne-Laure Fériot), manipulées par les acteurs, complètent la distribution. Cette réalisation, d’une facture classique de bon aloi (soit sans acrobaties stylistiques intempestives), attentive par-dessus tout à un jeu apte à rendre au mieux les complexités d’âmes, charnelles aussi bien, d’un maître ancien encore moderne, nous rappelle ce mot de Moravia : « Si le drame bourgeois a finalement laissé place à la tragédie humaine, c’est à Pirandello que nous le devons. »

D’une facture classique de bon aloi (soit sans acrobaties stylistiques intempestives).

L’Humanité

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Luigi Pirandello (1867-1934)
Écrivain italien, poète, auteur de nouvelles et dramaturge, son œuvre a été récompensée du Prix Nobel de littérature en 1934 pour avoir « révolutionné les techniques de la dramaturgie moderne » avec des thèmes traités entre illusion et réalité.
Le spectacle propose un portrait théâtral de l’écrivain sicilien à partir de quelques-unes de ses figures les plus abouties. Le metteur en scène Hinkfuss, l’Homme en habit, Verri, Mommina, l’Homme à la fleur sont autant de personnages qu’interpréteront trois comédiens et cinq marionnettes, dans un style se rapprochant autant du cabaret berlinois que du théâtre de poupées siciliennes ou du cinéma néo-réaliste et même du grand opéra… Notre règle est de faire chanter les qualités d’humoriste de Pirandello en exaltant dans une seule soirée ce qu’il appelait « le sentiment des contraires » …

Pièces présentées :
– Ce soir, on improvise (monologue d’ouverture)
– Je rêve, mais peut-être pas
– Ce soir, on improvise (Extraits)
– L’homme à la fleur à la bouche

Jalousie, puissance de l’imagination, besoin de se raconter des histoires, vertu prise au piège seront les motifs avec lesquels nous ferons voyager les spectateurs à travers trois chefs d’oeuvre brefs du merveilleux conteur sicilien.

JEAN-CLAUDE BERUTTI
Il a monté Brecht, Ionesco, Molière, Tchékhov, Tabori, Dvorak, Martin du Gard, Mann, Verdi, Sbrjanovic, Goldoni, Sciarrino, Berio, Pinter, Bruni-Tedeschi, Gorki, Akakpo, Shakespeare, Wagner, Schnitzler, Schiller, Goethe… Il a mis en scène la troupe de la Comédie Française dans « Les Temps difficiles » de Edouard Bourdet en 2008, et a dirigé deux des théâtres français les plus emblématiques : Le Théâtre du Peuple de Bussang et la Comédie de Saint-Etienne entre 1997 et 2010. Parallèlement, il a présidé la Convention Théâtrale Européenne et développé ce réseau pour en faire le premier réseau européen de théâtre public. Jean-Claude Berutti est artiste associé au Théâtre de Roanne depuis 2015. Il met en scène régulièrement en Allemagne (cette année au Kammerspiele de Hambourg « Intouchables » et «Nos femmes ») et en Belgique (où il vient de jouer dans « La petite Catherine de Heilbronn » de Kleist) et développe par ailleurs une activité de traducteur en collaboration avec Silvia Berutti-Ronelt.