Longue vie au festival Mai.Poésie

— Par Jean Erian Samson —

Le monde est en manque de poésie, le constat est clair. La parole poétique est portée par une minorité, que je considère comme des combattants. Les actes poétiques sont moindres et le Poème est malheureusement peu circulé, sinon quelques tentatives qui émergent des sphères alternatives, des collectifs où cette parole demeure. Nous pouvons facilement inventorier ces espaces d’ailleurs qui prennent formes de revues, de tribunes ou de festivals. Je pense comme l’a dit Constant, dans la revue Cobra en 1949, que « C’est notre désir qui fait la révolution » et j’ajoute que la révolution n’est nullement possible sans s’accrocher à l’auro poétique qui émane du plus profond de nous-même et qu’on ignore souvent. Tout ça pour vous dire combien l’intérêt que représente ce nouveau festival de poésie est grand.

Il est urgent de parler la poésie, de la faire parler surtout ; on a souvent tendance à étouffer la parole des arbres, le chant des oiseaux, le murmure des vagues, et parler à leur place. Oui, il est urgent de donner voix au Poème, le seul, je dis bien le seul qui peut nous dédouaner des blessures béantes qui agonisent le monde, l’unique brèche fragile où la beauté se glisse. Il nous faut créer, aimer et sourire continuellement. Il nous faut inventer, sans arrêt, des espaces nouveaux, des publications nouvelles – loin de l’individualisme à outrance qu’on nous prône au quotidien – pour l’épanouissement de la poésie, pour se rencontrer, mais aussi pour partager, fêter et danser. Ma préoccupation ici rejoint d’emblée celle de Mallarmé qui avait déclaré ceci au sujet de l’apport des espaces similaires, telles les revues de poésie, qui ne peut être que fertile dans un vrai processus de transformation sociale et politique, il avait dit ceci : « la transformation sociale et politique ne se fera que le jour où, dans tous les bourgs (les gros villages de deux à trois mille habitants), il n’y aura une revue de poésie qui va réunir dix à douze personnes. »

La Martinique accueille ce mois de mai 2022, un espace flambant neuf dédié à la poésie et j’espère que d’autres suivront. Je me réjouis de cette nouvelle. Et le fait d’être convié à apporter ma pierre à l’édifice, accroit mon émerveillement. Mes remerciements vont à l’endroit du staff organisateur, l’association Balisaille, et de toutes celles et ceux qui ont répondu à ce cri. Pour finir, j’aimerais tant vous rappeler que Martinique est l’une des terres où le feu de la poésie bouillonne encore. Donc ce festival participe de cette dynamique poétique vivace dont l’île ne s’est jamais affranchie. Tant mieux !

Limoges, Lundi 2 mai 2022