L’insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791)

Ce volume réunit les actes de la table ronde qui s’est tenue à Port-au-Prince, en décembre 1997, autour de la commémoration de l’événement fondateur de la révolution haïtienne, la cérémonie du Bois Caïman, censée s’être déroulée dans la nuit du 22 au 23 août 1791, sur l’habitation Choiseul, dans la grande plaine du nord de Saint-Domingue. Cette rencontre reçut le soutien de nombreuses associations et institutions de la République de Haïti.

Mais, d’abord, cet événement eut-il bien lieu ? Nous sommes en droit de nous interroger, car nous sommes entre mythe et histoire. David Geggus s’efforce de démêler les deux plans ; sur le plan historique, il y eut bien réunion des chefs du futur soulèvement le 14 août, ce dernier devenant effectif le 22 août. Entre les deux dates, si les rares témoignages laissent penser qu’il y eut une (ou plus vraisemblablement plusieurs) cérémonies pour sceller le pacte conspiratif, on en est réduit aux conjectures. Robin Law rappelle les rituels initiatiques de la côte africaine, et particulièrement le « pacte de sang » dahoméen ; mais, là encore, aucun témoignage direct (ceux qui nous sont parvenus relèvent majoritairement de la tradition orale, et sont largement postérieurs) ne permet de dire que nous ayons eu affaire à des rituels de ce type.

En revanche, nul ne saurait nier la matérialité et l’importance de la révolte servile qui embrase la plaine la plus fertile de la « perle des Antilles » fin août 1791, orientant la révolution caraïbe, effective depuis 1789, dans un sens radicalement nouveau. Une première série de communications s’efforce de mesurer le retentissement de cette révolte. Laënnec Hurbon précise la position du clergé catholique face à l’insurrection, soulignant que la grande majorité des prêtres des paroisses du nord était favorable aux insurgés. Florence Gauthier rappelle les débats métropolitains suscités par l’évolution de la situation aux colonies, tandis que Marcel Dorigny mesure les ambiguïtés du mouvement abolitionniste métropolitain, les positions de la Société des Amis des Noirs étant jusque-là celle d’une abolition par étapes. Pour les conséquences de l’événement sur le cours de la révolution haïtienne, Carolyn Fick cherche à préciser la portée exacte de la revendication des insurgés, la destruction du système de la plantation et l’avènement d’une paysannerie libre, en décalage, et souvent en contradiction avec les stratégies autonomistes des cadres présents et futurs de l’armée noire. Sur un plan plus théorique, Vertus Saint-Louis, analysant les textes législatifs et le vocabulaire de la révolution, transpose les contradictions sur le plan d’une opposition entre campagnards africains et citoyens citadins, tandis qu’Yves Bénot interroge le lien entre la révolte servile et l’article 35 de la Déclaration des droits de 1793 qui reconnaît le droit à l’insurrection.

4Michel Hector dégage les traits culturels et politiques qui forment, selon lui, les éléments d’un protonationalisme populaire : la petite production et les marchés vivriers, la langue créole et le culte vaudou.

5Les interrogations sur les acteurs de la révolte de 1791 conduisent tout naturellement à revenir sur la traite : Leif Svalesen parle d’un commerce négrier moins connu que les commerces français, anglais et hollandais : la traite des Noirs dano-norvégienne. Enfin Mbaye Gueye relie les révoltes antillaises aux résistances africaines à la traite.

6Puisque la table ronde s’inscrit dans une série de moments commémoratifs, ce volume est l’occasion de mise au point de nature patrimoniale, qu’il s’agisse de s’interroger sur la place (ou les occultations) de l’esclavage dans les musées (Carlo Avier Célius), tandis que Claude Moïse présente le projet d’un dictionnaire historique de la révolution haïtienne (1789-1804).

7L’essentiel des débats auquel a donné lieu cette table ronde est rassemblé en annexe autour de quelques points : la place des femmes dans l’insurrection, la nature des sources, le facteur culturel dans l’insurrection, les positions de la Société des amis des Noirs.

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Pour citer cet article
Référence papier
Bernard Gainot, « L’insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791), sous la direction de Laënnec HURBON, Paris, Éditions Karthala, 2000, 268 p. », Annales historiques de la Révolution française, 331 | 2003, 191-192.

Référence électronique
Bernard Gainot, « L’insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791), sous la direction de Laënnec HURBON, Paris, Éditions Karthala, 2000, 268 p. », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 331 | janvier-mars 2003, mis en ligne le 18 avril 2008, consulté le 23 août 2020. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/4832