— Par Yves-Léopold Monthieux —
On ne sait lequel des Trois mousquetaires de la ville de Fort-de-France avait trouvé l’appellation Rond-Point du Vietnam héroïque. Très certainement le meilleur d’entre eux, à moins que ce ne fut une géniale trouvaille collégiale. Laquelle en avait interloqué plus d’un du côté des bâtisseurs. Dès l’instant que la municipalité avait pris une position peu douteuse sur la guerre du Vietnam, la dénomination était pleine de sens politique. En 1972, en plein affrontement, l’heure était encore à l’héroïsme et non au résultat. De sorte que le timing convenait parfaitement. Trois années plus tard, il aurait été possible de l’appeler Rond-Point de la victoire du Vietnam.
Le supplice du consul américain
On n’avait pas attendu cette victoire qui allait être obtenue en 1975, et préféré saluer le dynamisme du moment. La guerre était bien loin, la solidarité virtuelle. On n’avait pas bâti l’ouvrage, on n’avait fait que la suivre de loin, le front soupçonneux envers son porteur. Puis, loin des bâtisseurs, on avait mis la plaque : pas cher payé, mais chère aux cœurs. Et l’on pouvait éprouver, c’est l’un des mousquetaires qui l’avoue, le plaisir d’imaginer le supplice du consul américain qui chaque matin empruntait ce carrefour en lisant l’inscription sur la plaque militante et prédictive : Rond Point du Vietnam héroïque.
Cependant l’histoire du Rond-Point n’a pas commencé par la pose d’une plaque. L’ouvrage d’art du quartier Didier fut le plus important de la dizaine d’autres bâtis au cours de la plus importante opération de désenclavement de Fort-de-France. Elle avait été menée à bien avec forces réticences de la part de l’édilité qui s’inquiétait que le parcours ne bousculât pas le bon citoyen de sa “ceinture rouge” et ne fît pas trop la preuve des capacités des autres. D’où le détournement du tracé initial et, après un long et coûteux arrêt des travaux, la descente accidentogène vers le centre-ville.
“Il n’était pas des nôtres”
Certes, parrainer le carrefour c’était bien et on lui avait trouvé ce nom de baptême fort à propos. Le réaliser, ce n’était pas mal non plus. Pourquoi alors ne pas distinguer celui qui a construit cet ouvrage d’importance, la Rocade de Fort-de-France ? Plus généralement, avec la dizaine d’ouvrages d’art de celle-ci, ajoutés à toutes les voies qu’il a ouvertes dans l’île, Michel Renard a été très certainement le plus grand bâtisseur de routes à la Martinique. Mais comme dirait l’un des illustres parrains, “il n’était pas des nôtres”. Ainsi va la Martinique.
Fort-de-France, le 25 mai 2025
Yves-Léopold Monthieux