« Les territoires radiographiques » de Philippe Thomarel à la Fondation Clément

thomarel_pontif-1— Par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret —

UNE RESURRECTION DE L’EMOTION

Une dose carabinée de violence contenue, voilà ce que Philippe Thomarel impose à son art pictural. Avec « Les territoires radiographiques » sa dernière exposition, il chevauche le déséquilibre où sa perception plus aiguë des choses rend l’artiste capable d’éprouver des émotions rares. Mettant l’humour entre parenthèses Thomarel privilégie ici la noirceur pour mieux insinuer la lumière dans sa matière.

L’artiste dépeint une atmosphère sombre, volontairement pesante, décrite par les jeux du noir et du blanc tranchés dans des toiles ou sur bois, représentant des hommes, des chiens, des ponts. Des visages aux expressions fortes, parfois figées en un cri, témoins d’indignations muettes, crâne et barbe mal rasés, au regard noir d’une colère non dite, traits creusés, tirés au couteau comme parachevant l’expression. Des ponts aux jambages croisés quadrillent un espace quelque peu romantique. Ses brumes de fumée charbonneuse, ses ciels poudreux aux nuages de suie grasse nous invitent à la nostalgie d’un Turner au petit train. Des chiens tous casqués d’une toque leur engonçant la tête, nous immergent dans une ambiance confinée. Comme pour pointer du doigt le risque d’aveuglement qui guette chaque être qui se croit libre. Car il s’agit d’une multitude de regards sur les choses, autant que sur la vie. Témoignages parlants de ce que l’artiste se figure ou pas du monde, disant le pourquoi, traduisant le comment en devenir.
Une vision inquiétante et évidente

Tout son univers est précipité par un discours agrégé dans un espace temps qui est œuvre de réflexion et de philosophie. C’est par ce sens qu’il perçoit toutes choses dans une pureté, aussi bien des formes, des couleurs, des expressions, et jusqu’au son du monde nu et matériel. Les plus subtils mouvements de la vie intérieure lui permettent de voir en lui et autour de lui une nouvelle vision inquiétante et évidente et c’est dans l’émergence à la conscience d’un contenu émotionnel neuf, qu’un présent s’inscrit en lui et il le peint. C’est la vie intérieure des choses qu’il voit transparaître à travers leurs formes et leurs visages. Il les fait entrer peu à peu dans notre perception d’abord déconcertée. Il nous détache des préjugés de formes, ces ombres qui s’interposent entre notre œil et la réalité. « Il réalise ainsi la plus haute ambition de l’art, qui est ici de nous révéler la nature »

UNE POSSIBILITE DE COMMUNION
Ce qui émerge de ce dialogue, c’est que Philippe Thomarel fait confiance à l’imagination pour inventer une interface brute, qui nous suggère des choses que le langage n’est pas fait pour exprimer. L’artiste, au demeurant atrabilaire heureux, stimule opportunément notre réflexion. Il nous invite à secouer les torpeurs et à discuter le raisonnement social asservissant, par des allusions incontestables à un univers kafkaïen.
Christian Antourel
& Ysa de Saint-Auret.

Pratique
Exposition personnelle
Habitation Clément- Le François.
05 96 54 75 51
Case à Léo
Jusqu’au 14 septembre 2014
De 9h à 18h
Entrée libre.
Texte paru dans France Antilles Magazine