« Les routes de l’esclavage », la série à ne manquer sous aucun prétexte

« Les routes de l’esclavage », formidable série documentaire en quatre volets, ressuscite l’histoire de la traite des êtres humains depuis 476 après J.-C.

— Par Nebia Bendjebbour —

En France, l’esclavage a été aboli en 1848. Et la loi Taubira – qui porte sur la reconnaissance comme crimes contre l’humanité de la traite et de l’esclavage -, promulguée en 2001. Réalisée par Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant, cette ambitieuse série documentaire en quatre volets retrace le système criminel qui a façonné notre monde, dessiné ses frontières et entaché notre histoire jusqu’au XIXe siècle. D’éminents historiens, chercheurs, spécialistes de différents pays y décryptent le système mis en place et les raisons pour lesquelles il a perduré jusqu’à aujourd’hui dans certains pays. Des journalistes de CNN ont en effet révélé en novembre dernier que des migrants africains étaient vendus en Libye. Combien de Noirs sont-ils assassinés par la police aux Etats-Unis ou au Brésil ? Comment sont-ils traités partout dans le monde ? Le documentaire aborde la question de la traite négrière d’un point de vue non pas éthique mais économique.

476 après Jésus-Christ, Rome s’effondre sous la poussée des invasions barbares. Sur les ruines de l’empire romain, les Arabes bâtissent un nouvel empire qui s’étend des rives de l’Indus jusqu’au Sud du Sahara. Entre l’Afrique et le Moyen-Orient se tisse durablement un immense réseau de traite d’esclaves … (© Olivier Patté/CPB Films)

Après l’effondrement de l’Empire romain, les Arabes conquièrent des territoires qui s’étendent des rives de l’Indus jusqu’au sud du Sahara. Du Caire à Tombouctou, la reconstruction des villes et les guerres – le moteur de l’esclavage – vont, pendant sept cents ans, nécessiter de la main-d’œuvre, celle que fournissent les populations subsahariennes.
L’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch analyse :

« Les Arabo-musulmans vont chercher les esclaves non musulmans. Donc, d’une autre culture. L’esclave n’était pas différencié par sa couleur, ça, ça ne comptait pas, il était différencié par sa culture, il n’avait pas la culture du dominant ».

Au XIVe siècle, l’Europe entre en jeu et, notamment, le Portugal qui se lance à la conquête de l’Afrique, en allant y chercher de l’or. Les Portugais mettent en place les premières colonies entièrement peuplées d’esclaves, le point d’origine d’un gigantesque commerce d’êtres humains destinés à travailler dans les plantations sucrières. L’historien David Eltis analyse :

« 74 % des esclaves déportés l’ont été à cause du sucre. Pour bien comprendre le commerce des esclaves, il suffit de connaître son histoire ».

1480… A Sao Tome, au large des côtes africaines, les Portugais inventent le système d’exploitation le plus rentable de tous les temps : la plantation sucrière. Un siècle plus tard, toute l’Europe cherche à les imiter. À produire à l’infini de la canne à sucre pour devenir riche, démesurément riche (© Olivier Patté/CPB Films)

L’Atlantique devient ainsi le champ de bataille de la guerre livrée autour de cette denrée alimentaire. Au XVIe siècle, les Européens ne reculent devant rien pour assouvir leur soif de fortune. La quête du profit va se faire aux dépens d’un continent, l’Afrique, et le plonger dans le chaos.

Considéré comme une force de travail, nié dans son humanité et mis au service d’un système capitaliste,  « l’homme » devient un outil comme un autre avec la bénédiction des hautes autorités religieuses et gouvernementales. Mais au XIXe, les abolitionnistes dénoncent les pratiques barbares des négriers. Au total, entre 25 et 40 millions de personnes ont été déportées, vendues et réduites en esclavage pendant plus de treize siècles. Il faut absolument voir cette série, récit encyclopédique et éclairant de notre histoire à tous.

Mardi 7 juillet à 20h50 sur Arte. Documentaire de Daniel Cattier, Juan Gelas, Fanny Glissant. 4 x 50 min. (2018). (Disponible en replay jusqu’au 4 septembre sur Arte.tv).

Source : L’Obs