L’éphéméride du 29 septembre

16 septembre 1929 : le brusque réveil de la Pelée

Massacre de Babi Yar les 29 et 30 septembre 1941

— Par André-Marc Belvon —

Une vue de la ville de Saint-Pierre en 1929. – Archives Territoriales de Martinique

Il était environ 22 heures ce lundi 16 septembre 1929 quand une détonation surprenait les Pierrotins qui avaient fait le pari de rebâtir la ville martyre. Le cratère de la Pelée venait de vomir une grande colonne composée de vapeurs et de cendres. 27 ans après, le volcan se réveillait en grondant et en fumant.

«Les quelques nouveaux toits épars et les passants déjà nombreux rencontrés par les voies déblayées, semblent légitimer la confiance de ceux qui espèrent voir renaître la ville de ses ruines. La crainte du volcan chez beaucoup a disparu (…) ». Ces quelques lignes sont de Gustave Thomas Louis Achille, premier Noir en 1905 à être reçu au concours d’agrégation d’anglais, ancien président de l’Union des sociétés martiniquaises des sports athlétiques (USMSA) (Lire Mémoire Sensible du 22 octobre 2021), dont le stade de Bellevue porte le nom. Elles sont extraites d’une étude qu’il a publiée en décembre 1915, dans le Bulletin d’Histoire de la Martinique N°8. Lui qui fit ses études au lycée de Saint-Pierre, avant la destruction de la ville en 1902, ajoute : « L’effroi, la douleur, les regrets planent encore sur la cendre refroidie, mais le temps poursuit son œuvre lente d’indifférence, et déjà, des brousailles folles vivent sur cette scène de mort ». C’était 10 ans après le réveil de la montagne Pelée dont la dernière phase éruptive s’était étalée entre 1902 et 1905. Beaucoup de courageux avaient en effet déjà mis de l’entrain pour rebâtir (lire encadré ci-joint) tous les anciens quartiers de la ville martyre, et plus particulièrement ceux du Mouillage et du Centre. Au point où les autorités allaient décider d’y rétablir la vie municipale. Elle devenait réalité par la loi du 20 mars 1923, promulguée à la Martinique par arrêté du gouverneur Richard en date du 26 avril 1923. Et le premier maire de la ville renaissante fut Louis Ernoult, élu le 17 juin 1923. Il avait été le premier adjoint au maire de Saint-Pierre en 1902.

Panique

Le lundi 16 septembre 1929, Saint-Pierre s’endormait avec ses 3500 habitants environ quand vers 22 heures, une détonation les a subitement mis en émoi. La montagne Pelée vomissait une grande colonne de fumée noire, zébrée d’éclairs, de vapeurs et de cendres. Et si la Pelée avait décidé de tuer encore ? Une véritable panique s’empara des habitants de Saint-Pierre et du Morne-Rouge. Beaucoup d’entre eux décidèrent de s’enfuir vers les bourgs de Fonds-Saint-Denis et du Carbet. Les secours s’organisèrent rapidement. Dès le lendemain, les autorités décidaient de mettre des bateaux et des camions à la disposition de tous ceux qui désiraient se réfugier à Fort-de-France. « Près de 1500 fugitifs ont abandonné leurs foyers entre le 16 et le 18 septembre 1929 », relate Césaire Philémon dans un ouvrage publié en 1930 (1). Il ajoute : « Ils ont été logés dans les écoles de la ville de Fort-de-France ainsi qu’au Pensionnat Colonial et à l’Asile des vieillards. Le jeudi 18, on comptait à peine 30 personnes à Saint-Pierre. C’était surtout des gendarmes et des marins qui veillaient au maintien de l’ordre et protégeaient les maisons abandonnées des pilleurs éventuels »….
Source: France-Antilles Martinique le 27/05/22

Massacre de Babi Yar les 29 et 30 septembre 1941

Le massacre de Babi Yar est le plus grand massacre de la Shoah ukrainienne par balles mené par les Einsatzgruppen en URSS : 33 771 Juifs1 furent assassinés par les nazis et leurs collaborateurs locaux, principalement le 201e bataillon Schutzmannschaft, les 29 et 30 septembre 1941 aux abords du ravin de Babi Yar.

D’autres massacres eurent lieu au ravin de Babi Yar dans les mois suivants, faisant entre 100 000 et 150 000 morts (Juifs, prisonniers de guerre soviétiques, communistes, Tziganes, Ukrainiens et otages civils) jusqu’à la mise en place en 1942 du camp de concentration de Syrets.

Babi Yar (« ravin des bonnes femmes »2 ; en russe : Бабий Яр ; en ukrainien : Бабин Яр, Babyn Yar ; en polonais : Babi Jar) est un lieu-dit de la ville de Kiev (Ukraine) entre les quartiers de Louk’ianivka (Лук’янівка) et de Syrets’ (Сирець).

Un contexte particulier : la conquête nazie de l’Union soviétique
Arrivée de la Wehrmacht en Ukraine

Le 22 juin 1941, plus de trois millions de soldats allemands envahissent le territoire soviétique. En quelques semaines, l’occupation des pays baltes et de la partie orientale de la Pologne est effective. Sur quatre millions de Juifs vivant en URSS au début de l’opération, un million et demi fuient et les autres tombent sous le contrôle des forces nazies. Babi Yar marque une étape importante dans le processus d’extermination des Juifs d’Union soviétique qu’a été la « Shoah par balles ». La Wehrmacht a en effet l’ordre de conduire durant l’été 1941, en cent jours, une guerre contre l’« ennemi judéo-bolchévique ». La population est alors divisée en trois catégories3 :

les nationalistes ukrainiens, notamment du OUN(B) de Stepan Bandera dont on recherche la collaboration, notamment dans les actions contre les Juifs et les communistes,
les membres du NKVD et les Juifs que l’on cherche à exterminer,
le reste de la population que l’on va chercher à asservir.
C’est au tournant de l’été 1941 que l’extermination des Juifs soviétiques se met en marche notamment par la création des Einsatzgruppen (« Groupes d’intervention ») qui sont répartis en quatre commandos à l’arrière de l’armée, qui couvrent le front pour « assurer la sécurité des territoires occupés », et qui ont pour mission d’assassiner les Juifs et commissaires politiques communistes de l’URSS. Chaque commando compte entre 500 et 1 000 hommes. Ils sont chargés d’« opération mobile de tuerie » (Hilberg). À Kiev, c’est l’Einsatzgruppe C, rattaché au groupe Sud de la Wehrmacht, qui agit.

Le 28 juillet, le Generalmajor Kurt Eberhard ordonne au Höhere SS- und Polizeiführer Friedrich Jeckeln, qui dirige l’Einsatzgruppe C, d’abattre tous les Juifs d’Ukraine occidentale en suivant la progression des chars allemands. Bien que n’ayant alors pas encore reçu de Jeckeln l’ordre officiel d’extermination, c’est dès début du mois d’août 1941 que le Sonderkommandos 4a de l’Einsatzgruppe C se déploie réellement en territoire ukrainien (sous le commandement du SS-Brigadeführer Otto Rasch et de l’Einsatzgruppe 4a du SS-Standartenführer Paul Blobel).

Massacres préliminaires
C’est la pendaison publique de deux Juifs suivie de la fusillade de 400 autres et d’autres civils qui marque le début réel de l’extermination4. Aucun secret n’entoure les massacres, contrairement à la discrétion qui prévaudra par la suite5.

L’entrée à Kiev et le piège soviétique
Le 19 septembre 1941, la Wehrmacht entre dans Kiev, qui compte 900 000 habitants dont 120 000 à 130 000 Juifs6.

Les Panzergruppen allemands ont encerclé Kiev pour enfermer une forte concentration de soldats russes. Le 26 septembre 1941, Kiev est prise et plus de 665 000 soldats soviétiques sont faits prisonniers7. À ce moment, une grande partie des Juifs ont pu quitter la ville8.

Les forces spéciales du NKVD présentes à Kiev, connaissant la tactique d’occupation des Allemands, ont préparé un gigantesque piège. L’armée allemande a pour habitude d’utiliser les installations officielles comme postes de commandement, symbolisant leur prise officielle de pouvoir en s’établissant dans les sièges locaux du gouvernement soviétique mais aussi dans les locaux du Parti communiste. Ce faisant, le NKVD a dissimulé plus d’une dizaine de milliers de charges explosives et de mines dans la plupart des bâtiments publics et laissé un commando sur place chargé de les faire sauter une fois les Allemands en position dans l’espoir de décimer le commandement de la Wehrmacht de la zone, renouvelant ainsi la longue tradition russe de politique de la terre brûlée.

Les charges sont mises à feu le 24 septembre, déclenchant un gigantesque incendie qui dure cinq jours et tue des milliers de soldats allemands9.

« C’était le 24 septembre, vers quatre heures de l’après-midi. L’immeuble de la Kommandantur, avec le Monde des enfants au rez-de-chaussée, sauta. […] Une colonne de feu et de fumée jaillit au coin de la rue Proreznaïa. La foule se mit à courir : les uns fuyant le lieu de l’explosion, les autres, au contraire, accourant pour voir. […] La panique s’empara de la foule. L’avenue Krechtchatik était effectivement en train de sauter. »

Le général de la Wehrmacht Alfred Jodl témoigne lors de son procès à Nuremberg :

« […] Nous avions à peine occupé la ville, qu’il y eut une suite d’énormes explosions. La plus grande partie du centre-ville était en feu ; 50 000 personnes se trouvaient sans toit. Des soldats allemands furent mobilisés pour combattre l’incendie ; ils subirent d’énormes pertes, car pendant qu’ils luttaient contre le feu, d’autres bombes explosèrent encore… Le commandant de la place de Kiev pensa d’abord que la responsabilité du désastre incombait à la population civile locale. Mais nous avons trouvé un plan de sabotage qui avait été préparé longtemps à l’avance et qui avait listé 50 à 60 objectifs, prévus pour être détruits. Les techniciens ont immédiatement prouvé que le plan était authentique. Au moins 40 autres objectifs étaient prêts à être détruits ; ils devaient sauter grâce à un déclenchement à distance par ondes radio. J’ai eu en mains le plan. »

— Général Alfred Jodl

Le massacre
Le martyre des Juifs par les nazis
Après les attentats de l’avenue Krechtchatik10 perpétrés par les agents du NKVD en plein cœur de Kiev à la suite de l’arrivée des troupes allemandes dans la ville, ce sont les Juifs qui seront tenus pour responsables et massacrés à Babi Yar.

Blobel prépare dès le 25 septembre la « grande action », soit la liquidation des Juifs de Kiev, à la suite de ces attentats. L’enquête de Michaël Prazan dans le chapitre XII de son livre Einsatzgruppen permet de comprendre comment l’extermination des Juifs de Kiev a été à la fois un projet porté par l’administration nazie et un événement contingent qui s’est adapté aux circonstances particulières de l’invasion des nazis en Ukraine, et notamment à l’entrée de la Wehrmacht à Kiev.

À la suite de ces actes de sabotage, le 28 septembre, un communiqué ordonne à tous les Juifs de Kiev et des environs de se présenter le lendemain, jour de Yom Kippour

« Tous les Juifs de Kiev et de ses environs devront se présenter le lundi 29 septembre 1941 à 8 heures du matin à l’angle des rues Melnikovskaïa (près des cimetières). Ils devront être munis de leurs papiers d’identité, d’argent, de leurs objets de valeurs, ainsi que de vêtements chauds, de linge, etc. Les Juifs qui ne se conformeront pas à cette ordonnance et seront trouvés dans un autre lieu seront fusillés. Les citoyens qui pénétreront dans les appartements abandonnés par les Juifs et s’empareront de leurs biens seront fusillés. »

— Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, Robert Laffont, 2011, p. 93

Un certain nombre d’habitants de Kiev, juifs ou non, pensent qu’il s’agit d’une réquisition de main-d’œuvre ou d’une déportation12.

Le déroulement du massacre
Les tueurs sont des SS ou des policiers allemands membres du Sonderkommando, dirigé par Paul Blobel13, mais aussi des membres de la Waffen SS, de l’Ordnungspolizei. Babi Yar est un ravin aux abords de Kiev creusé par une rivière qui devint en deux jours le lieu d’anéantissement par les nazis de la population juive de la ville, dans sa totalité, à l’exception des hommes jeunes partis au front, et des rares évacués14. Des colonnes de Juifs y sont ainsi amenés, brutalisés par les Ukrainiens, forcés de se déshabiller et de s’allonger contre la paroi du ravin de 150 mètres de longueur, 30 mètres de largeur et 15 mètres de profondeur15. Dans son ouvrage, Anatoli Kouznetsov recueille le témoignage d’une des survivantes de ce massacre :

« Dina se frayait avec peine un chemin dans la foule, de plus en plus inquiète, et c’est alors qu’elle vit un peu plus loin, tout le monde déposait ses affaires : les vêtements, les paquets et les valises dans le tas de gauche, et toutes les provisions à droite. Les Allemands faisaient avancer les gens par groupe : ils en laissaient passer un, attendaient, puis au bout d’un certain temps en laissaient passer un autre, les comptaient, comptaient … et stop. »

— Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, éditions Robert Laffont, 2011, p. 103

Dans son Histoire de la Shoah, George Benssoussan retranscrit le témoignage d’un membre du commando spécial SK4a, Kurt Werner :

« (…) Immédiatement après mon arrivée sur les lieux d’exécution, j’ai dû descendre au fond de ces gorges avec mes camarades. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que les premiers Juifs soient amenés et descendent la pente. Les Juifs devaient se coucher le visage contre la paroi du gouffre. Au fond du gouffre, les tireurs avaient été divisés en trois groupes d’environ douze hommes. Les Juifs étaient tous conduits en même temps aux pelotons d’exécution. Les suivants devaient s’allonger sur les corps de ceux qui venaient d’être exécutés. Les tireurs se mettaient derrière eux et les abattaient d’une balle dans la nuque. Je me souviens encore aujourd’hui qu’ils étaient saisis d’épouvante dès qu’ils arrivaient au bord de la fosse, et apercevaient les cadavres. Beaucoup d’entre eux, terrifiés, ont commencé à crier. »

— Ernst Klee, Willy Dressen, Volker Riess, Pour eux, « c’était le bon temps » la vie ordinaire des bourreaux nazis, Plon, 1990, p. 61

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Les Juifs de Kiev se rassemblèrent au lieu ordonné, s’attendant à être embarqués dans des trains : « Comme bien des gens, elle avait cru jusque-là qu’un train les attendait. »16. La foule était suffisamment dense pour que la majorité ignorât ce qui se passait en réalité :

« Dans la foule, on percevait des bribes de conversation :

C’est la guerre, c’est la guerre ! On nous emmène quelque part plus loin où c’est plus tranquille.
Et pourquoi seulement les Juifs ? »17
Ils furent conduits à travers un corridor formé de soldats, roués de coups de crosse, puis forcés à se déshabiller et conduits au bord du ravin et exécutés. « […] ils pénétrèrent dans un long passage ménagé entre deux rangées de soldats et de chiens. Ce couloir était étroit, d’un mètre cinquante environ. Les soldats se tenaient épaule contre épaule, les manches retroussées, et tous étaient armés de matraques en caoutchouc ou de grands bâtons. Et les coups se mirent à pleuvoir »18.

22 000 personnes sont tuées dès le premier jour. Fait peu connu, les massacres ont continué pendant plusieurs mois sur le site de Babi Yar19. On estime qu’environ 100 000 personnes ont été tuées sur ce qui est devenu un véritable lieu d’extermination. En août et septembre 1943, Paul Blobel à la tête du Kommando 1005 a fait exhumer les corps pour les brûler et les faire ainsi disparaître.

Après Babi Yar : postérité et mémoire
Un massacre dans la durée ?
Dans les mois qui suivirent, 60 000 exécutions eurent lieu au même endroit sur des Juifs, Polonais, Tsiganes, Ukrainiens. Parmi eux se trouvait la poétesse et militante nationaliste ukrainienne Olena Teliha.

Après les exécutions de masse, le camp de concentration de Syrets fut créé à Babi Yar. Les communistes, résistants et prisonniers de guerre y ont été enfermés. Le nombre de victimes du camp est estimé à 30 000.

Durant les deux années qui suivirent, avant que l’Armée rouge ne reprenne Kiev, Babi Yar continua d’être le lieu d’un massacre obstiné de la part des nazis : près de cent quarante mille personnes de nationalités variées y furent abattues à la mitrailleuse ou enterrées vivantes : Juifs, Polonais, Tsiganes, opposants aux nazis, malades mentaux, prisonniers de guerre et tous les habitants de Kiev que le hasard des rafles ou les dénonciations destinaient à une disparition sans trace et sans mémoire20. Avant leur retraite, les nazis se hâtèrent de brûler les cadavres et de disperser les cendres avant l’arrivée de l’Armée rouge, afin d’anéantir la sépulture des hommes. D’autres ravins eurent d’ailleurs la même fonction à travers les territoires occupés.

Babi Yar est unique dans la Shoah du fait de son échelle : environ 22 000 victimes en moins de 12 heures, presque 34 000 en 36 heures. Ni avant ni après, même à Auschwitz ou Treblinka, les nazis n’ont pu exterminer autant de Juifs en si peu de temps.

Si Auschwitz désigne, à l’Ouest, le symbole de la catastrophe pour les Occidentaux, c’est Babi Yar qui pourrait être, à l’Est, le symbole de l’extermination des Juifs soviétiques21.

Héritage
Les autorités soviétiques préfèrent occulter le caractère antisémite de cette action ; après la libération de Kiev le 6 novembre 194320, les victimes juives sont présentées comme des « citoyens soviétiques pacifiques »22 que l’on a assassinés. Dans l’URSS de Staline et de Khrouchtchev, la singularité de la souffrance juive ou arménienne doit être gommée, noyée dans un vécu partagé avec la totalité du peuple soviétique23. Il existe donc peu de témoignages et de mémoires de ce massacre à la suite de la vague d’antisémitisme et de censure que fit déferler Staline dès 1948, la mémoire de l’anéantissement des Juifs officiellement effacée devint un thème tabou jusqu’à la Perestroïka14.

La publication en 1961 de Babi Yar, un poème de Evgueni Evtouchenko (1933-2017)24, a l’effet d’un électrochoc. En URSS, comme dans le reste du monde, le ravin des bonnes femmes est devenu un symbole. L’impact de ce poème dépasse même les frontières soviétique : en 1963, un récital des poèmes d’Evtouchenko à Maison de la Mutualité de Paris accueille plus de 5 000 spectateurs et Babi Yar y rencontre un grand succès25. En 1966, les autorités érigent un monument qui ne mentionne pas les victimes juives et ce n’est qu’en 1991 (après la chute de l’Union soviétique) que le gouvernement ukrainien autorisa la création d’un monument spécifique aux victimes juives, monument qui fut inauguré en septembre 2001. D’autres monuments furent érigés par la suite, quelquefois de simples croix, dédiés aux nationalistes ukrainiens, aux enfants ou à deux prêtres orthodoxes exécutés par les nazis. Un monument fut également mis en place pour rappeler le massacre de nombreux Tziganes après de nombreuses péripéties tant financières qu’administratives. D’ailleurs, depuis 1990, la médaille de « Juste de Babi Yar » récompense les personnes qui ont porté secours aux Juifs condamnés à mort dans l’extermination de Babi Yar. 400 personnes ont reçu cette médaille à ce jour26.

D’ailleurs, le massacre a profondément marqué la production culturelle soviétique et ex-soviétique qui a cherché à laisser des traces de ce qui a représenté l’horreur de la Shoah au sein de l’URSS.

Dès 1945, le compositeur ukrainien Dmitri Klebanov rendait hommage aux victimes du massacre de Babi Yar en leur consacrant sa Symphonie no 1. Mal accueillie par les autorités, cette œuvre, comme la quasi-totalité des suivantes, fut laissée à l’écart du répertoire diffusé et enregistré dans l’ancienne Union soviétique. De plus, les poèmes d’Evgueni Evtouchenko seront repris intégralement dans la 13e symphonie opus 113 de Dmitri Chostakovitch, dite « Babi Yar », pour orchestre, basse et chœur d’hommes, créée à Moscou le 18 décembre 1962 sous la direction de Kirill Kondrachine, dans des conditions rocambolesques (la basse initialement retenue ayant été priée de ne pas l’interpréter le jour même et Evgueni Mravinski ayant refusé d’en être le chef d’orchestre). Néanmoins, le régime soviétique trouvait ces poèmes trop crus (et trop « juifs ») et a demandé une révision de la symphonie à Chostakovitch. La partition originale fut mise à l’index jusqu’à la mort du compositeur mais une version « auto-censurée » par Evtouchenko fut néanmoins enregistrée par le même Kirill Kondrachine en 196727.
En 1966, la revue soviétique Iounost publie le « roman-document » d’Anatoli Kouznetsov, Babi Iar, traduit l’année suivante et publié en France sous ce titre par les Éditeurs français réunis, dirigés par Louis Aragon et Madeleine Braun.
Le début du massacre de Babi Yar est représenté dans l’épisode 2 de la mini-série télévisée Holocauste (1978).
En 1981, l’écrivain anglais D. M. Thomas évoque longuement le massacre de Babi Yar dans un chapitre de son roman The White Hotel (L’Hôtel blanc).
Jonathan Littell, dans son roman Les Bienveillantes (2006), décrit les réactions de son héros, l’officier SS Max Aue, face à ce massacre28.
En 2009, Thierry Hesse évoque le massacre dans son roman Démon, dans le paragraphe 22 intitulé « Vernichtung » (qui signifie anéantissement, destruction, en allemand)29.
La Femme aux 5 éléphants, documentaire sur Svetlana Geier, traductrice de Fiodor Dostoïevski en allemand. Il est fait mention du massacre dans le film.
Dans son roman HHhH, publié en 2010, l’écrivain français Laurent Binet évoque le massacre de Babi Yar.
Notes et références
(en) Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », 2009, 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3), p. 121
Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, éditions Robert Laffont, 2011, p. 7
Christopher Browning, Politique nazie, travailleurs juifs, bourreaux allemands, Les Belles-lettres, 2002, p. 53
Richard Rhodes, Extermination : la machine nazie. Einsatzgruppen à l’Est, 1941-1943, éditions Autrement, 2004, p. 202-211
George Bensoussan, Histoire de la Shoah, collection « Que sais-je ? », PUF, 1996, p. 40-42
220 000 d’après le dictionnaire de la Shoah
John Keegan, La Deuxième Guerre mondiale, collection Tempus, éditions Perrin, 1990, p. 227-268
Dictionnaire de la Shoah, p. 121
Robert E. Conot, Justice at Nuremberg, Carroll & Graf, 1983, p. 225
Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, Robert Laffont, 2011, p. 80
Archives du gouvernement ukrainien [archive]
Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, Le Livre noir, Arles, Actes Sud, 1995, chapitre « Kiev, Babi Yar ».
Dictionnaire de la Shoah p 121
Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, éditions Robert Laffont, 2011, p. 7-8
George Bensoussan, Histoire de la Shoah, Collection « Que sais-je ? », PUF, 1996, p. 40-42
Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, éditions Robert Laffont, 2011, p. 102
Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, éditions Robert Laffont, 2011, p. 103
Anatoli Kouznetsov, Babi Yar, éditions Robert Laffont, 2011, p. 106
Dictionnaire de la Shoah p 122
http://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=172 [archive]
Florent Brayard, Auschwitz : enquête sur un complot nazi, Seuil, Paris, 2010, p. 26
Timothy Ssnyder, Terres de sang, : l’Europe entre Hitler et Staline, Gallimard, 2012
Serge Cordellier (dir.), Le Dictionnaire historique et géopolitique du xxe siècle, La Découverte, 2005, p. 68
http://www.pulrulczyk.net/mapage12/babi-yar-trad.-j.burko.pdf [archive]
Hervé Hamon et Patrick Rotman, Génération, Tome 1, Les Années de rêve, Paris, Éditions du Seuil, 1998, p. 107-110.
Serge CORDELLIER (dir.), Le dictionnaire historique et géopolitique du xxe siècle, La Découverte, 2005, p. 68
Frans C. LEMAIRE, Le Destin russe et la musique : un siècle d’histoire de la Révolution à nos jours, collection « Les Chemins de la musique », Fayard, 2005
Jonathan LITTELL, Les Bienveillantes, collection Folio, Gallimard, Paris, 2006, p. 178 et suiv.
Thierry HESSE, Démon, Éditions de l’Olivier, Paris 2009, p. 148-154